Loi Aubry
Dossier réalisé par Cyril Pouant
Réduction de la durée légale du travail
Le temps de travail effectif dans les CHR passera à 39 heures à partir du 1er janvier
2000 pour les entreprises de plus de 20 salariés, et à partir du 1er janvier 2002 pour
les autres. L'effectif de l'établissement est calculé mois par mois au cours des trois
années qui précèdent le 1er janvier 2000. Si le seuil de 20 salariés est dépassé au
cours de 12 mois (qui ne sont pas forcément consécutifs), l'entreprise est tenue de
passer aux 39 heures au 1er janvier 2000. La loi permet aux établissements le souhaitant
de signer des accords anticipés de réduction du temps de travail avant la date limite.
Ces entreprises bénéficieront d'aides de l'Etat dégressives sur cinq ans si elles
embauchent au moins 6 % de salariés supplémentaires. Les aides ne s'appliquent cependant
pas aux cadres de haut niveau ni aux intérimaires.
Nouvelles embauches
Seront comptés comme de nouvelles embauches les contrats à durée indéterminée, les
contrats à temps partiel (ou augmentation des contrats existants), les contrats à durée
déterminée, les contrats d'apprentissage, et le conjoint devenant salarié de
l'entreprise.
Définition du temps de travail effectif
Le texte de loi a figé les solutions apportées par la jurisprudence concernant la
définition du temps de travail. Pour la loi, doit être considéré comme du "temps
de travail effectif" "le temps pendant lequel le salarié est à la
disposition de son employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer
librement à ses occupations personnelles". Ainsi, sont exclus : le temps
nécessaire à l'habillement, les pauses déjeuner et dîner, le temps de trajet pour se
rendre au travail, le temps nécessaire à prendre une douche. Ces précisions vont donc
fortement aider les entreprises à réduire leur temps de travail en retranchant ces
moments de "non travail effectif" aux horaires.
Obligations relatives aux horaires
L'horaire journalier maximal de travail est de 11 h pour les cuisiniers, 12 h pour les
veilleurs de nuit et 11 h 30 pour les autres salariés, sauf pour les apprentis et les
mineurs qui ne peuvent être employés plus de 8 heures. Seul l'inspecteur du travail
pourra autoriser un dépassement de ces horaires en cas de travaux saisonniers ou de
surcroît temporaire d'activité. Les horaires hebdomadaires maximaux sont portés à 48
heures par semaine ou 46 heures par semaine sur 12 semaines consécutives. Les textes
posent également une durée minimale de repos journalier de 11 heures consécutives.
Durée quotidienne du travail sur une base de 39 heures hebdomadaire
Pour une semaine de 5 jours, la durée quotidienne de travail serait de 7 h 48 minutes. Si
l'on calcule la semaine sur 6 jours, la durée de la journée de travail est de 6 h 30. Si
c'est sur 5,5 jours que la durée est calculée, la journée passe à un maximum de 8
heures par jour.
Et les salaires ?
Diminuer le temps de travail a de facto une incidence sur la rémunération. Or, le
gouvernement n'a qu'une exigence concernant ce point de la rémunération : les salariés
rémunérés au SMIC ne devront pas subir de baisse de leur salaire. A contrario, cela
signifie que, s'ils l'acceptent, les salariés rémunérés au-dessus du SMIC pourront
voir leur salaire baisser. Bien entendu, les salariés doivent donner leur accord à une
diminution de leur rémunération car cette baisse de salaire s'analyse comme une
modification substantielle du contrat de travail. La loi n'impose aucunement le maintien
des salaires. Toutefois, si vous décidez de maintenir ceux-ci, plusieurs possibilités
vous sont offertes. Actuellement, un salarié rémunéré 55 francs de l'heure touche 2
365 francs pour 43 heures de travail (43 x 55 = 2 365). S'il passait à 39 heures, il
devrait percevoir 60,65 francs de l'heure pour toucher la même rémunération, soit une
augmentation de 10,25 % de son salaire. Vous pouvez donc augmenter le salaire horaire de
vos salariés et calculer la rémunération sur une base de 169 heures par mois à partir
de ce salaire horaire majoré. Si vous l'appliquez, cette majoration devra bénéficier à
l'ensemble de vos salariés, même s'ils ont été embauchés après la mise en place des
39 heures.
Une seconde solution applicable pour que le pouvoir d'achat de vos salariés ne baisse pas
est de leur accorder une prime compensant la baisse de leur rémunération. Un salarié
qui touchait 55 francs de l'heure quand il travaillait 186,33 heures percevait un salaire
brut (hors avantage en nature) de 10 248,15 francs. Après le passage à 39 heures, il ne
touchera plus que 9 295 francs, soit un manque à gagner de 953,15 francs. Vous pouvez lui
reverser cette somme sous forme de prime de compensation de la réduction d'horaire.
Toutefois, si vous le faites, vous serez tenu de verser cette prime compensatrice à tous
les membres du personnel présents au moment de la réduction du temps de travail, et ce
même si leurs horaires ne sont pas affectés (salariés à temps partiel par exemple). De
plus, ces primes sont soumises aux cotisations sociales et à divers prélèvements au
titre de la rémunération. Sur le plan fiscal, la prime s'analyse comme un salaire. Elle
est donc à ce titre soumise à cotisations sociales et imposable à l'impôt sur le
revenu.
Il est également possible de prévoir dans l'entreprise une convention d'intéressement.
Ces intéressements, sont basés sur les gains de productivité de l'entreprise, et
doivent s'appliquer à l'ensemble des salariés. L'administration considère que ces
primes d'intéressement n'ont pas le caractère d'un salaire et ne sont donc pas
assujetties aux cotisations sociales.
Enfin, une solution équilibrée est celle qui permet à l'employeur de diminuer le
salaire de ses employés de manière moins importante qu'une diminution proportionnelle à
la réduction du temps de travail. En contrepartie des primes ou augmentations de
salaires, les accords de réduction du temps de travail peuvent prévoir un gel des
salaires sur une période déterminée (sauf bien entendu en ce qui concerne la
réévaluation légale du SMIC).
Heures supplémentaires
Le gouvernement a clairement indiqué que si l'entreprise ne mettait pas en place la
modulation du temps de travail, les heures effectuées au-delà de la durée hebdomadaire
légale du travail seront considérées comme des heures supplémentaires et devront donc
être majorées (25 % aujourd'hui ; la loi Aubry II donnera les précisions pour 2000). La
loi fixe un contingent annuel d'heures supplémentaires par salarié et par an de 130
heures. Toutefois, ce contingent peut être augmenté librement par une convention ou un
accord collectif (par exemple, l'accord anticipé pour la réduction du temps de travail).
Les salariés ne pourront refuser d'effectuer les heures supplémentaires dans la limite
du contingent de 130 heures. Au-delà de ce contingent, l'inspecteur du travail devra
être informé et devra notifier sa décision dans les 15 jours. A défaut de notification
dans ces délais, la demande est réputée accordée. Il faut bien noter que quoi qu'il en
soit, la durée maximale moyenne du travail de 46 heures sur 12 semaines consécutives ne
doit pas être dépassée, de même que la durée hebdomadaire absolue de 48 heures.
La loi permet aux chefs d'entreprise de remplacer le paiement des heures supplémentaires
par un repos compensateur de 125 ou 150 % des heures travaillées. C'est-à-dire que les
huit premières heures supplémentaires donnent chacune droit à un repos compensateur de
1 heure 15, et les heures suivantes ouvrent droit à un repos compensateur de 1 heure 30.
Un accord doit prévoir la possibilité de mettre en uvre le repos compensateur. A
défaut d'un tel accord, le chef d'entreprise peut le mettre en place sous réserve qu'il
ait obtenu l'accord des délégués du personnel. Ces heures de repos compensateur de
remplacement sont rémunérées mais ne sont pas prises en compte au titre de la durée du
travail et ne peuvent pas être décomptées du calcul des heures supplémentaires.
Modulation du temps de travail
La modulation permet à l'employeur d'adopter, pour le calcul des heures travaillées, une
base annuelle au lieu d'une base hebdomadaire. Un accord d'entreprise doit prévoir cette
modulation qui doit être acceptée par les représentants du personnel. L'accord doit
préciser les données économiques et sociales qui justifient le recours à la modulation
des horaires (meilleure adaptation du rythme de l'entreprise, éviter le chômage
partiel...), le délai dans lequel les salariés doivent être prévenus d'un changement
d'horaires, le droit à la rémunération et au repos compensateur des salariés qui n'ont
pas travaillé pendant la totalité de la période annuelle de modulation de la durée du
travail. Les limites de durée maximale du travail doivent être en tout état de cause
respectées (11 h 30 heures par jour, 46 heures sur 12 semaines consécutives et 48 heures
par semaine).
Quatre types de modulation du temps de travail sont prévus. Pour le premier type, les
heures effectuées au-delà de 39 heures dans les limites de l'accord (au maximum 46 h sur
12 semaines consécutives ou 48 h pour une semaine) ne seront pas décomptées du
contingent annuel d'heures supplémentaires, mais devront tout de même être
rémunérées comme des heures supplémentaires.
Le second type permet de faire varier la durée du travail dans la limite de 44 heures par
semaine dès lors que la durée moyenne du travail ne dépasse pas 39 heures sur
l'ensemble de l'année. Dans ce cas, les heures effectuées au-delà de 39 heures ne sont
pas décomptées du contingent d'heures supplémentaires et elles n'ouvrent pas droit au
paiement majoré ni au repos compensateur.
Le troisième type de modulation n'est pas forcément fixé pour l'année. Par exemple, il
peut être décidé d'opérer la modulation sur une période de 6 mois. L'accord définit
la façon dont la durée du travail peut varier chaque semaine en respectant la moyenne
hebdomadaire maximale fixée par l'accord et en respectant les durées de travail absolues
maximales. L'accord doit obligatoirement prévoir la réduction collective de la durée du
travail dans l'entreprise. En compensation, les heures effectuées au-delà de la durée
légale du travail ne sont pas décomptées du contingent annuel d'heures supplémentaires
et n'ouvrent droit ni à paiement majoré ni à repos compensateur.
Enfin, le quatrième type de modulation permet de compenser des semaines de travail d'une
durée supérieure à 39 heures par l'octroi de jours de repos supplémentaires dont une
partie sera prise au choix du salarié, et l'autre à la discrétion de l'employeur.
L'accord réglera la conversion des heures supplémentaires en jours de repos. Des
précisions sur ce point seront données par la loi Aubry II actuellement en discussion au
Parlement.
L'HÔTELLERIE n° 2633 Hebdo 30 Septembre 1999