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Actualité juridique
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Loi Aubry

Les dispositions de la loi

La loi du 13 juin 1998, dite loi Aubry I, a quelque peu bouleversé le monde du travail. Si les effets de la loi ne se sont pas encore fait ressentir, il est aujourd'hui nécessaire, à l'approche de sa mise en œuvre, de connaître de façon concrète les changements qu'elle va apporter, sachant que cette loi a été complétée et précisée par le décret du 22 juin 1998 et la circulaire du 24 juin 1998.

Dossier réalisé par Cyril Pouant

Réduction de la durée légale du travail
Le temps de travail effectif dans les CHR passera à 39 heures à partir du 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de 20 salariés, et à partir du 1er janvier 2002 pour les autres. L'effectif de l'établissement est calculé mois par mois au cours des trois années qui précèdent le 1er janvier 2000. Si le seuil de 20 salariés est dépassé au cours de 12 mois (qui ne sont pas forcément consécutifs), l'entreprise est tenue de passer aux 39 heures au 1er janvier 2000. La loi permet aux établissements le souhaitant de signer des accords anticipés de réduction du temps de travail avant la date limite. Ces entreprises bénéficieront d'aides de l'Etat dégressives sur cinq ans si elles embauchent au moins 6 % de salariés supplémentaires. Les aides ne s'appliquent cependant pas aux cadres de haut niveau ni aux intérimaires.

Nouvelles embauches
Seront comptés comme de nouvelles embauches les contrats à durée indéterminée, les contrats à temps partiel (ou augmentation des contrats existants), les contrats à durée déterminée, les contrats d'apprentissage, et le conjoint devenant salarié de l'entreprise.

Définition du temps de travail effectif
Le texte de loi a figé les solutions apportées par la jurisprudence concernant la définition du temps de travail. Pour la loi, doit être considéré comme du "temps de travail effectif" "le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de son employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles". Ainsi, sont exclus : le temps nécessaire à l'habillement, les pauses déjeuner et dîner, le temps de trajet pour se rendre au travail, le temps nécessaire à prendre une douche. Ces précisions vont donc fortement aider les entreprises à réduire leur temps de travail en retranchant ces moments de "non travail effectif" aux horaires.

Obligations relatives aux horaires
L'horaire journalier maximal de travail est de 11 h pour les cuisiniers, 12 h pour les veilleurs de nuit et 11 h 30 pour les autres salariés, sauf pour les apprentis et les mineurs qui ne peuvent être employés plus de 8 heures. Seul l'inspecteur du travail pourra autoriser un dépassement de ces horaires en cas de travaux saisonniers ou de surcroît temporaire d'activité. Les horaires hebdomadaires maximaux sont portés à 48 heures par semaine ou 46 heures par semaine sur 12 semaines consécutives. Les textes posent également une durée minimale de repos journalier de 11 heures consécutives.

Durée quotidienne du travail sur une base de 39 heures hebdomadaire
Pour une semaine de 5 jours, la durée quotidienne de travail serait de 7 h 48 minutes. Si l'on calcule la semaine sur 6 jours, la durée de la journée de travail est de 6 h 30. Si c'est sur 5,5 jours que la durée est calculée, la journée passe à un maximum de 8 heures par jour.

Et les salaires ?
Diminuer le temps de travail a de facto une incidence sur la rémunération. Or, le gouvernement n'a qu'une exigence concernant ce point de la rémunération : les salariés rémunérés au SMIC ne devront pas subir de baisse de leur salaire. A contrario, cela signifie que, s'ils l'acceptent, les salariés rémunérés au-dessus du SMIC pourront voir leur salaire baisser. Bien entendu, les salariés doivent donner leur accord à une diminution de leur rémunération car cette baisse de salaire s'analyse comme une modification substantielle du contrat de travail. La loi n'impose aucunement le maintien des salaires. Toutefois, si vous décidez de maintenir ceux-ci, plusieurs possibilités vous sont offertes. Actuellement, un salarié rémunéré 55 francs de l'heure touche 2 365 francs pour 43 heures de travail (43 x 55 = 2 365). S'il passait à 39 heures, il devrait percevoir 60,65 francs de l'heure pour toucher la même rémunération, soit une augmentation de 10,25 % de son salaire. Vous pouvez donc augmenter le salaire horaire de vos salariés et calculer la rémunération sur une base de 169 heures par mois à partir de ce salaire horaire majoré. Si vous l'appliquez, cette majoration devra bénéficier à l'ensemble de vos salariés, même s'ils ont été embauchés après la mise en place des 39 heures.
Une seconde solution applicable pour que le pouvoir d'achat de vos salariés ne baisse pas est de leur accorder une prime compensant la baisse de leur rémunération. Un salarié qui touchait 55 francs de l'heure quand il travaillait 186,33 heures percevait un salaire brut (hors avantage en nature) de 10 248,15 francs. Après le passage à 39 heures, il ne touchera plus que 9 295 francs, soit un manque à gagner de 953,15 francs. Vous pouvez lui reverser cette somme sous forme de prime de compensation de la réduction d'horaire. Toutefois, si vous le faites, vous serez tenu de verser cette prime compensatrice à tous les membres du personnel présents au moment de la réduction du temps de travail, et ce même si leurs horaires ne sont pas affectés (salariés à temps partiel par exemple). De plus, ces primes sont soumises aux cotisations sociales et à divers prélèvements au titre de la rémunération. Sur le plan fiscal, la prime s'analyse comme un salaire. Elle est donc à ce titre soumise à cotisations sociales et imposable à l'impôt sur le revenu.
Il est également possible de prévoir dans l'entreprise une convention d'intéressement. Ces intéressements, sont basés sur les gains de productivité de l'entreprise, et doivent s'appliquer à l'ensemble des salariés. L'administration considère que ces primes d'intéressement n'ont pas le caractère d'un salaire et ne sont donc pas assujetties aux cotisations sociales.
Enfin, une solution équilibrée est celle qui permet à l'employeur de diminuer le salaire de ses employés de manière moins importante qu'une diminution proportionnelle à la réduction du temps de travail. En contrepartie des primes ou augmentations de salaires, les accords de réduction du temps de travail peuvent prévoir un gel des salaires sur une période déterminée (sauf bien entendu en ce qui concerne la réévaluation légale du SMIC).

Heures supplémentaires
Le gouvernement a clairement indiqué que si l'entreprise ne mettait pas en place la modulation du temps de travail, les heures effectuées au-delà de la durée hebdomadaire légale du travail seront considérées comme des heures supplémentaires et devront donc être majorées (25 % aujourd'hui ; la loi Aubry II donnera les précisions pour 2000). La loi fixe un contingent annuel d'heures supplémentaires par salarié et par an de 130 heures. Toutefois, ce contingent peut être augmenté librement par une convention ou un accord collectif (par exemple, l'accord anticipé pour la réduction du temps de travail). Les salariés ne pourront refuser d'effectuer les heures supplémentaires dans la limite du contingent de 130 heures. Au-delà de ce contingent, l'inspecteur du travail devra être informé et devra notifier sa décision dans les 15 jours. A défaut de notification dans ces délais, la demande est réputée accordée. Il faut bien noter que quoi qu'il en soit, la durée maximale moyenne du travail de 46 heures sur 12 semaines consécutives ne doit pas être dépassée, de même que la durée hebdomadaire absolue de 48 heures.
La loi permet aux chefs d'entreprise de remplacer le paiement des heures supplémentaires par un repos compensateur de 125 ou 150 % des heures travaillées. C'est-à-dire que les huit premières heures supplémentaires donnent chacune droit à un repos compensateur de 1 heure 15, et les heures suivantes ouvrent droit à un repos compensateur de 1 heure 30. Un accord doit prévoir la possibilité de mettre en œuvre le repos compensateur. A défaut d'un tel accord, le chef d'entreprise peut le mettre en place sous réserve qu'il ait obtenu l'accord des délégués du personnel. Ces heures de repos compensateur de remplacement sont rémunérées mais ne sont pas prises en compte au titre de la durée du travail et ne peuvent pas être décomptées du calcul des heures supplémentaires.

Modulation du temps de travail
La modulation permet à l'employeur d'adopter, pour le calcul des heures travaillées, une base annuelle au lieu d'une base hebdomadaire. Un accord d'entreprise doit prévoir cette modulation qui doit être acceptée par les représentants du personnel. L'accord doit préciser les données économiques et sociales qui justifient le recours à la modulation des horaires (meilleure adaptation du rythme de l'entreprise, éviter le chômage partiel...), le délai dans lequel les salariés doivent être prévenus d'un changement d'horaires, le droit à la rémunération et au repos compensateur des salariés qui n'ont pas travaillé pendant la totalité de la période annuelle de modulation de la durée du travail. Les limites de durée maximale du travail doivent être en tout état de cause respectées (11 h 30 heures par jour, 46 heures sur 12 semaines consécutives et 48 heures par semaine).
Quatre types de modulation du temps de travail sont prévus. Pour le premier type, les heures effectuées au-delà de 39 heures dans les limites de l'accord (au maximum 46 h sur 12 semaines consécutives ou 48 h pour une semaine) ne seront pas décomptées du contingent annuel d'heures supplémentaires, mais devront tout de même être rémunérées comme des heures supplémentaires.
Le second type permet de faire varier la durée du travail dans la limite de 44 heures par semaine dès lors que la durée moyenne du travail ne dépasse pas 39 heures sur l'ensemble de l'année. Dans ce cas, les heures effectuées au-delà de 39 heures ne sont pas décomptées du contingent d'heures supplémentaires et elles n'ouvrent pas droit au paiement majoré ni au repos compensateur.
Le troisième type de modulation n'est pas forcément fixé pour l'année. Par exemple, il peut être décidé d'opérer la modulation sur une période de 6 mois. L'accord définit la façon dont la durée du travail peut varier chaque semaine en respectant la moyenne hebdomadaire maximale fixée par l'accord et en respectant les durées de travail absolues maximales. L'accord doit obligatoirement prévoir la réduction collective de la durée du travail dans l'entreprise. En compensation, les heures effectuées au-delà de la durée légale du travail ne sont pas décomptées du contingent annuel d'heures supplémentaires et n'ouvrent droit ni à paiement majoré ni à repos compensateur.
Enfin, le quatrième type de modulation permet de compenser des semaines de travail d'une durée supérieure à 39 heures par l'octroi de jours de repos supplémentaires dont une partie sera prise au choix du salarié, et l'autre à la discrétion de l'employeur. L'accord réglera la conversion des heures supplémentaires en jours de repos. Des précisions sur ce point seront données par la loi Aubry II actuellement en discussion au Parlement.


L'HÔTELLERIE n° 2633 Hebdo 30 Septembre 1999

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