Que personne ne se fasse
d'illusion : l'ère des 35 heures n'aura rien d'édénique dans le monde de l'entreprise
et l'on pourrait bien dans quelques années entendre les salariés évoquer avec
nostalgie, le "bon temps" d'avant la loi Aubry ! Stagnation, voire réduction du
pouvoir d'achat, flexibilité, rythmes plus intensifs, organisation minutée, codification
des temps de pause, de douche, seront autant de nouvelles contraintes que devront
supporter, au nom de la réduction du temps de travail, les salariés de l'an 2000. A tel
point que certains se demandent si, encadrés de la sorte, sous contrôle permanent de
chacun de leurs gestes, ils ne vont pas finir par travailler beaucoup plus que sous le
régime antérieur. Sous couvert de civisme, il faudra savoir supporter cette nouvelle
donne ; n'est-elle pas officiellement mise en place pour permettre à ceux qui n'ont pas
d'emploi de justement en retrouver un ? Autre utopie, pour supporter les charges
supplémentaires que la loi impose aux entreprises, les réorganisations seront nombreuses
et se feront toujours dans un esprit d'économie de main-d'uvre, charges sociales
obligent ! Ne pouvant, comme dans l'industrie, remplacer l'homme par la machine,
hôteliers et restaurateurs simplifieront le service, sous-traiteront certaines
prestations et obligeront dès lors les clients à s'adapter. Il deviendra courant, dans
les hôtels, une fois le service de restauration supprimé pour cause de rentabilité, de
voir les livreurs de pizzas ou de sushis débouler pour répondre aux commandes des
clients des hôtels.
Les patrons, à qui l'on fait miroiter les avantages financiers de la mesure, ne sont
pas dupes, ils devront supporter de nouveaux impôts pour que l'Etat tienne son
engagement, ils restent convaincus que la mesure leur coûtera beaucoup plus qu'elle ne
leur rapportera. Les plus opportunistes seront certainement les meilleurs gestionnaires.
Ils cherchent dès maintenant à trouver les solutions pour tirer leur épingle du jeu en
profitant de la période pour renégocier, réorganiser. Tous ceux qui s'y refusent ont
tort, ils perdent du temps sur leurs concurrents, sur ceux qui n'auront ni le souci
d'améliorer les conditions de vie de leurs salariés ni celui de créer de l'emploi. Ceux
qui sauront tirer profit des faiblesses de la loi pour passer le cap du millénaire seront
ceux qui y entreront dans les meilleures conditions. Ce n'est pas en regardant avec
nostalgie dans le rétroviseur que l'on avance dans de bonnes conditions, mais en suivant
la route qui, aussi mal tracée soit-elle, offre toujours à qui se donne le mal de le
trouver, un itinéraire de qualité.
PAF
L'HÔTELLERIE n° 2634 Hebdo 7 Octobre 1999