Dominique Vlasto, adjointe au Tourisme à Marseille
"Avant", elle
s'occupait des femmes et de la famille. "Avant", c'était quand Jean-Claude
Gaudin était le président du conseil régional. Il lui avait confié la présidence du
groupement régional d'action et d'information des femmes. Pendant 12 ans, Dominique
Vlasto y a "planché", avec diverses associations, sur les problèmes
professionnels et familiaux...
Rien à voir avec le tourisme. Mais peut-être est-ce là qu'elle a commencé à
développer ce goût du concret et cette capacité à travailler avec les autres et à
fédérer les énergies que ses interlocuteurs lui reconnaissent aujourd'hui. "Elle
a deux grandes qualités, estime Paul Schianchi, président du CHR 13. Elle est à
l'écoute et on peut discuter de tout avec elle ; et elle n'a pas peur d'aller sur le
terrain. Pendant la Coupe du Monde par exemple, lorsque à la suite de l'incident survenu
avec les Anglais, le préfet a voulu faire fermer tous les bars et restaurants de la ville
à 23 heures, elle est venue avec moi pour le faire revenir sur sa décision. Et on a
réussi !"
Une intime de Jean-Claude Gaudin...
Cette Marseillaise de souche, mariée à 20 ans à un Grec (comme la légendaire
fondatrice de Massalia), rapidement mère de deux enfants et femme au foyer, prenait
pourtant une succession qui, a priori, pouvait paraître difficile : celle de Jeanne
Lafite, figure du milieu culturel et gastronomique marseillais.
"Jeanne est un personnage, certes, rétorque-t-elle, mais elle n'avait pas
la confiance de son maire, comme moi j'ai celle du mien. J'ai les mains beaucoup plus
libres. Et Jean-Claude Gaudin croit au tourisme comme facteur de développement
économique !"
Dominique Vlasto a un atout de poids : elle fait partie de ce qu'il est convenu d'appeler
la "garde rapprochée" du maire. "C'est vrai, dit-elle, je fais
partie des trois ou quatre proches de Jean-Claude Gaudin, et j'ai tissé avec sa famille
des liens de grande affection, depuis que j'ai commencé à travailler avec lui, en
1977."
Elle avait 31 ans, et s'occupait alors de la gestion du petit atelier de confection monté
par sa grand-mère. Des amis l'avaient entraînée à une réunion...
Vingt ans après, lorsque Jean-Claude Gaudin lui confie le poste d'adjoint au tourisme, il
lui met les atouts en main.
Elle parle en son nom au sein de l'office de tourisme, dont elle est vice-présidente et
dont, avec un budget passé de 11 à 14 MF, elle fait son fer de lance. Dès 1996, elle
peut par ailleurs s'appuyer, au sein des services de la Ville, sur une direction du
tourisme et des congrès (intégrée à la Direction générale du développement
économique) où travaillent six personnes, au lieu d'une dans la précédente
municipalité. "Travailler ne me fait pas peur, pourvu que je puisse décompresser
avec mes amis et ma famille et garder de temps en temps mes deux petites filles, Marine et
Victoria, âgées de cinq et deux ans", confie cette brune quinquagénaire, à la
simplicité chaleureuse et au langage direct, qui vit dans un appartement de l'immeuble
familial du quartier Saint-Giniez et pratique le golf et la natation.
Elle se met donc à la tâche sans hésitation, en sériant ses objectifs avec
pragmatisme.
Une travailleuse opiniâtre
Première cible : optimiser le tourisme de congrès, puisque la municipalité précédente
lui laisse deux équipements de qualité, le centre des congrès du parc Chanot
"relooké", et le flambant neuf palais du Pharo, ouvrant sur la rade
marseillaise.
Rapidement, elle intègre cette activité à l'office de tourisme. Pour la commercialiser,
elle crée un poste de directeur adjoint. Résultat : de 65 000 journées congressistes en
1995, on atteint 130 000 en 98.
Seconde cible : le tourisme de croisières. Dominique Vlasto s'allie à la chambre de
commerce et d'industrie et au port autonome de Marseille pour créer le Club de la
Croisière dont elle est vice-présidente. Là, de 18 000 croisiéristes accueillis en
1995, on passe à plus de 150 000 en 1998.
"Cette année, mon objectif, affirme-t-elle, c'est le développement du
tourisme nautique et de plongée. Je veux installer une capitainerie pour les plaisanciers
et un accueil plongée sur le Vieux Port. Je pense que l'on peut faire quelque chose aussi
sur l'île du Frioul... En l'an 2000, je m'attaquerai au tourisme industriel..."
Dominique Vlasto avance ainsi ses pions un par un, avec opiniâtreté, en développant une
vision transversale du tourisme, qui la met en contact avec divers services de la mairie :
la mer, l'urbanisme, l'environnement, la propreté des rues, le sport (avec l'OM et
l'organisation de visites guidées du stade vélodrome), la culture, le commerce...
Esprit pratique et sens du détail
"Elle est omniprésente, elle a des idées sur tout, ne se satisfait jamais de ce
qu'elle a obtenu et pense immédiatement à la manière dont elle va le capitaliser pour
aller plus loin", décrit Marc Thépôt, directeur régional du groupe Accor, et
président de l'hôtellerie de chaîne, en contact fréquent avec elle. Et il ajoute : "Elle
n'a ni langue de bois ni discours intellectuel, mais un esprit pratique, le sens du
détail."
On dit aussi d'elle que "quand elle veut quelque chose, elle ne lâche pas le
morceau". Ainsi en est-il par exemple de son projet de transformer l'Hôtel Dieu
(ancien hôpital classé, dominant le Vieux Port) en hôtel quatre étoiles. La Ville
planche officiellement sur le sujet et devrait lancer une consultation à la fin de
l'année.
Mais si, aujourd'hui, Dominique Vlasto est ainsi reconnue dans les milieux du tourisme,
c'est aussi parce qu'elle a réussi ce qu'elle appelle elle-même son "baptême du
feu" : la Coupe du Monde.
C'est en tout cas à cette occasion qu'elle a noué des contacts étroits avec les
professionnels, allant visiter elle-même les hôtels, petits et grands, ou lançant
notamment avec le CHR 13 une opération de labellisation des cafés et restaurants.
A l'écoute des autres...
"Le Mondial pouvait être une opération de promotion inespérée. Je voulais
absolument faire travailler tout le monde ensemble pour que Marseille se montre à la
terre entière sous son meilleur jour." Elle noue également des relations de
coopération inédites avec le comité départemental de tourisme, montant avec lui et le
syndicat hôtelier une centrale de réservations de dernière minute.
Et aujourd'hui Dominique Vlasto, qui a amorcé également une collaboration tout aussi
inédite avec le comité régional de tourisme, n'hésite pas à faire une conférence de
presse commune avec Daniel Comte, président du CDT... Elle a en effet compris que vendre
Marseille comme "porte de la Provence", en misant sur son arrière-pays, pouvait
être un argument de poids, le département des Bouches-du-Rhône étant visité par neuf
millions de touristes...
"Je suis une Méridionale, j'apprécie la convivialité, explique-t-elle. Et
même si j'aime défendre mes idées, je suis prête à travailler avec des gens
d'opinions différentes dans l'intérêt de la ville."
Dominique Vlasto n'hésite pas non plus à soutenir les initiatives des autres, même si
elle n'en a pas forcément le leadership.
Se donner tous les moyens pour réussir
Ainsi dit-elle d'emblée "oui" lorsque Georges Antoun, président de la
commission du tourisme de la CCI, lance l'idée d'aller promouvoir à New York la
gastronomie et le tourisme de Marseille en Provence. "C'est la première fois que,
dans une opération comme celle-là, les politiques s'effacent devant les
professionnels", apprécie alors Georges Antoun. Je ne peux que souhaiter à
tous les interlocuteurs du tourisme d'avoir en face d'eux quelqu'un comme elle. Dès qu'un
projet est évoqué, elle le concrétise et se donne tous les moyens pour arriver à ses
fins. C'est un plaisir de travailler avec elle ; les dossiers avancent d'une façon
remarquable", commente-t-il.
Et à ceux qui, malgré tout, ont le sentiment qu'elle n'a pas en tête de grands projets
d'équipement touristique pour sa ville, elle répond : "Il y aura un grand
complexe culturel et touristique sur les quais dans le cadre du projet Euroméditerranée.
Mais d'ici là, nous avons encore beaucoup de petites choses à faire : développer le
tourisme urbain, peaufiner l'accueil, inciter les petits hôteliers à investir pour se
moderniser..."
Et elle conclut : "Si j'ai réussi jusqu'à présent, c'est parce que tout le
monde a joué le jeu. Nous avons entamé un travail d'équipe formidable avec les
professionnels et les institutionnels. J'ai envie de continuer dans cette voie..."
La voie de l'efficacité au-delà du combat politique. Incontestablement la seule voie où
se reconnaissent les femmes.
L. Casagrande
"Elle n'a ni langue de bois ni discours intellectuel, mais un esprit
pratique, le sens du détail."
L'HÔTELLERIE n° 2634 Hebdo 7 Octobre 1999