Après la réussite médiatique
de la manifestation de lundi dernier, il appartient aux dirigeants de la profession de
profiter de l'impact obtenu afin de faire avancer, et si possible aboutir, l'essentiel de
leurs revendications.
Le succès populaire de la marche colorée et animée des chefs entre la Concorde et
l'Assemblée nationale en passant par le Louvre incite à une double réflexion : comment
investir dans le capital de sympathie dont bénéficient les chefs dans l'opinion, et
comment mettre à profit des circonstances favorables pour accentuer la pression sur un
gouvernement jusqu'ici sourd à tous les appels ?
Côté opinion, il est incontestable que le métier de restaurateur fait partie
intégrante du mode de vie et de la culture française. La fréquentation des restaurants
fait aujourd'hui partie de la consommation de masse, et chacun est sensible au contenu de
son alimentation. Or, en toute modestie, la France offre, à tous les niveaux de
prestation, une qualité incomparable. Autant jouer sur cette corde, notre pays ayant
conservé un attachement tout particulier à son art de vivre et de manger. Et n'en
déplaise aux contempteurs d'une supposée américanisation de nos assiettes, nous
restons, Dieu merci, le pays de la bonne chère, tant appréciée des millions de
visiteurs qui se précipitent chaque année plus nombreux dans l'Hexagone. A la profession
de saisir une opportunité exceptionnelle de communication qui ne laisse insensible aucun
homme politique. André Daguin, qui appartient à l'élite de nos grands chefs, a revêtu
l'habit difficile à porter de leader syndical. De la haute gastronomie, il lui faut
aujourd'hui défendre les intérêts de tout un métier artisanal qui entend le rester.
Pour réaliser une synthèse médiatiquement réussie, il a besoin des autres dirigeants
de la profession qui ont toujours uvré pour la défense des obscurs et des petits
exploitants, tissu indispensable à la vitalité de la cuisine dans l'Hexagone. L'appui ne
sera pas inutile non plus des prestigieuses associations de l'art culinaire, Maîtres
cuisiniers, chambre syndicale de la Haute cuisine, Euro-Toques dont les leaders s'étaient
déplacés lundi à Paris.
Il est temps que toutes les formes de restauration se rassemblent, unies dans le même
combat pour le développement du secteur qui a un bel avenir à condition de ne pas subir
des charges insupportables.
Car le futur promet de redoutables défis à relever : la baisse de la TVA, qui
pourrait s'amorcer dans le cadre de l'harmonisation européenne sans trop pénaliser
l'hôtellerie qui connaîtra probablement une hausse de son taux actuel, la réduction du
temps de travail, condition indispensable à un recrutement de qualité de plus en plus
difficile à réussir, l'adaptation aux exigences de plus en plus changeantes d'une
clientèle devenue volage et infidèle, la mise en uvre de techniques de gestion, de
marketing, de fabrication et d'accueil chaque jour plus sophistiquées.
Vaste programme à argumenter à l'égard des hommes politiques, Gouvernement et
Parlement, qui ne pourront éternellement se contenter de barrer les rues du VIIe
arrondissement de Paris au lieu d'écouter et d'essayer de répondre aux attentes de ceux
qui les interpellent. Ceux qui les ont faits rois, et peuvent toujours changer d'avis.
L. H.
L'HÔTELLERIE n° 2635 Hebdo 14 Octobre 1999