l Guides des chaînes hôtelières
A la base, renseigner est l'objectif d'un guide. Si les chaînes se sont mises à en éditer, c'est bien dans cette optique mais aussi pour d'autres raisons venues plus tard. Il y a en fait un grand décalage entre ce que perçoivent les clients d'hôtels sur l'usage d'un guide et ce que pensent les hôteliers. Pour les premiers, le guide est avant tout un outil d'information, voire de suggestions. Pour les seconds, c'est la preuve que la chaîne existe ! Si les premiers guides de chaînes hôtelières n'étaient souvent que des recueils d'adresses plus ou moins bien présentés, ils sont devenus au fil du temps de véritables instruments de vente, pour argumenter et surtout conquérir : "Cet hôtel vous a plu, regardez, il y en a d'autres offrant les mêmes qualités." Le guide est d'ailleurs la première chose qu'on édite quand on lance un réseau ; c'est aussi ce qui mobilise le plus les opérateurs et crée le plus de soucis. Le premier constat est qu'il y a un grand mimétisme entre les guides des chaînes, selon leur gamme. Si cela suscite l'ennui, cela a pour mérite de permettre à la clientèle de savoir lire facilement tout nouveau guide qu'elle prendra en mains.
36 millions de guides par an
Au fur et à mesure que les chaînes ont grossi, leurs "directories" ont
également pris de l'embonpoint. La concurrence s'est accrue et il a fallu trouver de
nouveaux clients et donc communiquer : tirer parti du guide s'imposait. Expliquer son
produit, vanter les mérites de la chaîne, proposer de nouveaux services, convaincre : le
guide prend désormais cette voie. Devenue une vitrine, on y montre parfois tout et
n'importe quoi. Avec le développement des nouvelles technologies, on a craint que
l'informatique et Internet viennent détrôner le manuel en papier. Mais c'est loin
d'être le cas et il s'avère que ces deux modes de communication se montrent
complémentaires. En 1998, selon l'étude de Coach Omnium, les chaînes hôtelières
intégrées et volontaires en France ont fait imprimer un total de près de 36 millions de
guides, contre 31 millions trois ans auparavant.
Tout miser sur l'emballage
Papier recyclé, papier glacé, guide agrafé ou dos carré collé... pas besoin de
connaître l'univers hôtelier pour se repérer à travers les multiples guides existants.
Il suffit souvent simplement de les feuilleter pour savoir à quel type d'hôtellerie on a
affaire. Plus on monte en gamme, plus le papier est épais, glacé ; la couverture
cartonnée, pelliculée... pour faire plus luxe. Du côté des chaînes plus économiques,
il arrive que la feuille soit aussi épaisse que du papier de cigarettes. Certaines
chaînes vont même jusqu'à éditer leur guide sur du papier recyclé : que ce soit pour
raison écologique ou financière, le résultat est le même, l'impression laissée est
souvent peu valorisante. L'autre aspect qui ne trompe pas est l'espace consacré à chaque
établissement. L'explication est assez simple : nul besoin de s'étendre sur un
établissement premier prix dont la principale mission est d'offrir une solution de
couchage pour une nuit. L'annuaire reflète ainsi légitimement le minimalisme du produit
chambre. Les guides économiques insistent surtout sur les plans d'accès, pas toujours
très explicites dans les zones industrielles.
Complexification des guides
Plus on monte en gamme, plus les détails se font nombreux. Il est courant de voir des
photographies de l'hôtel. C'est une pratique très développée par les chaînes
volontaires et le moyen/haut de gamme des chaînes intégrées. Là aussi parfois,
l'illustration à elle seule en dit long sur la catégorie de l'hôtel. Notons aussi ce
qui fait sourire plus d'un client mais qui ne semble pas interpeller les hôteliers :
certains présentent des photos qui n'ont rien à voir avec le pro-duit/concept proposé
(massif de fleurs, chemin forestier, vue de montagne) à la place d'une vue de l'hôtel. "L'hôtelier
a-t-il à ce point honte de son établissement qu'il ne peut en montrer la façade ?",
s'interroge une cliente d'hôtels. Un texte, même dithyrambique, ne sera jamais aussi
évocateur qu'une photographie. D'ailleurs, la prose descriptive est rarement longue,
faute de place. Les pictogrammes ont pris de plus en plus le pas sur les mots. Le mérite
de ces icônes est de synthétiser l'offre disponible. L'inconvénient est qu'ils ont
tendance à uniformiser la prestation, avec un côté devenu rébarbatif. "D'une
manière générale, les guides se sont complexifiés. Les chaînes créent des usines à
gaz en ajoutant chaque année de nouvelles informations qui viennent polluer des données
plus importantes, un peu comme l'Assemblée ajoute constamment de nouvelles lois sans en
retirer d'anciennes", analyse Gérard Leforestier, de l'agence de communication
AB-cam. A noter aussi cette initiative de Relais du Silence qui ne publie son guide que
tous les deux ans, parce que les effectifs se stabilisent, ce qui lui permet de consacrer
de plus gros moyens pour d'autres actions de promotion.
Pictogrammes à profusion
A la lecture de la plupart des guides de chaînes, les informations qui y sont contenues
sont, somme toute, assez banales. En dehors des incontournables adresses, numéros de
téléphone et récemment adresses E-mail ou sites Internet... seuls les pictogrammes ont
proliféré. Mais à vouloir trop les décliner, on arrive à des situations ubuesques. On
dénombre plus de 45 pictogrammes dans un guide. Difficile de s'y retrouver pour le
lecteur. A cela s'ajoutent aussi des jeux de couleurs : très pratiques pour faire le
distinguo entre une activité sur place ou à proximité. Ces nuances de ton sont aussi
utilisées pour signifier les lieux climatisés dans le guide Ibis. D'ailleurs, la
climatisation a fait son entrée récemment et c'est une information que l'on trouve
désormais fréquemment. Au fil du temps, on a vu apparaître de nouvelles données comme
la situation de l'hôtel, en centre-ville, en bord de mer ou à la campagne... Outre ces
informations pratiques liées à l'établissement, le nom du directeur de l'hôtel est
généralement indiqué. Dans les hôtels haut de gamme, le nom du propriétaire y est
souvent juxtaposé. Mais jusque-là, rien d'exceptionnel mis à part pour Novotel qui fait
preuve d'une petite nouveauté. La chaîne qui veut revaloriser sa restauration ajoute une
petite toque avec le nom du chef de cuisine. De plus en plus également, les chaînes
intégrées inscrivent au sommaire de leur guide des établissements qui ne sont pas
encore ouverts, histoire de montrer leur dynamisme. De manière plus insolite, Le
Méridien indique le voltage électrique en service dans l'hôtel, bien pratique pour les
globe-trotters confrontés régulièrement à ce type de problème de compatibilité. La
chaîne Relais & Châteaux, quant à elle, précise les informations nécessaires à
une localisation par GPS quand une Hélisurface est à proximité d'un hôtel. On s'adapte
à sa cible.
Se démarquer par les promesses faites
Qu'est-ce qui distingue le plus une chambre d'hôtel d'une chaîne de celle d'une autre
chaîne ? Les services. Et les chaînes craignant les amalgames cherchent à se
démarquer. Centrale de réservations, tarifs spéciaux pour les sportifs ou pour les
jeunes, ou pour les seniors... les exemples sont nombreux. Bien des chaînes hésitent
aussi à faire des promesses qu'elles ne sont pas sûres de pouvoir tenir. A noter
cependant que les enseignes auraient besoin parfois d'une petite dose de modestie. Prenons
l'exemple des pages qui vantent les petits-déjeuners : présentés comme gargantuesques,
ils se réduisent comme peau de chagrin une fois sur place. La publicité est parfois
limite mensongère dans certains cas. Dans le même ordre d'idées, pourquoi les chaînes
qui ont des hôtels situés dans des zones industrielles présentent-elles parfois leurs
établissements dans des environnements bucoliques et verdoyants, contre toute réalité ?
D'autres ont fait preuve d'ingéniosité, s'adaptant à la demande du public. Ainsi B
& B propose un petit-déjeuner express en plus de celui présenté en buffet. Pour 15
francs : une viennoiserie, un yaourt et un café. De quoi réjouir les anorexiques du
matin qui digéraient mal les 30 francs payés au forfait pour un unique petit noir. Autre
particularité chez Hilton : la chaîne précise ainsi que dans quelques-uns de ses
établissements, tous les moyens humains et matériels nécessaires à la réception d'une
équipe pour le tournage d'un film sont disponibles. Hilton a aussi mis en exergue les
établissements répondant aux attentes de la clientèle japonaise tant par la présence
d'un personnel parlant la langue du pays du soleil levant, que par des services
spécifiques à ce public.
Classification interne
Outre les différents services qu'elles proposent, les chaînes sont de plus en plus
nombreuses à avoir adopté un système de classification interne de leurs hôtels.
Propres à leur structure, les critères définis permettent, en principe aux clients de
mieux appréhender l'hôtel et de mieux le positionner quand les unités sont différentes
les unes des autres. Relais & Châteaux, Concorde, Châteaux & Hôtels de France,
Mercure, B & B, Mister Bed mais aussi Logis de France se sont adonnés au classement
interne symbolisé par des blasons, des cheminées, des haumes, des couleurs ou des
appellations personnalisées. Depuis longtemps, la publicité est entrée par la grande
porte dans les guides des chaînes hôtelières. Les grandes marques de champagne y
côtoient les loueurs de voitures... Mais à vouloir à tout prix des annonceurs pour
co-financer le guide, on a parfois fini par prendre tout ce qui passe. Généralement, on
fait appel à ses gros fournisseurs et cela donne des incohérences critiques pour l'image
de la chaîne : une présence d'annonceurs très étrangers au monde du voyage ou à la
cible de clientèle, comme des fabricants de chaudières, de machines à laver, des
imprimeurs locaux, des équipementiers de cuisines professionnelles, etc. De même, bien
des chaînes intégrées profitent de ce support pour recruter de nouveaux gérants ou des
franchisés. Certaines vont même jusqu'à proposer des modes de financement pour inciter
des investisseurs à ouvrir un hôtel chez elles. C'est montrer brutalement au public les
mécanismes de fonctionnement alors que les clients ne veulent que du plaisir, sans
connaître les coulisses de la profession.
Le choix de la qualité
Les guides des chaînes sont effectivement de précieux outils de vente et de
valorisation. D'ailleurs, on remarque qu'ils sont de plus en plus de grande qualité,
même si l'inventivité n'est pas toujours de mise. Pour autant, le frein à la nouveauté
vient des clients eux-mêmes, qui veulent absolument se tenir à des formats de poche, qui
tiennent dans une boîte à gants. On ne fait pas le bonheur des gens malgré eux.
M.-L. Estienne
L'HÔTELLERIE n° 2635 Supplément Économie 14 Octobre 1999