Formation continue
"La profession hôtelière se plaint, à tort ou à raison, d'un personnel qui n'est pas suffisamment qualifié. Mais s'est-elle donné tous les moyens pour faire en sorte qu'il soit davantage compétent ? ", se demande le responsable d'un cabinet de recrutement spécialisé. La formation de base est une chose, la formation continue ou professionnelle en est une autre. "Ce n'est pas parce que vous n'avez pas fait d'études que vous devez rester petite main toute la vie, s'indigne, à juste titre, Christine Viollet, directrice en ressources humaines. C'est l'un des rôles de la formation continue de combler des lacunes pour permettre à tous de progresser." Les chiffres 1998 du FAFIH laissent supposer que les professionnels ont compris que la qualité pouvait s'obtenir avec un personnel qualifié et mieux formé. Ce sont près de 45 000 personnes, soit 30 % de plus que l'année précédente, qui ont bénéficié d'une aide financière de formation de l'unique fonds mutualisateur du secteur.
Les patrons se forment peu
Pour rester dans la course, les professionnels commencent à se rendre compte de
l'importance de la formation professionnelle face notamment aux nouvelles technologies,
méthodes de ventes, Internet, langues étrangères... Cependant, dans la pratique, les
choses sont différentes. " Tous les arguments sont utilisés pour décliner une
formation. Le manque de temps est celui le plus couramment mis en avant notamment pour les
"petits" hôtels où l'absence d'une personne semble mettre en péril
l'équilibre de l'établissement ", s'exclame un formateur. Dans une moindre
mesure, "le chef a toujours raison" et donc n'éprouve pas le besoin de
se former lui-même. Un autre problème est celui du turn-over, caractéristique de la
profession, qui n'est pas un facteur favorable à la formation. "Je ne vois pas
pourquoi je payerais une formation à un de mes employés qui risque de me quitter sous
quelques mois", s'exclame Alain Pellet, directeur d'hôtel. Sur quoi, Claudine
Desvignes de CD Consultant s'indigne : "A ce rythme-là, on ne s'en sortira
jamais. Il faut aussi considérer la formation comme un instrument de motivation et de
reconnaissance du personnel. Si les dirigeants acceptaient plus facilement de former leurs
employés, malgréune rotation importante, ils embaucheraient aussi un personnel formé
auparavant par d'autres employeurs." Heureusement, tous ne réagissent pas de la
sorte et contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas les cadres qui en profitent le
plus mais bien les postes intermédiaires. Malheureusement, la formation est souvent vue
comme un gâchis. "J'entends trop souvent cette phrase : tout ce qu'on a appris
pendant le stage est très instructif et pourrait faire évoluer notre société. Mais, à
notre retour, notre chef n'applique pas ces méthodes et ne veut pas nous écouter", confie
Claudine Desvignes.
Faire impression
Depuis peu, les formateurs observent une certaine mutation dans la population qui accède
à la formation continue. Dès lors que les hôteliers adhèrent à un groupement, qu'il
soit intégré ou volontaire, la partie est beaucoup plus facile à jouer. "Dans
ce cas, ils ont à cur de tirer profit de tout ce que la chaîne met à leur
disposition. Le véritable problème vient des indépendants. S'ils ne se tiennent pas
informés de ce qui se passe, comme la gestion du temps de travail avec le passage aux 39
heures, ils vont aller droit dans le mur", se lamente Jean-Paul Lafay, directeur
général d'Unifhort. "Même s'il est motivé, un temps soit peu, le candidat sera
sensible à une implication de notre part, c'est-à-dire que nous devons aller à lui
plutôt que de le faire venir à nous." La motivation passe aussi par de bons
sujets de formation.
Durée moyenne d'un stage
Quand on écoute les participants et leurs patrons, l'idéal est de pouvoir trouver un
stage sur une journée. Mais, selon les formateurs, l'impact de la formation en devient
quasiment nul. En effet, chaque session commence par une remise à niveau qui demande du
temps avant de rentrer dans le vif du sujet. "Une formation sur une journée ne
sert pratiquement à rien. Le participant mettra près de 2 heures à s'habituer au
formateur et la synergie de groupe commencera à fonctionner lorsque la journée touchera
à sa fin", indique Michel Joly, directeur général du FAFIH. C'est pourquoi
l'organisme payeur refuse souvent des dossiers où la formation ne s'étale que sur une
journée. La durée moyenne des formations a tendance à se réduire et varie entre 3 et 4
jours. Le FAFIH se bat aussi pour que les formations aient une nécessité réelle et
qu'il y ait un vrai besoin de la part de l'entreprise.
Des thèmes à la mode
Les stages sont souvent en rapport avec l'actualité. Les sessions traitant de la mise en
place de la nouvelle convention collective ou encore la méthode HACCP ont fait fureur.
L'accueil et tout ce qui est en rapport avec la notion de service est en émergence.
L'indétrônable sujet à la mode est la bureautique et l'informatique. Les stages de
langues ne sont pas oubliés. L'abondance de la clientèle étrangère et l'aspect
qualité qui est toujours de rigueur justifient cet engouement. L'un des reproches faits
aux entreprises est leur démarche à trop court terme. Les formations en
commercialisation hôtelière, qui ont eu de nombreux adeptes pendant des années, sont
aujourd'hui menacées. "La saison a été meilleure, les hôteliers sont moins à
la recherche de nouveaux clients. Ce n'est qu'en période de crise qu'ils glanent les
meilleures méthodes pour remplir leur établissement", explique Jean-Paul Lafay.
Bien qu'ils aient été plus nombreux à s'inscrire, les stagiaires ne représentent que 8
% du nombre total de salariés du secteur des CHR. Pour autant, les entreprises
réfléchissent davantage à la formation continue en termes d'investissements plutôt
qu'en termes de dépense à fonds perdus. Reste à savoir, si ces bonnes résolutions ne
seront pas éphémères.
M.-L. Estienne
"C'est l'un des rôles de la formation continue de combler des lacunes
pour permettre à tous de progresser.
L'HÔTELLERIE n° 2635 Supplément Économie 14 Octobre 1999