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Hôtellerie l Bilan des CDEC trois ans après leur mise en place dans le secteur

Une majorité de projets acceptés

La mise en place de la loi dite Raffarin a effrayé plus d'un opérateur hôtelier. Mais, passé le cap de la surprise, la plupart ont joué le jeu. Ils ont eu raison, car il s'avère que la quasi-totalité des projets de créations ou d'extensions d'hôtels est acceptée, en CDEC ou en commission nationale.

Cette étude exclusive a été réalisée par Coach Omnium en septembre 1999, auprès de l'ensemble des CDEC de France et des préfectures.

Il s'avère que, au regard des chiffres, on peut être frappé de perplexité quant à l'impact de la loi Raffarin sur le développement hôtelier. Celle-ci avait essentiellement pour but de réguler, voire de restreindre, les créations d'hôtels. Le résultat apparaît en demi-teinte, selon la façon de voir les choses. Si depuis leur mise en place sur l'hôtellerie, les Commissions départementales de l'équipement commercial (CDEC) ont traité un total de 217 dossiers de demandes de créations ou d'extensions d'hôtels, sans compter une quarantaine de programmes en cours, 82 % des projets ont été acceptés directement, soit 178 demandes. Les 39 dossiers refusés ont été dans la plupart des cas portés devant la commission nationale. Là, généralement, la quasi-totalité des demandes est accueillie favorablement.

Difficile à condamner
Mais, condamner la loi Raffarin parce que les CDEC ont accepté une masse importante de projets serait un raccourci trop facile. Ses effets restent probablement plus bénéfiques qu'il n'y paraît. En premier lieu, le contrôle des créations aura eu pour mérite d'obliger les entrepreneurs à faire réaliser une étude d'impact nécessitant au préalable une étude de marché. Ceci ne se faisait pratiquement jamais auparavant -- sauf pour les gros projets -- et a permis à tout le monde d'y voir plus clair. En second lieu, cela aura fait mourir dans l'œuf un nombre invraisemblable de projets farfelus qui pointaient ici et là, avant la loi. Enfin, on peut ajouter que la loi du 5 juillet 1996 a calmé les esprits des hôteliers inquiets par la prolifération hôtelière, en obligeant les opérateurs à une démarche sérieuse mais surtout humble. En somme, on préfère voir un promoteur hôtelier demander poliment à pouvoir s'implanter, que de le voir venir en invité qui s'impose. La réglementation s'avèrant contraignante et pointilleuse, on peut parfois comprendre l'exaspération de l'hôtelier qui ne peut échapper à l'obligation de faire faire une coûteuse étude d'impact pour agrandir son hôtel de seulement quelques cham-
bres. "Les CDEC, c'est une immense c...!" lance Michel Abstral, un hôtelier savoyard qui a été obligé de demander une autorisation auprès de la CDEC pour agrandir de seulement 4 chambres son hôtel, qui en comprend déjà 32. Mais hormis ce genre d'inconvénients, la loi Raffarin aura permis de remettre toute la logique de dévelop-
pement hôtelier à plat, même si bien des opérateurs lui restent hostiles. "La procédure de soumission auprès des CDEC nous coûte de l'argent, mais surtout nous fait perdre au moins 6 mois, voire 1 an si le dossier est refusé en commission départementale", se lamente un patron de chaîne. "Si autant de projets sont acceptés, c'est parce que les membres des CDEC savent que l'arrivée d'un nouvel hôtel dans une ville contribue à dynamiser le secteur et oblige les concurrents à rénover leur produit. Par ailleurs, l'hôtellerie va nettement mieux qu'il y a trois ans ; on ressent moins la surcapacité hôtelière", explique Danielle Lepourssin, qui travaille à la Concurrence et la Consommation.

Des projets concentrés sur l'hôtellerie économique
Contrairement à ce qu'on croit, les chaînes hôtelières ne sont pas les seules ou principales demanderesses auprès des CDEC. Elles ou leurs franchisés ne représentent qu'une petite majorité de 54 %, représentant 118 hôtels sur un total de 217 créations/
extensions. Les autres projets proviennent d'hôteliers indépendants, dont beaucoup rejoindront probablement des chaînes intégrées en contrats de franchise, avec ou sans mandat de gestion. En revanche, les chaînes sont dominantes en ce qui concerne les créations d'hôtels : 91 projets neufs contre seulement 57 dossiers émanant d'indépendants. Justement, parmi ces dernières, on constate que sur 3 ans, Etap Hôtel a déposé 27 demandes (hors dossiers en cours d'instruction) dont 85 % de créations. La marque du groupe Accor est suivie d'un total de 15 projets pour B & B (groupe Galaxie), 16 pour Ibis (groupe Accor), 13 pour Première Classe (groupe Envergure), 10 pour Villages Hôtel (groupe Jacquier), etc. Marriott, nouveau grand arrivant dans l'Hexagone, s'est vu accorder la totalité des 4 projets présentés en CDEC. Bien entendu, les réseaux qui se frottent le plus aux CDEC sont ceux qui ont pour stratégie un développement par conception d'hôtels neufs, comme dans le superéconomique notamment. D'une manière générale pour les chaînes, 85 % des créations d'hôtels neufs se situent en hôtellerie économique (de 0 à 2 étoiles). Du coup on rencontre naturellement moins de marques comme Comfort ou Clarine par exemple, qui s'appuient surtout sur une croissance de leur parc par la franchise, avec des hôtels existants. En tout, Accor ou ses franchisés sont devenus de grands habitués des CDEC. Ils sont à l'origine de 40 demandes de créations d'hôtels et 17 demandes d'extension, soit 1/4 des dossiers traités par les commissions départementales. On constate que la taille moyenne des projets hôteliers présentés par les chaînes est de 117 chambres, sachant que 36 de leurs établissements planifiés en création ont plus de 100 chambres.
Les nouvelles tendances s'affichent avec de plus en plus de programmes d'extension d'hôtels. On construit une moyenne de 18 chambres par agrandissement, tous types de demandes compris. Déjà, ils représentent 1/3 des sollicitations auprès des instances départementales et avec l'amélioration de l'activité hôtelière, de plus en plus d'hôteliers pensent à s'étendre parce qu'ils commencent à trouver qu'ils refusent trop souvent des clients dans leur établissement. "J'ai raté trois gros contrats l'année dernière avec une entreprise voisine parce que je ne pouvais pas recevoir leurs stagiaires, ce qui m'aurait obligé à annoncer complet à mes clients habituels", s'exclame un hôtelier près de Lyon décidé à lancer une étude d'impact. Sur le plan géographique, quelques départements ont été l'objet de beaucoup de convoitise. Les CDEC de la Seine-Maritime, du Bas-Rhin, de la Gironde ou encore du Calvados ont eu à traiter plus d'une dizaine de projets d'hôtels, en création ou en extension. Quant à la région parisienne, elle concentre 19 % des demandes soumises à autorisation administrative d'exploiter, orientées surtout sur le 93, le 92 et à Paris.

Contournement de la réglementation
Si l'instauration de la loi Raffarin a fait les gorges chaudes de la profession, elle s'avère finalement avoir atteint quelques limites. Sa légitimité pour réguler une création anarchique d'hôtels a été parfois mise à mal car on ne raisonne qu'en termes quantitatifs pour justifier le trop plein d'hôtels sur un secteur géographique. Or, on ne tient bien souvent pas compte des 3 000 à 4 000 hôtels français classés qui sont parfois dans un état de vétusté avancé. Comment en effet refuser un hôtel flambant neuf dans une ville qui voit son hôtellerie vieillir ? Le fonctionnement des CDEC est également de plus en plus souvent contesté. Les demandeurs qui soumettent des dossiers trouvent que les membres de ces commissions sont particulièrement incompétents en matière d'hôtellerie et de marchés touristiques. Par ailleurs, on parle régulièrement de "lobbying" organisé par les grands groupes, qui viendrait polluer les décisions des CDEC. "Dans trois villes, nous avons préféré retirer nos projets, car nous savions qu'un groupe concurrent avait placé localement ses hommes de façon à influencer les membres de la CDEC", s'exclame le bouillonnant p-d.g. d'une chaîne. Malgré tout, puisque la présentation d'une demande d'exploitation rallonge le lancement d'un projet, de plus en plus d'opérateurs cherchent à sauter par-dessus l'obstacle. Certaines petites chaînes futées construisent des hôtels de moins de 30 chambres, quitte à en implanter deux pratiquement côte-à-côte. D'autres promoteurs développent des établissements hôteliers hybrides : un hôtel d'une vingtaine de chambres accolé à une résidence hôtelière d'une trentaine d'appartements, par exemple. Ce dernier produit n'est en effet pas concerné par les CDEC et peut fonctionner selon les cas comme un hôtel, en louant des studios à la nuit, avec pourquoi pas des services hôteliers. C'est bien connu, les lois sont faites pour être contournées. Mais, c'est aussi la preuve que l'esprit d'entreprendre fait force de loi.
G. Marquet & M. Watkins


85 % des créations d'hôtels neufs se situent en hôtellerie économique.

La répartition des demandes d'exploitation traitées par les CDEC depuis juillet 1996 - créations et extensions

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Nombre de dossiers d'hôtels traités par les CDEC créations et extension - hors dossiers en cours

  Année 1997 Année 1998 Année 1999 Total
Total dossiers présentés 55   84   78   217
Total dossiers accordés 42   71   65   178
Total dossiers refusés 13   13   13   39

Source Coach Omnium

Nombre de projets de créations d'hôtels identifiés selon les enseignes de chaînes intégrées, depuis juillet 1996
Hors dossiers en cours d'instruction par les CDEC et extensions

La loi N° 96-603 du 5 juillet 1996, article 4, et l'arrêté du 15 janvier 1997, modifiant l'art. 28 de la loi N° 73-1193 du 27/12/1973 impliquent notamment qu'une étude d'impact soit réalisée, accompagnant une demande d'exploitation pour toute création ou extension d'hôtel de plus de 30 chambres en province et de 50 chambres
en Ile-de-France. Cette demande doit être soumise auprès de la Commission départementale d'équipement commercial (CDEC). En cas de refus du projet par l'instance départementale, le demandeur peut faire appel auprès d'une commission nationale.

L'HÔTELLERIE n° 2635 Supplément Économie 14 Octobre 1999

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