Christian Navet
Dire que l'homme est sans
histoire est faux. Et pourtant, la simplicité, la sobriété, la discrétion habituelles
qui caractérisent Christian Navet laissent croire en la tranquillité du personnage. Les
apparences cachent l'essentiel. La détermination, l'opportunisme raisonné qui émaillent
sa carrière, tant professionnelle que syndicale. Ce Parisien de naissance, lotois
d'origine, a quitté les volcans d'Aurillac et les causses de Gramat pour la rue
Médéric. Un BTH en trois ans ponctué de stages au Lutétia, au France et Choiseul, au
George V puis au Claridge lui ouvrent des horizons, des labeurs, des modes de
fonctionnement à la fois proches et éloignés des métiers qu'il côtoyait. Sa
grand-mère tenait au début du siècle une des vingt-cinq licences IV (pour 25 000
habitants) de Bagnac-sur-Célé et ses parents veillaient depuis 1949 à la destinée du
Chalet du Parc, une belle affaire au parc Montsouris, à Paris, dans le XIVe
arrondissement. En se frottant aux grands hôtels, il reconnaît gagner en curiosité.
L'adolescent, le jeune adulte prend de l'assurance. Et l'étudiant participe, convaincu,
à la première grève - d'élèves - dans l'histoire de l'école hôtelière de Paris.
Sa vie professionnelle va réellement démarrer à l'hôtel Westminster, autre grand
hôtel de la capitale. Il y exercera les postes de réceptionnaire et de caissier, cinq
années durant.
Arrive 1977. L'année est à marquer d'une pierre blanche. Le voici qui prend la tête
d'un café-tabac-restaurant, qu'il rebaptise le Royal Montsouris. L'établissement, situé
à proximité de celui de ses parents, s'inscrit dans le registre traditionnel des
brasseries. La même année, Christian Navet prend sa carte à la Fédération nationale
de l'industrie hôtelière (FNIH). Dans le sillage d'un père fortement empreint de
syndicalisme et de rôle social, d'ailleurs maire-adjoint d'un village dans le Lot.
Jusque-là, Christian Navet convient d'un parcours "passif". "En entrant
dans le syndicalisme, j'ai voulu agir, me rendre utile. Parce que je me suis rendu compte
qu'il y avait de gros clichés sur la profession, et notamment dans les familles dont les
enfants sont susceptibles de faire un métier de l'hôtellerie, chez les conseillers
d'orientation aussi, j'ai choisi de m'impliquer très tôt dans la formation." Un
travail de longue haleine... "Vous savez, ajoute-t-il en souriant, quand
j'étais à l'école, une conseillère d'orientation insistait pour que je devienne
garagiste. Alors que j'ai toujours été nul en mécanique !"
Formation
Pêle-mêle, Christian Navet regrette qu'à l'heure actuelle des entretiens de motivation
ne puissent avoir lieu avec les jeunes lorsqu'ils s'inscrivent dans les écoles
hôtelières. "Il faudrait pouvoir les questionner sur leurs goûts, leur façon
d'être. S'ils n'aiment pas la station debout, par exemple, il va leur être très
difficile de travailler dans ce secteur. Or, ce type de problème, jamais on ne s'y
intéresse. A côté de ça, est-ce qu'on leur explique vraiment les atouts de la
profession, les perspectives de carrière ? Pas assez selon moi." Il parle
également de la formation continue "pas suffisamment utilisée", voire
"méconnue du secteur".
En intégrant la commission chargée de la formation au sein de l'ex-FNIH, à Paris
(commission dont il a pris la présidence en 1997), Christian Navet a été confronté à
l'Education nationale, aux rouages souvent complexes de l'administration, aux difficultés
aussi de faire "bouger la profession". En cours pour lui : la rénovation
du BAC Pro. "Nous allons ensuite entamer une réflexion sur l'ensemble de la
filière. Le CAP Café-Brasserie est dans les tablettes."
Sur le syndicalisme, il constate : "Le secteur a pris une autre dimension. Prenez
le cas de la formation, nous représentons la courroie de transmission entre les
professions CHR et l'Education nationale. A une époque, notre syndicalisme était presque
une amicale. Ceci est bien fini. Il faut un syndicalisme compétent et pratique, capable
de répondre à un maximum de questions."
En acceptant la présidence de la chambre syndicale de la rue Saint-Sabin l'an dernier,
celui-ci allait pouvoir pleinement mettre en uvre sa conception du syndicalisme.
"Il faut savoir se séparer du passé. L'immeuble de la rue Saint-Sabin, par
exemple, était trop grand et pas du tout adapté aux besoins. C'est vrai que le
déménagement marquait à mes yeux la volonté d'une ère nouvelle." Rebaptisé
Union patronale des CHRD de l'Ile-de-France, le syndicat a donc été installé dans des
"locaux informatisés et plus fonctionnels" près de Montparnasse.
Restait l'organisation de l'équipe administrative. "Quand un professionnel
téléphone, nous devons pouvoir le guider, le conseiller. Le contact téléphonique est
très important de nos jours d'où le souhait du bureau d'agrandir le staff des
permanents." Dans la foulée, le nouveau président a recruté un
"commercial", quelqu'un qui va sur le terrain pour "discuter avec les
professionnels qui n'ont pas souvent le temps de sortir de leur établissement. Ce
commercial est là pour parler du syndicat, de l'intérêt, de la nécessité de se
syndiquer de nos jours", et tenter de rattraper les 6 000 adhérents perdus en 12
ans par la rue Saint-Sabin, avant que Christian Navet n'en reprenne les rênes. "Je
sais, le challenge est loin d'être gagné. Mais je continue à avoir la foi comme je
reste persuadé que le bistrot a de l'avenir."
S. Soubes
"En entrant dans le syndicalisme, j'ai voulu agir, me rendre utile."
En datesNaissance le 7 avril 1952 |
L'HÔTELLERIE n° 2638 Hebdo 4 Novembre 1999