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Débat

Professeur avec ou sans expérience ?

Le 2 septembre dernier, Yves Cinotti, formateur à l'IUFM de Toulouse de futurs professeurs pour l'enseignement professionnel, lançait dans nos colonnes un débat sur le profil idéal de l'enseignant. Pour nourrir ce débat, voici aujourd'hui la réaction de M. Féraud, professeur en service et commercialisation au lycée hôtelier de Papeete.

Une licence, une maîtrise se substitueraient-elles à l'expérience ? Non, personne n'oserait l'affirmer aussi simplement. Pourtant, ces dernières années, on sent naître une certaine rivalité dans les lycées entre professeurs techniques avec expérience et professeurs techniques tout frais émoulus des études avec licence voire maîtrise. Parallèlement, de nombreux acteurs de l'Education nationale se posent la question sur la valeur et la reconnaissance des enseignements professionnels. Le débat est donc ouvert : quel doit être le profil de l'enseignant technique de l'an 2000 ?
Effectivement, le niveau actuel de recrutement est plus élevé que par le passé. Conséquence : l'image, le contenu de l'enseignement professionnel auraient tendance à s'éloigner de plus en plus des besoins de formation réclamés par les entreprises. Signalons d'ailleurs que ces dernières sont toujours aussi mal représentées lors des concertations pédagogiques pour l'enseignement professionnel (1).
Les enseignants ne peuvent supporter à eux seuls les échecs de ce système éducatif dans le milieu professionnel. Au contraire, ce sont tous les acteurs qui, à chaque niveau de la hiérarchie éducative, influent sur la politique pédagogique à mener dans l'enseignement professionnel. L'impression que dégagent ces professeurs fortement diplômés mais non expérimentés aux métiers de l'hôtellerie, est une très forte prédominance des savoirs au détriment des savoirs professionnels. Il est vrai qu'ils possèdent une gamme d'outils plus complète du fait de leurs études pour approfondir et mieux analyser certaines connaissances ou techniques professionnelles. Cependant, Lucy Tanguy, directeur de recherche au CNRS, nous dit (2) : "Les savoirs professionnels ne sont qu'une application des savoirs scientifiques et techniques. Savoir n'est pas savoir-faire. Il y a dans le travail des situations souvent imprévisibles auxquelles il faut faire face..."
Alors que nos partenaires des CHR nous demandent de redonner toute sa valeur au savoir professionnel, on ne peut continuer de s'écarter de la réalité du terrain, des besoins de formation nécessaires non seulement au bon fonctionnement des entreprises mais également à l'intégration des jeunes dans le monde du travail.
Il nous faut réfléchir aux solutions d'un consensus entre expérience et connaissance si l'on veut supprimer rapidement la dichotomie créée au sein de certaines équipes pédagogiques dans les lycées hôteliers. Recrutons des professeurs, certes diplômés, mais exigeons aussi un minimum d'expérience professionnelle. Grâce à l'expérience, le dialogue avec la profession est plus égalitaire et à double sens. Les enseignements recouvrent un aspect plus pratique, les anecdotes tirées du passé professionnel agrémentent les cours et suscitent l'intérêt des élèves. Plus que des connaissances, des théories, des savoirs, c'est la passion d'un métier que doit transmettre le professeur technique au travers de son passé professionnel. C'est l'expérience qui forge l'homme tout au long de son existence. Georges Gusdorf le définit si bien : "...Beaucoup d'hommes enseignent - une discipline intellectuelle ou manuelle, une technique, un métier - , très peu jouissent de ce surplus d'autorité qui leur vient non de leur savoir, de leur capacité, mais de leur valeur d'homme... "
D. Féraud
Professeur au LH de Papeete

(1) Le Monde de l'Education ­ juin 1999
(2) Le Monde de l'Education ­ juin 1999


L'HÔTELLERIE n° 2638 Hebdo 4 Novembre 1999

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