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A la loupe
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La Ferme de La Colle à Gréoux-les-Bains

Andréas, l'homme du "snuffle truffle"

A Gréoux-les-Bains, dans les Alpes de Haute-Provence, Andréas a transformé la ferme de La Colle en chambres et table d'hôtes. Ce conteur-bourlingueur, épris de convivialité et de musiques, fait découvrir les charmes de son terroir à des touristes de tous pays.

A 56 ans, Andréas Muller a parcouru des milliers de chemins, sur la terre comme dans la tête. D'abord apprenti, ce fils de pâtissier né à la frontière de la Suisse allemande et de la Suisse romande, fuit l'ennui de la vie sédentaire dès l'âge de 19 ans et parcourt alors le monde, de chantier de jeunes en chantier de jeunes. De la Roumanie aux Etats-Unis, où il fréquente la faculté d'anthropologie d'Indiana et séjourne chez les quakers ; du Mexique où il construit des canaux d'irrigation pour les "paisanos", à l'Amazonie ; de Shanghai, où il embarque sur un cargo de marchandise, à l'Angleterre... Mais quand la trentaine arrive, le nomade s'enracine... à Gréoux-les-Bains, dans les Alpes de Haute-Provence.

De l'élevage de chèvres à l'accueil de touristes...
Là, sur le plateau qui domine la commune, il achète, avec ses trois frères, une ferme abandonnée entourée de dix hectares de colline : La Colle. Il se lance dans l'élevage de chèvres, se fait naturaliser français, puis ajoute à son activité agricole une activité d'accueil à but social, recevant divers publics de jeunes en insertion.
En hiver, lorsque les touristes sont partis et que la vie risquerait de s'écouler de façon morne, il se met aux fourneaux et au piano et fait de La Colle un lieu de rencontres et de fêtes où se retrouvent des musiciens de tous pays et des habitants de tous les environs...
Aujourd'hui, Andréas organise parfois encore de ces insolites cocktails humains, distribuant alors à ses convives des petits mots les incitant à la modération : "25 ans de fêtes sans pépin ; le chauffeur reste en bon état", ou imaginant, à l'automne, des veillées de contes (sur le loup par exemple) agrémentées de vin et de marrons chauds et suivies de "palabres", avec, en prime, une bonne soupe chaude à minuit.
Mais, depuis quatre ans, il a abandonné l'accueil de jeunes, histoire de "changer d'air", a vendu ses chèvres et a transformé La Colle en gîtes, chambres et table d'hôtes.
Il y développe une activité touristique plus reposante et "plus classique", qu'auparavant, mais où l'on retrouve la patte du vieux bourlingueur polyglotte, amateur de rencontres chaleureuses.

Une ambiance bohème
Chênes blancs et chênes truffiers encadrent la piste de terre ocre qui mène à la "campagne" de La Colle. Au bout d'une allée d'amandiers, la façade de la vieille maison de pierres s'ouvre sur une longue cour ornée d'un mur, en contrebas duquel un petit amphithéâtre en plein air a été aménagé.
Outre le logement d'Andréas et de sa famille, la rustique mais confortable maison compte huit chambres (une à trois personnes), deux appartements, un studio, et plusieurs salles communes où rayonne la chaleur du bois et des poutres apparentes, tandis qu'un piano à queue égrène les notes jouées par le maître de maison ou quelque hôte de passage.
Ici, pourtant, rien n'est réglé comme du papier à musique, et l'on est bien loin des maisons de campagne sur magazine en papier glacé... Une âme bat, encore imprégnée de bohème.

"Ici, c'est comme à la maison..."
L'été, La Colle reçoit quelques curistes de la station thermale de Gréoux-les-Bains, quelques randonneurs et amateurs de nature (220 F par jour en demi-pension). Mais Andréas héberge et nourrit avant tout des petits groupes d'Aix-Marseille qui viennent pratiquer la musique, la danse, le théâtre ou le chant, ou des étrangers en voyage culturel, qu'il s'agisse de spécialistes de l'environnement de Patagonie ou de professeurs de sciences naturelles new-yorkais à la retraite... Une cible qui permet à l'aubergiste "d'allier plaisir et boulot".
Il développe aussi l'accueil de personnel d'entreprise en formation ou en "session de motivation". Et organise des stages de découverte du terroir et du patrimoine de la région, avec toujours une forte connotation conviviale. "J'adore faire partager aux gens les plaisirs simples et vrais de la vie, raconte Andréas. Ici, je propose un accueil "comme à la maison" ; je ne veux pas embaucher de personnel ni entrer à fond dans le système commercial. J'emmène mes clients avec moi acheter les légumes ou les fromages au marché ; quand c'est l'heure de l'apéro, ils sortent eux-mêmes les verres et les bouteilles dans le buffet, et, lorsqu'ils boivent le pastis sur la terrasse, je n'hésite pas à leur distribuer des économes pour que l'on fasse la "pluche" tous ensemble, en bavardant..."

En quête de plaisirs simples...
Ce jour-là, jour d'automne pluvieux, le vieux poêle à bois ronronne dans la grande salle à manger et des châtaignes y chauffent, tandis que sur la table de chêne des amandes et des noisettes dorment dans des panières de paille tressée.
Andréas a sorti un petit vin blanc fruité, venu d'un minuscule domaine des environs, et le déguste en préparant de la vraie purée à l'ancienne, qu'il écrase avec une presse de grand-maman. Sur les tomates, coupées en deux et simplement grillées au four, il met une pincée de sel de Guérande et quelques herbes fraîchement ramassées dans la colline, puis verse un filet d'huile d'olive du pays de Manne dont plusieurs bouteilles s'alignent sur l'étagère, l'une aromatisé au citron, l'autre au romarin, l'autre encore aux agrumes ou a la bergamote. "J'ai des huiles d'olive de tout le pourtour méditerranéen", annonce fièrement Andréas.
Comment a-t-il appris à faire la cuisine ? "Je ne sais pas. C'est comme pour le piano, je me souviens simplement de mon enfance. Sur les livres de recettes, je ne regarde que les photos, puis je fais à ma manière. Je déteste toutes les liturgies, y compris celle des menus, et n'aime que les choses sans prétention, réalisées avec de bons produits naturels, parfois méconnus, comme la "panais", l'ancêtre locale de la carotte, ou l'épeautre, un blé ancien."
Mais Andréas et sa dégaine inimitable - mélange de paysan roublard, de soixante-huitard insolent, de baba cool intellectuel, de bon vivant jovial et de beau parleur méridional - n'a pas voyagé une bonne partie de sa vie pour rien.
Il a beau aimer le naturel du terroir de Haute-Provence, il n'en garde pas moins le goût des vastes horizons et prospecte activement les touristes étrangers, qui représentent actuellement un tiers de sa clientèle. Avec une tendresse particulière pour les vieux Américains.

Un sac à dos... équipé d'un ordinateur portable
"Ils ont beaucoup voyagé et n'ont plus besoin de cocher sur leur liste les monuments à voir absolument ! Ils l'ont déjà fait dans une autre vie ! Aujourd'hui, ils adorent les petits plaisirs quotidiens, faire le tour des caves et... manger du Jésus (sorte de saucisson). Les acheter au supermarché, étiquetés d'un code-barre, les fait craquer et ils les ramènent aux Etats-Unis, cachés dans leurs chaussettes ! J'adore !"
Régulièrement Andréas va d'ailleurs faire un tour outre-Atlantique vendre des vacances à La Colle, couplées, parfois, avec des séjours sur L'Avenir, la péniche de luxe qu'il a aménagée avec son frère et qui sillonne les canaux de France.
L'an dernier, il était à New York, avec un sac à dos... et un ordinateur portable dernier cri, connecté bien sur à Internet, et assorti d'un CD-Rom présentant la ferme et les richesses du terroir.
On y voit Pépette, la truie qui, de mère en fille, cherche les truffes depuis plusieurs générations, en compagnie du paysan voisin qui, de père en fils, la chouchoute et lui fait courir les collines.

A snuffle truffle in Provence
Andréas propose en effet aux Américains, notamment par le biais de la revue de Maison de la France, un séjour qu'il a intitulé "a snuffle truffle in Provence" (littéralement "une reniflade de truffe"), vendu à environ 5 500 dollars pour quatre personnes la semaine.
Au cours de cette échappée belle, qui inclut le gîte et le couvert, les voyageurs vont humer la truffe avec Pépette, rouler des fromages de Banon dans des feuilles de châtaignier, fabriquer une fougasse, déguster des côtes de provence, des vins du Luberon et du Ventoux, visiter une distillerie de lavande et un moulin à huile, mais vont aussi se régaler chez Ducasse, à la Bastide de Moustiers, et manger une bouillabaisse sur le Vieux Port de Marseille...
Le tout, précise la brochure, "including services of a driver, a guide and story teller" ; le chauffeur, le guide et le conteur, dont il s'agit, c'est lui, Andréas, l'homme-orchestre qui a des "moulons" de chemins dans la tête...
L. Casagrande

Ferme de La Colle
04800 Gréoux-les-Bains
Tél. : 04 92 78 07 65 - Fax : 04 92 78 09 00.
E-mail : andreas.muller@pacwan.fr


«J'adore faire partager aux gens les plaisirs simples et vrais de la nature.»


L'HÔTELLERIE n° 2643 Hebdo 9 Décembre 1999

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