Réservations hôtelières
D'accord. Internet, on en parle beaucoup. Parfois trop. Mais ceux qui s'en lassent sont surtout ceux qui ne s'y intéressent pas. Ils ont tort s'ils sont des professionnels qui ont des choses à vendre. Les chiffres d'activité sont de plus en plus spectaculaires. On comptait au deuxième trimestre 1999 plus de 3 millions d'internautes en France et 147 millions dans le monde. On en prévoit 200 millions en 2000. En fait, le temps de lire cette phrase, des centaines de nouveaux adeptes auront rejoint ces cyberbataillons de surfers. On peut discuter pendant des heures sur la qualité de la cible des "web consummers". On a trop facilement considéré que ce n'était que des informaticiens en quête de dépassement de soi ou des jeunes en mal de sensations. D'une part, les études révèlent que "le revenu de l'internaute est supérieur de 2 à 3 fois au revenu moyen dans certains pays", explique Jean-Jacques Rechenmann, dans son livre L'Internet et le marketing aux Editions d'Organisation. Avec l'augmentation du nombre de connectés, ces écarts seront diminués. D'autre part, selon Benchmark Group, en France le secteur des voyages a représenté en 1998 le deuxième montant des ventes grand public sur le web français, avec 141 millions de francs de volume d'affaires (35 % du chiffre d'affaires total en ligne), presque à égalité avec les ventes en informatique (141,5 millions de francs). Quant à l'hôtellerie, les ventes en ligne représentent déjà en France quelque 21 millions de volume d'affaires sur un an. Résultat : le commerce électronique est devenu une réalité, qui n'est encore qu'à l'état embryonnaire aujourd'hui.
Le meilleur et le pire
Les grandes chaînes hôtelières, mais aussi de plus en plus de patrons d'hôtels, ont
leur adresse sur la toile. Internet regroupe un grand nombre de sites de réservations
hôtelières. On pourrait en dénombrer plusieurs centaines à travers le monde. HRS,
HotelWeb, Inter Res@, Contact Hotel, France Hotel Réservation, BSR Hotels... la liste est
infinie. Comme ailleurs, Internet y présente le meilleur et le pire. Du plus
professionnel au plus saugrenu. Du plus sérieux au plus fantaisiste. Quoi qu'il en soit,
les réservations commencent à tomber de manière significative, même si la
transformation se fait encore modestement. Le Baromètre des centrales de réservations
hôtelières lancé en janvier 1998 par Coach Omnium indique que les réservations via le
Net représentent en moyenne de 2 à 5 % du nombre total de réservations enregistrées,
selon les mois. Ce n'est qu'un début. On commence à trouver des mégasites comme celui
de Travelprice, créé en février 1999 et interfacé avec le système Galileo, qui
dépasse les 9 000 visiteurs par jour et le million de pages vues par mois. Le site
Hotelbook, de REZsolutions, accueille journellement plus de 10 000 internautes. Son
dernier record date du mois d'août 1999, avec 9 882 réservations enregistrées. Il y a
également de plus en plus de partenariats qui se nouent pour catapulter la demande, comme
l'accord souscrit entre les services du tourisme de l'Alsace et WorldRes, qui permet de
réserver son hôtel, notamment en prévision des vacances de Noël.
Une nouvelle clientèle
Internet reste un grand mystère, car on sait encore peu de choses sur les personnes qui
sont susceptibles d'acheter des séjours hôteliers. En revanche, ce qui est sûr, c'est
qu'il s'agit surtout d'une clientèle individuelle, celle que les hôteliers aiment tant
(par opposition aux tour-opérateurs et agents de voyages que l'hôtelier aime moins). Par
ailleurs, c'est souvent une nouvelle clientèle, qui ne serait pas venue grâce aux
méthodes classiques de commercialisation et de promotion. "Internet est un vaste
système égalitaire. Un petit opérateur a les mêmes chances et quasiment le même poids
qu'un gros. Un simple hôtel peut se voir réserver des chambres par un client colombien
ou sud-africain, qu'il n'aurait jamais rencontré et jamais pu contacter autrement ou
alors de façon très coûteuse", commente un spécialiste.
Des possibilités inexploitées
Pour autant, les systèmes de réservations par Internet demeurent pour le moment
imparfaits pour l'internaute. Il y a très peu de sites qui permettent la réservation on
line, malgré ce qui est indiqué abusivement ici et là. Il s'agit généralement de
procédés à traitement différé. Le "on line" c'est au contraire la
possibilité pour un client de se voir confirmer sa réservation sur le champ, en temps
réel. Pour l'instant, la plupart des centrales ne travaillent que par envoi d'e-mails.
Dans le meilleur des cas, le web opérateur peut retourner dans la journée un courrier
électronique au demandeur pour lui garantir sa réservation. Il s'agit de structures qui
disposent d'allotements émanant des hôteliers, ce qui concerne surtout les grandes
chaînes intégrées regroupant des établissements de grande capacité. Mais,
généralement, on travaille "on request". La centrale qui reçoit l'e-mail du
client questionne ensuite l'hôtelier (par télécopie, voire par téléphone) pour
connaître ses disponibilités. Elle retourne ensuite l'information au client. Le temps de
réponse avoisine les 24 heures, mais bien souvent, si l'hôtelier tarde à communiquer,
ce qui arrive souvent, on peut traiter la demande en 3 à 4 jours seulement. C'est un
fonctionnement lourd, coûteux et insatisfaisant pour le consommateur. On imagine les
allers-retours de messages si l'hôtel est complet et surtout le manque à gagner, car le
prospect perd souvent patience et va immanquablement ailleurs. La gestion des demandes par
e-mails est un furieux casse-tête, chronophage et grand consommateur de
main-d'uvre. C'est le contraire de la rationalité qu'offre l'informatique. Il faut
répondre au courrier électronique comme à une lettre, même si les procédures sont
simplifiées et plus rapides. Par ailleurs, les e-mails regorgent de demandes détaillées
qu'il faut traiter comme pour une réservation téléphonique : renseignements
touristiques divers, adjonction d'un lit supplémentaire.
L'information en temps réel
Ce genre de système n'exploite pas les immenses possibilités d'Internet. Ainsi, la
première qualité du web est de permettre d'agir vite et de jouer à fond
l'interactivité. C'est ce qu'on appelle à tout va le marketing one-to-one. La
technologie permet à présent de mettre en place des centrales de réservations on line,
avec prépaiement sécurisé, par carte bancaire. Son avantage est immense. Pour le
client, c'est une réponse en direct, sans attendre, pour connaître les disponibilités
et les prix d'une chambre, conformément à sa requête. Et pour le gestionnaire de la
centrale, c'est un faramineux moyen de réduire le volume d'interventions humaines et par
conséquent de diminuer les risques d'erreurs et surtout les effectifs. Actuellement, la
centrale du Net de Logis de France emploie près de 10 personnes en haute saison, non
compris les stagiaires, pour traiter près de 1 500 e-mails par semaine. Dans le système
on line, la machine réalise tout : enregistrement de la demande, gestion de la base de
données concernant tous les hôtels et les demandes, confirmation de la réservation,
gestion du prépaiement...
Les puristes diront que la communication par e-mails permet de mieux personnaliser une
relation client-fournisseur, comme on le fait par la correspondance. "Bien sûr,
le système on line est pour l'instant plutôt sec. Mais sous peu de temps, on peut
imaginer qu'il sera possible de personnaliser fortement les réponses automatiques aux
clients", défend Philippe Cantet, directeur du développement de REZsolutions.
Les cookies
Grâce aux cookies (identifiant servant à pister le visiteur d'un site web), on peut en
effet se "souvenir" d'un client. Il pourra également communiquer une sorte de
fiche signalétique, qui permettra au prestataire interrogé de lui adapter
automatiquement son offre selon ce qui est en boutique (comme une sorte de Kardex
automatisé). Peu d'opérateurs ont adopté le système on line pour l'instant. "Le
premier frein à cette retenue a été le préjugé selon lequel on était persuadé qu'il
n'y avait que des pirates sur Internet et que transmettre son code de carte bancaire
équivalait à le donner par voie de mailings à chaque membre de la cour des miracles",
ironise Pierre Blancpain, webmaster pour un opérateur du Net. "Le problème est
que l'interface généralisée sur Internet utilise majoritairement le langage HTML, qui
n'est pas celui des structures informatiques des centrales de réservations classiques. La
réutilisation des bases de données sous leur forme d'origine cause alors un souci et
cela nécessite un important surcoût d'adaptation", observe Philippe Cantet.
Enfin, toute centrale qui souhaiterait appliquer un système on line devra réussir à
convaincre les hôteliers de jouer le jeu. Logis de France encourage ses hôteliers à
gérer leur allotement (par Internet ou par Minitel) en réduisant pour ceux-ci le taux de
commission de 8 à 5 % seulement, comme le fait déjà Best Western avec d'autres taux.
Le "on line" pour l'an 2000
En France, Envergure a été l'un des premiers groupes hôteliers à proposer la
réservation en temps réel sur son site web depuis septembre dernier. Accor, via son site
Hotelweb, y travaille, comme Choice. Relais & Châteaux s'y lancera dès le premier
trimestre 2000. On peut penser que la plupart des grands opérateurs seront on line à
compter de 2000-2001. Tout ceci aura pour effet de faire exploser à court terme les
ventes via le Net et de toucher de nouvelles clientèles, encore insoupçonnées. "Il
ne sert plus à rien de présenter des centaines de pages d'hôtels si le client, mis en
appétit, ne peut réserver immédiatement", s'alarme Pierre Blancpain. Par
ailleurs, Internet offre une possibilité illimitée de flexibilité dans les prix et
d'offres de promotions de dernière minute. Le temps des sites passifs, inertes et
présentés comme des catalogues à l'information unidirectionnelle, est bientôt
terminé. Place à l'interactivité, avant d'entrer dans la haute personnalisation.
M. Watkins
Hotelbook, un immense carrefour sur le NetLe site Hotelbook de REZsolutions est interconnecté à la centrale Unison de Phénix. Lancé il y a un an avec un système de réservations en temps réel doté d'un paiement sécurisé, il regroupe déjà sur le web plus de 6 000 hôtels situés dans près de 180 pays. Pour l'heure, Hotelbook développe près de 3 % des réservations générées par le système global de Utell International, soit plus de 300 000 nuitées. Le site accueille en moyenne 10 000 visiteurs par jour. REZsolutions a développé également deux autres sites Internet (TravelWeb et Travelocity) et a pour ambition de devenir le premier site hôtelier web à vocation internationale. |
* Informatique | 141,5 | 35,5 % |
---|---|---|
* Voyages | 141 | 35 % |
* VPC | 40 | 10 % |
* Livres et musique | 36 | 9 % |
* Hôtellerie | 21 | 5,3 % |
* CD-Rom | 3,9 | 0,9 % |
* Fleurs | 3,7 | 0,9 % |
* Vin | 2,9 | 0,7 % |
* Alimentaire | 2,9 | 0,7 % |
* Grande distribution | 1,9 | 0,5 % |
* Divers (vêtements, jouets, billetterie...) | 5,2 | 1,5 % |
* TOTAL : | 400 | 100 % |
Source Benchmark Group
L'HÔTELLERIE n° 2644 Spécial Économie 16 Décembre 1999