Contrôles fiscaux
Quelles sont les probabilités de contrôle fiscal ? Quels sont les critères qui conduisent l'administration fiscale à déclencher une procédure de vérification à l'encontre d'une entreprise ou d'un commerçant ? Autant de questions que se posent les professionnels de l'hôtellerie et de la restauration. Selon la rumeur, le secteur des CHR serait l'un des plus surveillés par les agents du fisc. Il serait, avec celui du bâtiment et des travaux publics, des coiffeurs et des garagistes, le plus fortement dans le collimateur des fonctionnaires des impôts. Difficile toutefois de vérifier cette hypothèse car l'administration fiscale se refuse à livrer des statistiques sur le nombre et la fréquence des contrôles opérés par branche professionnelle. Ses services reconnaissent néanmoins que "par rapport à l'ensemble des contribuables pouvant faire l'objet d'une vérification de comptabilité, les entreprises commerciales et industrielles sont vérifiées plus souvent que les salariés. Il ne faut pas oublier que le contrôle fiscal a un coût." Par conséquent le contrôle fiscal obéit à des principes de rationalité et de rentabilité.
Dénonciations
L'opportunité du contrôle apparaît lorsque des éléments de suspicion (défaut de
déclaration, incohérence du CA, retards répétés dans les versements de la TVA, etc.)
apparaissent suffisants au contrôleur pour enclencher une procédure de vérification. Il
s'agit le plus souvent d'un contrôle sur pièce qui permet à l'administration de
procéder à l'examen critique des déclarations souscrites par le contribuable. Bien que
l'administration s'en défende, des vérifications sont effectuées aussi sur
dénonciations, comme le confirment de nombreux experts-comptables. "Il y a
souvent un concurrent jaloux ou un employé licencié qui cherche à se venger."
Toutefois, certains dossiers, jugés importants, font l'objet de contrôles
systématiques. Les dirigeants de sociétés, quels que soient le montant de leur
rémunération ou l'importance de la société, et les contribuables exerçant une
activité non salariée (BIC, BNC) sont contrôlés en principe tous les trois ans. Les
dossiers, dits surveillés, concernent des personnes qui changent fréquemment de lieu
d'imposition et qui ont déjà fait l'objet d'une taxation pour défaut de déclaration
(au delà d'un seuil de 200 000 F). Ils sont alors vérifiés annuellement.
Les ratios repères
Il n'existe pas de contrôle type. Chaque dossier est traité au cas par cas par le
contrôleur. Celui-ci appartient généralement à une brigade spécialisée maîtrisant
les arcanes du secteur professionnel où il intervient. Deux méthodes de sélection
utilisant des procédés informatiques permettent de retenir les dossiers relevant d'un
contrôle. Il y a le dossier d'analyse et la fiche d'analyse, dans le jargon fiscal. Le
premier est établi pour les entreprises imposées selon le régime du bénéfice réel.
Dans le cadre d'un contrôle d'entreprise, il est fréquent que le contrôle soit étendu
au dossier personnel de l'exploitant soumis au régime BIC. Le dossier d'analyse
financière est établi sur les quatre derniers exercices et met en évidence des ratios
propres à l'entreprise et opère des rapprochements comptables. Les ratios déterminés
à partir des déclarations de l'entreprise sont ensuite rapprochés des ratios
"repères", données références de la profession d'hôtelier ou de
restaurateur. Au nombre des ratios étudiés figurent par exemple :
* l'indice de rotation des stocks : une durée anormalement élevée avec une rotation
apparente des stocks trop basse peut induire une minoration du CA (majoration du stock de
sortie pour ajuster les marges). A l'inverse, une durée trop faible peut dissimuler une
minoration du stock de clôture afin de minorer les résultats.
* le ratio de rendement du personnel : un ratio élevé peut laisser supposer des
discordances entre les moyens employés et l'activité déclarée par le restaurant. Il
peut y avoir dans ce cas omissions de recettes. Ce ratio peut être aussi altéré lorsque
l'hôtel pratique la sous-traitance (nettoyage des chambres, entretien des espaces verts,
etc.).
* le ratio de marge commerciale : anormalement faible, il peut correspondre à une
minoration de CA.
* le ratio de marge brute d'autofinancement : trop faible, il peut supposer des
minorations portant à la fois sur les achats et sur les ventes.
Tout compte dans l'estimation du CA
Cette liste n'est pas exhaustive. "Un contrôleur peut aussi se baser sur le
nombre de boîtes achetées et utilisées pour évaluer le volume des ventes de pizzas à
emporter (avec une TVA de seulement 5,5 %)", explique un expert-comptable. Parmi
les moyens d'estimation des recettes, on peut aussi compter le nombre de nappes et de
serviettes blanchies, le nombre de bouteilles d'eau minérale, voire la quantité
utilisée de produit vaisselle ! En hôtellerie comme en restauration, les ratios repères
sont déterminés à partir de l'ensemble des déclarations des entreprises. La
comparaison s'effectue en principe avec des établissements situés dans une même aire
géographique exerçant une activité identique et réalisant un chiffre d'affaires
équivalent. Le contrôleur procède par recoupement. En cas de fraude, de dissimulation
ou d'inexactitude, le redressement sera fondé non sur une reconstitution réelle des
recettes, mais sur une reconstitution partielle induite par divers éléments de
comparaison. En cas de notification de redressement, celle-ci est adressée par lettre
recommandée avec AR. Le contribuable dispose d'un délai de 30 jours pour faire parvenir
ses observations à l'administration fiscale. Attention, tout contrôle ne débouche pas
pour autant sur un redressement lorsque les comptes sont cohérents et justifiés par
l'intéressé ou son comptable.
A. Giraudeau
"Les entreprises commerciales et industrielles sont vérifiées plus souvent
que les salariés", indique-t-on au ministère de l'Economie et des Finances.
L'HÔTELLERIE n° 2644 Spécial Économie 16 Décembre 1999