Contrats de bières
Le McEwans, bistrot en grève à Faches-Thumesnil (59), vous vous souvenez ? Depuis une dizaine d'années, Alain Bonnet, bistrotier dans cette commune de la banlieue sud de Lille, était en procès avec son brasseur le Lensois Soldib, filiale d'Interbrew.
Sous contrat d'exclusivité
avec ce dernier, il avait rompu son obligation pour cause d'abus tarifaire, entre autres.
Condamné en première instance et en appel, désespérant après neuf ans de procédure,
il se trouvait virtuellement ruiné par la mise en uvre de l'exécution du jugement,
tous comptes bloqués. Alain Bonnet a alors lancé une manuvre médiatique
d'envergure, se déclarant "bistrot en grève", grands calicots sur la vitrine
à l'appui. Il eut les honneurs de la presse quotidienne régionale, de la radio et de la
télévision, et d'hebdomadaires spécialisés comme L'Hôtellerie ou carrément
grand public. La filiale de distribution française n'a pas apprécié ce tapage qui lui
donnait le mauvais rôle au grand jour. Interbrew a abandonné les poursuites et
remboursé les frais de procédures de son ex-obligé, qui d'ailleurs n'a jamais cessé de
vendre ses produits au tirage. Au terme de ce contrat d'armistice, Alain Bonnet s'est
surtout engagé... à ne plus faire appel à la presse ! Ce qu'il a fait. Mais qui peut
empêcher la presse de prendre spontanément des nouvelles de ses lecteurs ? A noter
toutefois que si le brasseur plaignant a abandonné les poursuites, et le bistrotier
obstiné et condamné, a accepté le calumet de la paix, la question du contrat de
brasseur reste entière. En attendant la décision de l'Union européenne d'interdire ou
de limiter cette pratique à l'encontre des industriels et distributeurs dominants (ce qui
poserait bien des problèmes), la question de l'opportunité de ce financement reste à
démontrer. Peut-être vaudrait-il mieux, une fois pour toutes, en finir avec la notion
d'obligation, mettre fin à la création d'affaires non viables, et revenir à des
pratiques commerciales saines pour les autres. Le McEwans, lui, est sain. Et son patron,
à l'approche de la soixantaine, hésite entre le besoin de repos de madame Bonnet et la
douce envie d'agrandir une petite affaire qui tourne bien.
A. Simoneau
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L'HÔTELLERIE n° 2645 Hebdo 23 Décembre 1999