Alain Llorca
Un restaurant deux étoiles, le Chanteclerc, mais aussi une structure bistrot, La Rotonde, et un service buffet-cocktails. C'est tout cela être chef au Negresco. "Passant d'une équipe de six cuisiniers à une équipe de quarante, j'ai mis un an pour bien m'adapter. Pour déjà apprendre à vraiment déléguer. Je voulais que tout soit parfait : aussi bien au Chanteclerc qu'à La Rotonde ou dans les buffets. Une réputation, c'est assurer partout. En contrepartie, on m'a donné les moyens de bien faire !" Issu d'une famille cannoise d'origine espagnole, et aucunement impliquée dans la cuisine, Alain Llorca a connu une ascension fulgurante que seule une forte personnalité justifie. Parmi ses prédécesseurs et maîtres, Dominique Le Stanc et Jacques Maximin avaient d'ailleurs le même âge que lui lors de leur entrée au Negresco : 28 ans.
Privilégier la technique
Elève du lycée hôtelier Paul Augier de Nice, Alain Llorca habite Cagnes-sur-Mer depuis
vingt-deux ans. Après avoir côtoyé les grandes toques entre Monaco et Biot, le jeune
homme a repris sur les hauteurs de Cagnes le Restaurant des Peintres, qui appartenait à
ses beaux-parents. Deux ans avec eux, et trois ans en location-gérance, mais une seule
année lui aura suffi pour décrocher une étoile Michelin. "J'y avais mis le
meilleur de moi-même, tant en déco qu'en cuisine - avec une soixantaine de couverts par
jour -, mais il me fallait tourner la page. Je n'aurais pas eu les moyens de tenter une
deuxième étoile. Je plafonnais. J'avais appris la maîtrise de plusieurs métiers :
cuisinier, commercial, gestionnaire... Mon épouse ne faisait pas équipe avec moi. C'est
pourtant un impératif pour un restaurant gastronomique. Alors je ne regrette rien,
d'autant plus que c'est grâce à cette affaire que j'ai été remarqué par le Negresco.
Mon frère qui travaillait avec moi a ensuite rejoint La Réserve de Beaulieu. Quant au
chef, Philippe Guérin - habitué de Chapel et de Bardet -, il m'a suivi ici comme second.
J'ai pris le chemin inverse de mes confrères, mais je travaille au Negresco comme s'il
s'agissait de ma propre affaire."
La cuisine des contrastes
Alain Llorca ne rentre parfois même pas chez lui entre 14 h 30 et 18 h 30 afin de pouvoir
préparer ses menus de banquets, passer ses commandes... Ses journées ne se finissent
alors qu'autour d'une heure du matin. A chaque changement de carte, soit quatre fois par
an environ, il se rend lui-même chez ses fournisseurs locaux. Deux fois par mois, il
passe aussi au MIN de Nice-Saint-Augustin pour les fruits et légumes. Mais ce qu'il
préfère, ce sont les petits maraîchers choisis sur le volet qui lui rendent directement
visite au Negresco pour lui montrer leurs truffes et autres... Penes regates farcis de
basilic avec un velouté glacé d'écrevisses ; Tatin de courgettes, beurre aux langoustes
rôties au romarin frais sur fond de miel, ou encore Turbot aux crêtes de coq et
d'écrevisses : "J'aime les contrastes : chaud-froid, salé-sucré,
viande-poisson... Je ne déteste pas les mélanges osés, même si ma cuisine reste
globalement traditionnelle avec ses bases classiques. Cela n'est possible que si l'on
possède une équipe de haut niveau. Les grands chefs ont toujours des seconds
exceptionnels." Avec une moyenne de 90 couverts par jour - et des pointes à 180
certains week-ends -, Alain Llorca a donné son empreinte au Chanteclerc comme à la
Rotonde. "J'ai cherché à réaliser des menus bistrot plus ciblés vis-à-vis
d'une clientèle fidèle, présentant le double avantage de recentrer l'énergie de
l'équipe de cuisine. Cela laisse du temps et de la force pour créer. Ici, la direction
me donne carte blanche... pour bien faire."
Seulement deux étoilés à Nice
Suivi récemment par Christian Plumail de L'Univers qui s'est vu décerner une étoile par
le Michelin, Alain Llorca ne conçoit pas qu'une métropole comme Nice n'ait pas davantage
de restaurants étoilés. "Il faut reconnaître que les Niçois sont plutôt
réticents pour goûter, innover, changer leurs habitudes... Ils préfèrent largement les
terrasses et le soleil à la véritable gastronomie. A cela, il convient aussi d'ajouter
que Nice est de plus en plus agitée, stressée... Pour attirer une clientèle
différente, comme à Cannes, il ne faut pas laisser les choses se dégrader. Rares sont
les acteurs comme Mme Augier, la directrice de l'hôtel, pour aller vraiment dans le sens
d'un embellissement, visuel, culturel. Elle a mis tous ses efforts dans le Negresco, mais
aussi dans son environnement, et elle n'a pas toujours été suivie dans sa démarche de
qualité pour la ville. Elle l'est au moins entre ses murs ! Et peut-être un jour avec un
Chanteclerc trois étoiles, qui sait !"
En dates1986 : diplômé du lycée
hôtelier de Nice |
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L'HÔTELLERIE n° 2645 Hebdo 23 Décembre 1999