Bières de spécialité
Les frères Michel et
Philippe Moortgat, président et administrateur délégué de la brasserie qui porte leur
nom associé à celui du Malin, peuvent se frotter les mains. Pour la première fois
suivant l'introduction de leur affaire en Bourse, ils ont pu publier des résultats
semestriels. L'entreprise a réalisé un chiffre d'affaires de 140 millions de francs
français environ, en progression de 8 % sur les six premiers mois de l'année, et devrait
ainsi atteindre largement les objectifs promis à ses actionnaires. Ses ventes, sur un
marché domestique en léger recul, ont augmenté de 3,2 % (de 4,9 % sur le terrain des
CHR). Ses ventes à l'exportation (vraisemblablement 19 % du chiffre d'affaires cette
année) ont crû de 7,5 %. Avec un bénéfice consolidé de l'ordre de 20 MF, soit une
rentabilité assez exceptionnelle dans le monde brassicole, pourvus d'une solide cagnotte
en haut du bilan (plus de 160 MF de liquidités), ces deux dirigeants d'une entreprise
moyenne peuvent sourire à l'avenir. Duvel Moortgat n'a nullement l'intention d'aller
chercher la concurrence sur le terrain du gigantisme et des grands volumes. L'affaire est
concentrée sur le créneau mousseux des spéciales et spécialités. Elle possède certes
une marque de pils, la Bel Pils vendue essentiellement dans son écurie nationale
d'obligés. Mais ses grands chevaux de bataille sont la Duvel et la bière d'abbaye
Maredsous. En selle sur ces produits, la firme entend développer ses ventes à l'export
au moins jusqu'à 50 %. Par croissance externe ou interne, selon les occasions. La France
représente environ 17 % des ventes à l'exportation de l'entreprise, soit un chiffre
d'affaires encore modeste de moins de 10 MF. Mais sur le terrain des spécialités, et sur
un marché distributeur pour le moins verrouillé, ce chiffre n'est pas si aisé à
atteindre. Ce verrou est d'ailleurs visible dans le paysage. Alors que Duvel Moortgat vend
55 % de ses volumes en CHR sur le marché belge, dans le cas français la grande
distribution absorbe les deux tiers. Philippe Moortgat, administrateur délégué, second
de l'affaire, ne se satisfait pas de cette situation. Il remet en cause le dispositif
actuel de vente en CHR français dans le sens d'une plus grande implication directe de
l'entreprise. Historiquement, Duvel a confié ses intérêts en France au Nordiste Difcom
qui a fort bien joué son rôle de pionnier. Les Artisans de la Bière ont joué ce rôle
à Paris, mais l'évolution de ce distributeur a freiné les ventes de Duvel dans la
capitale. "Pour aller de l'avant, il nous faut mettre en place un nouveau
dispositif, plaide Philippe Moortgat. Cela veut dire renforcer la présence
commerciale, soit seuls, soit en collaboration avec un ou des partenaires."
Mais, souligne le brasseur : "nous manquons de connaissances, d'implication
directe sur ce marché". Duvel Moortgat dispose déjà d'un délégué belge
assisté de deux agents français sur le secteur CHR. Cette présence va s'accroître. Les
régions de prédilection sont dans l'ordre le Nord, Paris, et l'Ouest. La Duvel par son
expérience de terrain se positionne en France non comme une spéciale en Belgique, mais
comme une spécialité. Sur des territoires très limités comme le Bouillon Racine dans
le VIe arrondissement, la Duvel a une image. C'est une bière haut de gamme, extrêmement
fine, chargée d'authenticité et d'histoire. Son conditionnement vieillot type abbaye
n'est pas un problème, juge Philippe Moortgat, en raison du poids historique du produit.
Mais elle reste encore globalement trop peu connue. Il faut savoir qu'en Belgique il
n'existe pratiquement plus de carte de bières sans Duvel. Les bières d'abbaye Maredsous
sont plus connues en France, notamment dans le Nord. "Nous devons faire mieux et
travailler la notoriété de ce produit au pays du fromage. Le positionnement de la marque
se situe en France entre les abbayes et les trappistes. Mais sans doute trop cher pour le
consommateur français avec des prix qui frôlent les 40 F en certains lieux de Paris
contre 25 à 30 F à Lille", précise le brasseur belge. Les bières, si
spéciales soient-elles, ne peuvent décoller à ce prix, même dans un contenant de 33
cl. Autre question lourde en France, pays où la Leffe règne en maître tyrannique sur le
segment des bières d'abbaye : comment introduire la Maredsous dans des établissements
où le patron n'a guère d'autre choix que pousser soit la Leffe s'il est fourni par
Interbrew, Grimbergen si son affiliation est plutôt Kronenbourg ou Affligem s'il a choisi
le réseau Heineken... La Duvel a davantage le champ libre, puisqu'elle constitue en
elle-même une spécialité, un segment original. Encore faut-il savoir la vendre comme
telle.
A. Simoneau
Philippe Moortgat, administrateur délégué de Duvel Moortgat. "Nous
devons nous impliquer davantage sur le marché français."
Une gamme originalePour les cafés qui voudront la rejoindre, Duvel Moortgat propose la Bel Pils (5,3 % vol. alc) en premier tirage, au goût plus marqué que la moyenne des bières de fermentation basse. La Duvel est typiquement une bière de fermentation haute, non pasteurisée, refermentée en bouteille, plus équilibrée que typée, sans ajout d'épices, encore moins d'additifs et autres conservateurs. Produit typiquement biologique, tout en subtilité entre amertume et arômes de terroir, la Duvel est servie dans un verre dodu marqué au col. La gamme Maredsous est l'une des plus complètes qui existent avec ses quatre déclinaisons, deux dorées-ambrées, dont l'une relativement légère (6 %) et l'autre fort dense (10 %), et deux brunes, l'une très caramel (6 %) l'autre plus classique et houblonnée (8 %). |
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L'HÔTELLERIE n° 2645 Hebdo 23 Décembre 1999