De Nancy à Pékin
Ouvrir une brasserie traditionnelle française, respecter l'esprit Flo, mettre en place une carte typiquement brasserie, incluant andouillette ou feuilleté de foie gras chaud, et le tout à Pékin... Ce sont autant de défis qu'Eric Gérard, directeur, et Jacques Hildenbrand, chef garde-manger de la Brasserie Flo L'Excelsior à Nancy ont eu à relever à l'occasion de l'ouverture de la première brasserie Flo en Chine. A Pékin, du 2 au 30 septembre dernier, les deux Nancéiens ont vécu "une expérience extraordinaire, émouvante, formatrice", assurent-ils. Le groupe Flo de Jean-Paul Bucher avait fait appel aux compétences de quatre salariés français choisis pour apporter leur savoir-faire et leur technicité en salle et en cuisine à la nouvelle équipe. "Le groupe Flo est déjà présent au Japon avec 40 boutiques Flo Prestige qui ont une activité de traiteur. En Chine, ce sont des brasseries qui vont être implantées, la première à Pékin, et d'autres devraient suivre à Shanghai et à Hong-kong", explique Eric Gérard. Le Flo de Pékin est situé à l'ouest de la ville, en plein cur du quartier des ambassades (1), et ambitionne de promouvoir et de populariser la cuisine traditionnelle française. Installée dans un immeuble de style colonial, la brasserie occupe tout le premier étage, et dispose d'une grande terrasse. "Elle est en demi-cercle, avec du mobilier de brasserie, et l'architecte chinois chargé de la décoration s'est inspirée du Terminus Nord à Paris, dont il a copié la fresque."
Du management... franco-chinois
Le marché est porteur, à en juger les premiers mois d'exploitation. Le Flo Pékin innove
en matière de restauration française dans la capitale chinoise. "Les quelques
enseignes hexagonales présentes sur place, comme Maxim's, proposent des repas à des
tarifs situés en 600 et 800 francs, remarque Jacques Hildenbrand. Chez nous, le
panier moyen est de 120 francs pour le midi et de 150 à 200 francs le soir. Le prix moyen
pour un plat de viande ou de poisson à la carte est de 70 francs." Avec une
clientèle à 60 % chinoise et 40 % européenne, le Flo Pékin a donc bien démarré, mais
au prix d'un intense effort de management consenti par les deux Nancéiens. "Nous
avons travaillé avec des jeunes de l'école hôtelière de Pékin, mais il a fallu tout
reprendre pour le service et la cuisine car les points de repères sont bien sûr
différents." En salle comme en cuisine, il a fallu faire appel à des
interprètes et parler aussi en anglais. Un gros travail a également été effectué pour
traduire les fiches de cuisine, le suivi informatique se faisant aussi en chinois. Des
cassettes vidéo ont été réalisées en France, pour le service. "Les Chinois
ont l'habitude de faire le service très lentement, commente Eric Gérard, tout
l'inverse d'une brasserie où l'on met en avant la rapidité d'exécution. Mais le
personnel, très attentif à notre démarche, a vite acquis les bases. En quelques
semaines, ils courraient dans la brasserie !" Il n'a pas toujours été facile
non plus d'inculquer aux serveurs et aux cuisiniers certaines subtilités de la cuisine
française, comme la viande "à point, saignante ou bleue" concept totalement
inconnu en Chine, mais avec "du personnel très courtois, zen et motivé pour
faire au mieux", les deux formateurs s'en sont sortis, même si eux aussi "ont
dû apprendre l'école de la patience pour ne pas froisser la mentalité asiatique de
leurs élèves. Il ne faut pas être stressé, aller à l'essentiel, répéter de
nombreuses fois les consignes, et tout se met en place petit à petit", estime
Eric Gérard.
A La Tour du Bonheur, pas de repas "fin de nuit" comme à Nancy. Les Chinois
dînent tôt, vers 18 h 30 et un deuxième service a été instauré pour les expatriés
et les Européens. Les huîtres, le foie gras et les escargots (300 à 400 pièces par
jour) font un malheur.
Des fournisseurs du cru
Les huîtres viennent de Bretagne et les escargots de Bourgogne, mais la plupart des
produits utilisés par la brasserie sont fabriqués en Chine, même le foie gras sous
contrôle d'un industriel français. "A notre surprise, les produits locaux sont
exceptionnels, note Jacques Hildenbrand, nous avons ici du bar et du saumon, que
l'on nous amène vivants, des écrevisses à 10 F le kg et des volailles élevées à la
ferme. Globalement, la viande est meilleure qu'en France. Nous sommes livrés durant toute
la journée, quelquefois en vélo, mais les commerçants chinois sont très respectueux de
la parole donnée et de la qualité des produits." L'ouverture du Flo Pékin sert
de test pour d'autres implantations en Chine, et les deux Nancéiens espèrent bien être
de nouveau du voyage pour mettre en place les brasseries à venir.
(1) 16, Dong San Huan Bei Lu
Rainbow Plazza
100 026 Beijing
Tél. : OO 86 10 65 955 139
Eric Gérard et Jacques Hildenbrand à l'heure pékinoise.
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L'HÔTELLERIE n° 2646 30 Décembre 1999