Tribune libre
M. Létienne, professeur de cuisine, interpelle toute la profession. Il réclame de la transparence et de l'honnêteté dans l'organisation des concours. Le débat est lancé...
Après les sardines à l'huile de vidange, les poulets à la dioxine, les fromages à
la listériose, la vache folle et la brucellose, ne sommes-nous pas rentrés dans l'ère
de la concouriose ?
Ce n'est pas un enseignant frustré d'avoir vu son élève, son "poulain" non
sélectionné, mais un homme comme un autre qui désire s'élever contre ces dits concours
au rabais, contre ces pantalonnades de bas quartiers qui laissent nos élèves frustrés,
écurés, dégoûtés...
Ce n'est pas faute d'avoir essayé, mais les concours auxquels il m'a été donné de
participer en tant qu'enseignant (Cedus, Emmental, Meilleur apprenti de France)
ressemblent à une mascarade bien organisée pour les initiés qui sont sur place et à un
jeu de l'oie, un jeu de piste pour les autres. Des jeux dont très peu de personnes
détiennent les combinaisons gagnantes, ces mêmes personnes qui, auparavant, avaient en
leur âme et conscience fixé les règles, vous savez, celles qui comme l'eau fluctuent au
rythme des saisons et des candidats.
Mesdames et messieurs les organisateurs de concours, pourquoi une telle attitude ? Quel
est ce comportement indigne de notre profession et des valeurs que nous tenons à
transmettre à nos élèves ? Quelles sont les raisons qui poussent certains organisateurs
de concours à introniser certaines personnes dans des jurys qui n'ont de jury que le nom
? Si être jury d'un concours ne consiste qu'à vérifier le seul envoi et la seule
dégustation des plats réalisés par les candidats, il faut nous le dire. Certes la
présentation et la conformité gustative sont deux critères très importants, mais que
dire de la réalisation technique et de toute cette phase d'organisation, de
planification, de réalisation, de lutte contre le temps et de soucis d'hygiène ?
Y' en a marre de voir des candidats arriver avec des préparations maison (on a parfois
l'impression de participer à une réunion tupperware un mercredi après-midi). On a trop
souvent vu certains participants travailler ou essayer de la faire sur des plans de
travail poisseux et boueux, à l'hygiène plus que douteuse. Mais tout cela n'a que peu,
voire pas du tout d'importance puisque la totalité de la phase de mise en place et de
réalisations techniques n'est pas évaluée. La raison est simple : les jurys ne sont pas
présents ou alors juste pendant 15 minutes sur 3 heures, le laps de temps pendant lequel
ils ont bien voulu délaisser le buffet ou la machine à café ! Il est certes plus
difficile de rester en cuisine pendant deux heures ou de se relayer afin que tous les
candidats soient évalués de manière objective, mais finalement n'est-ce pas cela un
membre du jury ? Evaluer la technique requise, voilà quel devrait être notre leitmotiv.
Oublions le manque ou l'absence d'organisation, la remise des prix ou le manque de
pédagogie lors de la proclamation des résultats pour nous focaliser sur la transparence
des concours, sur la justice lors de l'évaluation, sur la mise en avant de l'honnêteté,
sur la reconnaissance du mérite et du travail, bref en un mot sur notre fabuleux métier.
Peut-être tout ceci n'est que pure utopie et que l'enseignant mécontent ne sera bientôt
qu'un petit accroc oublié. Pourtant, je veux croire que certains ont déjà et
continueront à dénoncer de tels agissements et je ne peux pas croire qu'en l'an 2000, le
mimétisme entre nos politiciens et certains de nos jurys soit si ressemblant. A quand le
Label Rouge pour les concours de nos chères têtes blondes ?
V. Létienne, professeur de cuisine
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L'HÔTELLERIE n° 2650 Hebdo 27 Janvier 2000