Loi Aubry dans les CHR
D'un côté, des négociations paritaires qui échouent, de l'autre le ministre du Travail qui annonce lors d'une interview télévisée un régime dérogatoire pour les CHR tout comme pour les routiers. Il n'en fallait pas plus pour mobiliser les syndicats salariés qui décident de faire front commun.
C'est d'une seule voix que
les cinq organisations syndicales salariées (CFDT, CFTC, CGC, CGT et FO) ont décidé
d'organiser une semaine d'action commune du 24 au 29 janvier 2000. Cette unanimité,
exceptionnelle en soi, est le reflet du mécontentement des salariés face à une
situation qu'ils jugent gravissime.
Cette semaine d'action prendra différentes formes et notamment des arrêts de travail,
qui toucheront les établissements ayant des délégués syndicaux. Elle concernera
différentes enseignes du groupe Accor, les chaînes Hilton et Concorde, ainsi que des
palaces parisiens et de la Côte d'Azur, même si ces arrêts de travail ne seront que
ponctuels, et ne devraient concerner que des grands établissements, plus
particulièrement dans la capitale. Mais au travers de ces enseignes symboliques qui sont
des vitrines de la profession, les salariés souhaitent avant tout sensibiliser les
pouvoirs publics, mais aussi les salariés du secteur.
Négociations suspendues
Une des raisons de ce courroux : l'échec des négociations sur la RTT, lors de la
dernière commission mixte paritaire du 21 décembre dernier.
Lors de cette réunion, les employeurs ont proposé une RTT à 39 heures pour les
entreprises de plus de 10 salariés qui étaient à 43 heures, et une RTT à 37 heures
pour les entreprises qui appliquaient déjà les 39 heures.
Les salariés ont jugé ces propositions inacceptables pour deux raisons. Elles
excluraient de toute réduction du temps de travail les entreprises de moins de 10
salariés. En outre, les entreprises qui étaient déjà passées à 39 heures (bien avant
la loi Aubry) sortiraient de ce fait du droit commun. Pour les salariés, ces entreprises
doivent donc passer maintenant aux 35 heures.
Pour leur part, les salariés souhaitent que toutes les entreprises du secteur soient
réintégrées dans le régime de droit commun, c'est-à-dire qu'elles soient soumises à
la durée légale du travail, soit 35 heures. Ils accepteraient de négocier sur un
échéancier beaucoup plus long que celui prévu par la loi Aubry. Ils proposent qu'en
2004 toutes les entreprises des CHR soient soumises aux 35 heures.
Quant au collège employeurs, il estime que poser au préalable une durée de travail à
35 heures pour toutes les entreprises du secteur, c'est nier la spécificité de la
profession alors que la loi Aubry elle-même prévoit cette possibilité. Avant même
d'avoir commencé les négociations, la séance a donc été suspendue. Chacun arguant de
la rigidité de l'autre partie.
L'enjeu
Mais ce qui a mis le feu aux poudres, ce sont les déclarations de Martine Aubry à la
télévision, lors du conflit avec les routiers. Elle déclarait qu'en raison des
contraintes de leur profession, ils pouvaient bénéficier d'un régime dérogatoire à la
durée légale du travail. Ce système était d'ailleurs prévu par la loi dans son
article 3 sur les heures d'équivalence. A cette occasion, elle a ajouté que les métiers
des CHR pouvaient eux aussi en bénéficier.
Pour les salariés, le peu d'empressement des employeurs à négocier repose sur l'idée
qu'ils croient avoir obtenu du gouvernement la garantie d'un régime dérogatoire à 39
heures pour tous.
Le suspens ne devrait plus durer longtemps. Les décrets d'application devraient sortir
prochainement.
P. Carbillet
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L'HÔTELLERIE n° 2650 Hebdo 27 Janvier 2000