Saint-Nazaire
Des Chantiers de l'Atlantique qui fonctionnent à plein régime, une excellente saison touristique et des projets urbains ambitieux, Saint-Nazaire a franchement retrouvé le sourire. Les hôteliers investissent et de nouveaux établissements 3 étoiles devraient voir le jour.
"En 15 ans, je
n'avais jamais vu de bouchons à l'entrée de Saint-Nazaire comme l'on en voit
aujourd'hui." Et ne comptez pas sur Josiane Le Deu, hôtelière dans le centre de
Saint-Nazaire, pour s'en plaindre. Pourtant cette ville de 65 644 habitants a longtemps
souffert de sa mauvaise image de marque. La "ville rouge" faisait pâle figure
vis-à-vis de sa voisine embourgeoisée, La Baule. "Ici dans les années 90,
c'était la ville non grata, rappelle Jean-François Augez au service tourisme de la
CCI de Nantes-Saint-Nazaire. Il ne fallait surtout pas aller à Saint-Nazaire, cette
ville grisonnante aux industries omniprésentes." Mais voilà, depuis cette
année, les fameux Chantiers de l'Atlantique ont retrouvé le moral. Et quand les
Chantiers vont, tout va !
Le fleuron de la construction navale française, qui a vu naître des paquebots comme le
Normandie ou le France, emploie quelque 4 300 personnes. Les carnets de commande se
remplissent et l'emploi bat son plein. On enregistrait en août une baisse record de 21 %
du nombre de demandeurs d'emploi par rapport à l'année dernière. Fin septembre, les
offres d'emploi ont progressé sur la ville de plus 37,5 % par rapport à la même
période en 1998. Cette embellie rejaillit sur l'ensemble des secteurs d'activité et
notamment l'hôtellerie. "Il faut en effet loger les nouveaux venus, les cadres de
passage sur la ville etc." Dans leur établissement une étoile, Le Touraine,
Josiane et Martial Le Deu accueillent depuis septembre "un ouvrier du Havre. On a
également accueilli un soudeur marseillais", et des cadres espagnols travaillant
pour les chantiers occupent deux des 20 chambres.
Des TO impressionnants
Comme une bonne nouvelle ne vient jamais seule, la saison touristique s'est mise au
diapason enregistrant des records, jusqu'à 100 % de TO pour certains établissements
implantés sur la commune voisine de Trignac. Des projets municipaux ambitieux viennent
enfin renforcer cet optimisme ambiant. Comme le souligne Josiane Le Deu, "aujourd'hui
on parle de Saint-Nazaire et c'est très bien. J'ai des clients qui sont revenus curieux
de voir ces changements".
Sur l'agglomération (Saint-Nazaire et Trignac), les TO 99 sont assez impressionnants :
70,26 % en mai, 79,32 % en juin, 82,92 % en juillet, 90,17 % en août et encore 79,28 % en
septembre. Pour la commune de Trignac accueillant les hôtels de chaîne (Formule 1,
Première Classe, B & B, Campanile et Ibis, soit 308 chambres), les TO de juillet et
août sont au-delà de 99 %. L'an dernier aux mois de juin et juillet par exemple, les TO
ne dépassaient pas les 70 % sur l'agglomération. La fréquentation a progressé de 30 %.
Et dans ces chiffres, les catégories 0 et 1 étoile tirent particulièrement bien leur
épingle du jeu. "Nous avons vécu une saison extraordinaire en une étoile",
confirme Josiane Le Deu. Cette croissance ne s'est pas opérée par magie et doit entre
autres son succès à une politique d'accueil et d'animation pertinente. Tour de France,
exposition Tintin, lancement du paquebot Mistral... et surtout développement du tourisme
industriel. "Saint-Nazaire ne peut pas trop compter sur l'attrait nature. La ville
mise donc sur le tourisme industriel", et ça marche. Illumination des docks,
visites guidées des chantiers de l'Atlantique et de l'Aérospatiale... De 1990 à 1999,
les visites techniques ont vu leur fréquentation augmenter de plus de 25 000 visiteurs.
Cette année, plus de 34 000 visiteurs ont profité des circuits touristiques industriels
mis en place par la ville. "Nos prix sont également bien plus sages que sur La
Baule par exemple, ce qui nous vaut le plaisir d'accueillir une clientèle familiale
tranquille", explique J. Le Deu. Après des années difficiles marquées par des
conflits avec la municipalité - manque de signalisation - , les 37 hôteliers retrouvent
le moral comme le confirme J. Le Deu. "Aujourd'hui, nous avons nos signalisations
et la mairie nous écoute davantage. Quant aux chaînes, il est fini le temps ou nous nous
bagarrions. Nous travaillons désormais en parfaite entente."
Un projet urbain colossal
La ville se lance par ailleurs dans un vaste projet de réaménagement urbain et notamment
de la "verrue" nazairienne, la base sous-marine construite par les Allemands
sous l'Occupation. Cette entité colossale (300 mètres de long sur 120 de large et 16 de
haut, soit 500 000 m3 de béton !) située à 500 mètres du centre ville va se muer en un
centre d'animation. Autour de ce projet, baptisé Escal'Atlantic, c'est l'ensemble du
quartier Ville-Port qui est concerné. Saint-Nazaire s'apprête en effet à transformer la
base sous-marine en une sorte de Futuroscope emblématique sur le thème du paquebot.
Pendant deux heures, les visiteurs plongeront dans l'univers prestigieux d'un paquebot en
passant dans la salle des machines, dans le restaurant grandiose, dans les cabines, sur le
pont promenade, etc. Le reste de la base sous-marine devrait accueillir des restaurants,
des bars, une discothèque, etc. Escal'Atlantic devrait ouvrir au printemps prochain. Cet
ensemble sera complété à proximité par la création d'une grande surface commerciale,
d'un complexe cinématographique et, selon toute vraisemblance, d'un hôtel 3 étoiles
d'une centaine de chambres. "Pour l'instant on parle du groupe Accor. L'enseigne
serait soit un Mercure soit un Novotel. La municipalité encourage l'implantation d'un
grand hôtel de qualité et de grande capacité", selon Jean-François Augez. La
ville accueille pour l'instant trois 3 étoiles pour une capacité totale de 111 chambres.
Au total, quelque 500 à 600 MF seraient engagés sur 5 ans dans le projet Ville-Port. Par
ailleurs, de l'autre côté du pont de Saint-Nazaire, la commune de
Saint-Brévin-les-Pins, possédant déjà un casino, s'apprêterait à accueillir un
hôtel 3 étoiles d'une centaine de chambres, "affilié à Best Western".
Ce nouvel établissement serait également accompagné d'un complexe cinématographique,
de restaurants...
Investissements, rénovations, embauches...
Sortis d'une excellente saison et raisonnablement optimistes pour l'avenir, les hôteliers
prennent le train en marche. "Les rénovations vont bon train sur la ville.
Environ 80 % des établissements investissent", remarque J.-F. Augez. C'est le
cas notamment dans l'établissement des époux Le Deu. "On réinvestit tout ce
qu'on a gagné pendant la saison. Et ceci est valable pour bon nombre de commerces autres
que des hôtels !" A l'étage, certaines chambres sont en chantier : moquettes,
doubles rideaux... "Nous embaucherons également un mi-temps et un 3/4 temps dès
que le projet Escal'Atlantic sera ouvert." A la sortie de Saint-Nazaire, dans la
zone Océanis, l'optimisme est également de rigueur chez Messieurs Luc et Noël Piaumier
respectivement p.-d.g. et d.g. de l'hôtel 3 étoiles Aquillon, affilié au réseau
Arcantis. L'établissement vient de rénover la salle à manger de 250 couverts. "Saint-Nazaire
devient porteur, remarque Noël Piaumier. Alors forcément, on en profite. Si
l'activité repart, les chaînes vont s'installer, c'est normal. Mais je n'ai pas peur de
cette concurrence. Je crois que les chaînes drainent une clientèle différente de celle
des hôtels de centre ville. Il y a de la place pour tout le monde." Affilié à
des réseaux tels la BAI, Omnium Tour... l'hôtel Aquillon, bien présent sur le marché
anglais, travaille quant à lui très bien avec les groupes, de Pâques à fin septembre.
Pas d'inquiétude donc vis-à-vis des projets d'implantations de 3 étoiles. "Nous
avons déjà des préréservations sur le projet Escal'Atlantic", se félicite
Noël Piaumier.
Les professionnels savent préparer l'avenir. Dès cette année, une enquête de
satisfaction a été proposée par la CCI. "Nous avons eu 600 réponses sur une
vingtaine d'hôtels, précise J.-F. Augez. Cela permet de montrer les points forts
de chacun. Les indépendants peuvent notamment se décomplexer vis-à-vis des
établissements de chaînes en visualisant leurs points forts, la convivialité et la
personnalisation de l'accueil." L'opération Qualité Comprise entre enfin en
vigueur cette année pour une vingtaine d'hôteliers (une trentaine l'an prochain). Selon
Josiane Le Deu, "c'est très bien qu'il y ait cette ambition qualitative. Cette
initiative va changer notre image de marque... et cela vaut toutes les étoiles du monde.
Vous voyez, cet établissement, eh bien c'est notre seul capital retraite. Nous allons
pouvoir vendre le moment venu, en toute confiance !"
O. Marie
La base sous-marine de Saint-Nazaire, en travaux pour devenir
"Saint Nazaire devient porteur", indique Noël Piaumier, aux
côtés de Jean-François Augez.
"Aujourd'hui, on parle de Saint-Nazaire et c'est très bien",
déclare Josiane Le Deu, ici avec son mari.
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L'HÔTELLERIE n° 2653 Hebdo 17 Février 2000