Brigitte et Jean-Marc Bigot
Après avoir tenu une belle affaire sur Caen, Brigitte et Jean-Marc Bigot proposent aux patrons de cafés normands de les remplacer occasionnellement. Cette pratique courante sur Paris a du mal à prendre en province. Elle compte pourtant bien des avantages.
L'idée est jugée bonne. "Depuis la parution d'un papier dans la presse locale, tout le monde nous dit : excellente idée ! Mais personne pour s'engager vraiment. Je ne sais pas si cette activité a sa place en province." Cette activité comme le dit Brigitte Bigot, consiste à remplacer un patron de bar pour une durée déterminée. Gérance de remplacement, "super" extra, patron itinérant... on peut l'appeler comme on veut, voilà une idée qui pourrait intéresser les patrons d'établissements de province. "Parce qu'à Paris, ce phénomène existe. Nous l'avons pratiqué avec succès de 1992 à 1993. Nous avons même refusé des offres", se souvient Jean-Marc Bigot. Installés sur Caen, les époux Bigot viennent de céder leur établissement bar-brasserie. Confronté à l'oisiveté, ils lancent le pavé dans la mare. Belle idée, mais qui la reprendra au vol ?
6 affaires en 23 ans
Originaires tous deux de Lisieux, Brigitte et Jean-Marc Bigot descendent rapidement à
Paris pour y faire leurs premières armes. L'objectif ? Tenir un café. Elle avec un
diplôme de comptabilité et lui fort d'un BTH acquis à Médéric, ils se complètent
parfaitement. "Nous avons obtenu notre première gérance libre à 25 ans, au
Chesnay, près de Paris." La première d'une grande série. "Nous avons
connu 6 affaires en 23 ans de mariage", sourit Jean-Marc. "C'est pas mal.
Mais nous aimons bien nous remettre en question", renchérit Brigitte. Sur
l'Ile-de-France, il y aura notamment le Terminus à Versailles pris en gérance pendant
quatre ans, une affaire rue du Temple "où nous avons travaillé pendant un an
pour rien ! Le marchand de café nous a alors orientés sur une très belle gérance libre
rue de Rivoli, Les Lavandières, où nous sommes restés deux ans avant d'en prendre une
autre gare de Lyon." Suite à cette dernière gérance, Brigitte et Jean-Marc
connaissent plusieurs mois d'inactivité. "La gérance de remplacement est
arrivée tout naturellement. C'était quelque chose d'extrêmement répandu. Les
propositions venaient des brasseurs ou des marchands de cafés qui nous renseignaient sur
les établissements intéressés."
Patrons à durée déterminée
Ils deviendront ainsi des patrons à durée déterminée de deux établissements, rue de
Réaumur à deux reprises, et boulevard Voltaire. "Sans compter les nombreuses
autres sollicitations auxquelles nous n'avons pu donner suite." Forts de cette
expérience, ils font eux-mêmes appel à ce type d'activité. "Et un jour,
passant des vacances dans le Cotentin, nous nous sommes demandé ce que l'on faisait à
Paris. La qualité de vie en province nous a séduits, explique Jean-Marc avant
d'ajouter en riant, aujourd'hui on se demande ce que l'on fait en province !"
En 1993, ils achètent alors leur première affaire, un bar limonade situé au cur
de la cité de Guillaume le conquérant. Le Café du Théâtre est en train de naître.
"Au départ nous avions juste un petit établissement et au fur et à mesure, nous
avons agrandi l'affaire." Lorsqu'ils la vendent, pour raisons de santé, le Café
du Théâtre comporte plus d'une centaine de places en terrasse et autant à l'intérieur.
Ce n'est plus un simple bar, mais une brasserie. "Nous employions sept personnes
hors saison et jusqu'à neuf en saison." Aujourd'hui sans établissement, les
Bigot relancent l'idée du remplacement.
Des gens d'expérience
Cette idée semble simple à mettre en route, pertinente et avantageuse à bien des
égards. "Lorsque les gérants de remplacement sont des gens d'expérience comme
nous, la mise en route est très rapide et simple. Un petit contact d'une journée avec le
patron et c'est fait. L'adaptation se fait vite." Premier avantage, ce
remplacement permet au patron de prendre des vacances tout en fidélisant sa clientèle en
ne fermant pas. "Les clients ne sont pas tentés d'aller voir ailleurs. Mais pour
le patron c'est également un moment où il peut prendre du recul vis-à-vis de son
affaire et de son personnel. Un il étranger mais toujours professionnel s'avère
primordial dans la tenue d'un établissement. Je dirais même que cette période peut
avoir un rôle d'audit." Quant au personnel, lorsqu'il y en a, cela ne pose pas
de problèmes. "Au contraire, les employés sont contents de voir arriver de
nouvelles têtes et ils se démènent. Ce sont eux qui connaissent la maison, ils vont
prendre des initiatives." L'exercice profite à l'affaire dans son ensemble, lui
donnant une nouvelle dynamique, un patron de gérance pouvant tout naturellement, et
parfois inconsciemment, générer une nouvelle ambiance, un contact différent, "tout
en restant dans le ton et sans compromettre la personnalité de l'établissement".
Est-ce pour autant la panacée ? Bien sûr que non. Le remplacement connaît également
ses inconvénients. "Bon bien sûr, il faut payer les gérants de remplacement,
sourit Jean-Marc. Difficile de donner un ordre de prix, tout dépend du feeling entre
le patron et ses remplaçants. Cela dépend également de l'affaire, des horaires, s'il y
a une ouverture le dimanche, s'il y a de la cuisine etc." Selon les principaux
intéressés, il faut compter à partir de 500 F par jour pour deux personnes. "Généralement,
les gérants de remplacement ont le statut d'employés, ce qui sous-entend des charges
sociales pour les vrais patrons." Autre inconvénient selon Brigitte, "vous
vous retrouvez, en revenant, avec un ou deux jours de comptabilité à faire !"
Confrontés aux mentalités
Mais cette activité repose avant tout sur la confiance réciproque et c'est certainement
là que le bât blesse... "en province", tient à rajouter Jean-Marc. Les
patrons de bar seraient-ils méfiants ? "C'est peu de le dire. Chacun est
arc-bouté sur son chiffre d'affaires pour que personne ne le connaisse. Alors que tout
bon professionnel sait en gros quel est le chiffre de tel ou tel établissement ! C'est
ridicule. C'est chacun pour soi et Dieu pour tous. On a peur de divulguer son chiffre."
Question de mentalités assurément car même si beaucoup s'accordent à penser du bien de
cette initiative, peu semblent prêts à franchir le pas. L'expérience et la renommée
sur la place de Brigitte et Jean-Marc reste certainement un avantage pour ce type
d'activité. "Mais également un inconvénient. Des gens peuvent avoir peur des
critiques et de je ne sais quoi ! Mais lorsque l'on est patron bis, on ne se permet pas de
critiquer. On travaille, point à la ligne. Si le réel patron souhaite un avis, bien
entendu on le donne." Président régional du syndicat, Jacques Leparfait pense
qu'il s'agit là "d'une perspective tout à fait intéressante. A nous de
communiquer afin d'asseoir la fiabilité de ces gens. Tout repose sur la confiance".
En attendant que les mentalités évoluent et que les portes s'ouvrent, Jean-Marc et
Brigitte préparent l'avenir de Christelle leur fille. "Elle était employée chez
nous au Café du Théâtre. Nous sommes en train de voir pour l'installer quelque part...
toujours dans le milieu du bar brasserie." Quand le virus est là...
O. Marie
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L'HÔTELLERIE n° 2653 Hebdo 17 Février 2000