Loi Aubry dans les CHR
Pendant que les organisations patronales font le siège au ministère du Travail, les syndicats salariés descendent dans la rue pour faire entendre leur voix : ils ne veulent pas être les oubliés de la loi Aubry et revendiquent 35 heures dans les CHR.
Vendredi 25 février 2000, les organisations
syndicales, FGTA/FO, CGT commerce, CFE/CGC, SNHR et la fédération des services CFDT ont
appelé leurs membres des CHR à se rassembler sur le parvis de la tour Montparnasse
devant le siège du groupe Accor.
Les salariés entendaient dénoncer l'attitude des syndicats employeurs de la branche
qu'ils accusent de ne pas avoir voulu négocier réellement la réduction du temps de
travail, préférant convaincre le ministère du Travail de la nécessité de la
publication d'un décret dérogatoire à la loi Aubry pour le secteur des CHR. Décret qui
maintiendrait le régime dérogatoire des CHR par rapport à la durée légale du travail,
ce qui devrait donner une nouvelle durée de travail sur la base de 39 heures. Un décret
qui deux mois après la date d'application de la loi n'est toujours pas publié, ce qui ne
fait qu'accentuer la tension entre les syndicats patronaux et salariés. Course contre la
montre, rapport de force, intox éventuellement, tout est bon pour prendre une longueur
d'avance.
Un grand fossé
Il faut dire que la dernière commission mixte paritaire réunissant les organisations
patronales et salariées qui s'est déroulée le 21 décembre dernier, s'était achevée
par une suspension de séance. Quand les salariés proposaient une réduction du temps de
travail sur la base de 35 heures avec un échéancier beaucoup plus long que celui de la
loi Aubry, le collège employeur acceptait l'idée mais seulement pour arriver à 39
heures. Autant dire que les syndicats salariés ont mal accepté le fait qu'on leur
demande, dans le cadre d'une négociation, de mettre en place la loi avec deux ans de
décalage sans aucune contrepartie. D'où le clash.
Depuis, les négociations sont dans l'impasse. L'UMIH a envoyé un courrier au
porte-parole des salariés pour demander la réouverture des négociations, courrier
resté sans réponse. Dernièrement, trois organisations syndicales, la CFHRCD, la Fagiht
et le SNRLH, ont essayé de renouer le dialogue avec les partenaires sociaux. Même s'il
s'agit encore d'un cadre informel, on note une avancée dans le processus de reprise des
négociations... Les syndicats patronaux qui se sont engagés dans cette démarche
considèrent qu'il serait désastreux pour la profession de se contenter d'attendre un
décret dont on ne connaît pas le contenu. Pour eux, seul un accord de branche négocié
avec les partenaires sociaux permettrait de prendre en compte la spécificité du secteur.
Ils espèrent ainsi à travers la négociation arriver à se mettre d'accord avec les
syndicats salariés sur un échéancier de mise en place de la réduction du temps de
travail. Ils souhaitent aussi préserver l'avantage, pour les entreprises de moins de 50
salariés, des aides financières sans passer par un accord d'entreprise. Mais pour qu'un
tel accord puisse être accepté par les salariés, il faut que les employeurs abordent le
principe des 35 heures. En contrepartie d'un échéancier plus long pour les entreprises
des CHR qui passeraient à 39 heures, ces trois syndicats patronaux seraient prêts à
faire des concessions en acceptant le principe que les entreprises qui étaient déjà à
39 heures avant la loi Aubry, donc déjà soumis au régime légal de l'époque, suivent
le nouveau régime légal et passent donc à 35 heures. Une proposition qui ne fait
absolument pas l'unanimité au sein du patronat et en particulier au sein du GNC qui
compte un grand nombre d'entreprises à 39 heures depuis plusieurs années.
Aussi pour l'UMIH, "il n'est pas question de parler de 35 heures dans la
profession". Une proposition d'autant plus dangereuse à leurs yeux qu'ils y
voient la porte ouverte à court terme à une demande d'extension de la mesure à
l'ensemble des entreprises des CHR. "Les entreprises qui ont anticipé la
réduction du temps de travail depuis plusieurs années n'ayant pas à être pénalisées
par rapport aux autres. C'est dans le cadre d'accords d'entreprises que pourront se faire
de nouvelles réductions du temps de travail, ce n'est pas à la loi d'en décider",
précise-t-on rue d'Anjou où l'on se refuse à toute pression tant de la part des
syndicats salariés que du gouvernement : "On ne négociera pas à tout prix sur
la peur d'un décret." Ce décret, dont nul de peut garantir ni son contenu ni sa
date de sortie mais qui apparaît bien pour tous comme une véritable épée de Damoclès.
Les salariés veulent faire pression
Face aux actions de lobbying des syndicats patronaux, les salariés ne veulent pas être
en reste. Leurs organisations syndicales ont demandé à leurs délégués et adhérents
travaillant dans les établissements qui n'ont pas d'accord RTT négocié et appliqué
dans l'entreprise, et dont la durée hebdomadaire de travail est supérieure à 35 heures,
de mener une action en envoyant une photo de leur établissement ou une carte postale de
la ville à Martine Aubry pour lui signifier la non-application de la loi qui porte son
nom.
En attendant, que faire ?
Autant dire que la confusion est totale. Les syndicats patronaux n'étant à l'heure
actuelle pas vraiment prêts à faire la même démarche en matière de réouverture des
négociations. A ce jour, la seule position commune du patronat est que, faute d'un
décret spécifique dans le secteur des CHR et en l'absence d'un accord collectif de
branche sur la réduction du temps de travail, le décret d'avril 1999 valide les 43
heures dans les CHR. Pour eux donc, la durée du travail reste pour l'instant fixée à 43
heures, sauf, bien sûr pour les entreprises qui ont déjà négocié des accords
particuliers, et ce, jusqu'à la parution d'un autre décret. Position reprise par les
syndicats salariés et qui n'est pas démentie par le ministère du Travail. Les syndicats
salariés avaient mobilisé leurs troupes. On le sait, la syndicalisation du personnel
dans les CHR est très réduite, c'est principalement au sein des grands groupes que les
syndicats ont pu faire leur chemin, justement là où le temps de travail est depuis
longtemps à 39 heures. Plus de 500 personnes défilaient à Montparnasse pour demander à
ce que les hôtels, cafés, restaurants ne soient pas exclus de la réduction du temps de
travail. Du côté du ministère, le silence. Une affaire à suivre donc.
P. Carbillet
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L'HÔTELLERIE n° 2655 Hebdo 2 Mars 2000