Pyrénées-Orientales
Après la perte de ses deux étoiles et le départ des époux Banyols, l'établissement catalan recherche un second souffle. Tout semble pourtant réuni pour offrir au futur exploitant d'excellentes perspectives de développement. Encore faut-il oser relever le défi.
Depuis la fermeture de l'établissement, il y a moins d'un an, l'avenir des Feuillants reste plus que jamais conditionné par l'arrivée d'un nouvel exploitant. Mis en redressement judiciaire le 3 mars 1999 par le tribunal de commerce de Perpignan, Les Feuillants auront alterné le meilleur comme le pire. Qui aurait pu prévoir en effet que deux ans après l'obtention d'une seconde étoile Michelin, le dépôt de bilan marquerait, en tout cas temporairement, la fin d'une belle aventure ? C'est l'arrivée d'un investisseur américain, John Blume, qui va en quelque sorte précipiter la chute. En désaccord avec Didier Banyols qui quitte l'établissement en 1998, John Blume se lance malgré tout dans de coûteux investissements pour étendre et moderniser la cuisine et les capacités d'accueil. Au total, ce sont 2,5 millions de francs qui seront ainsi engagés, affectant du même coup l'équilibre financier de l'enseigne. Fragilisés par le départ de Marie-Louise et Didier Banyols, respectivement sommelière et chef de cuisine, Les Feuillants ne parviennent pas à se maintenir au niveau où ces derniers avaient placé l'établissement. L'édition 1999 du Michelin sanctionne durement cette situation en supprimant toute mention de l'établissement, ce qui a pour effet immédiat de précipiter la crise entre gérants, directeurs et propriétaires. Aucun des deux chefs appelés en renfort pour reconstituer une nouvelle équipe n'étant parvenu à redresser la barre. Pour Martine Josse-Blume, gérante, "il devenait très difficile d'exploiter dans de bonnes conditions un établissement aussi isolé géographiquement, dans un département lui-même fragile économiquement. Même avec un très beau chiffre d'affaires en 1997, nous n'avons pu éviter de perdre de l'argent."
Repartir sur des bases saines
Avec comme seule préoccupation la réouverture des lieux, Robert Pairot, propriétaire
des murs, préfère oublier ce passé pour mieux évoquer un avenir qu'il souhaite
radieux. Amoureux de sa terre et de l'établissement dans lequel il a investi au total une
dizaine de millions de francs, une ancienne villa cossue du centre-ville posée à l'ombre
de platanes centenaires, cet industriel spécialisé dans le bouchon en liège haut de
gamme ne nourrit aucune rancur ni amertume. "Contentons-nous de remettre Les
Feuillants sur la bonne voie. Si des erreurs d'appréciation ont été commises, rien ne
peut les effacer, seul un nouveau départ autour d'un projet ambitieux doit mobiliser
notre énergie", affirme Robert Pairot. D'une capacité de 45 couverts pour la
salle principale, complétée par un espace brasserie d'environ 100 couverts, les
potentialités liées à une reprise sont réelles. D'autant que Robert Pairot serait
prêt, le cas échéant, à engager des travaux supplémentaires pour créer quatre
nouvelles suites qui viendraient s'ajouter aux cinq déjà existantes. Une opportunité
pour le futur repreneur qui pourrait ainsi prétendre à un référencement en matière
d'hébergement tout en élargissant son offre. Aménagés pour certaines avec un budget de
150 000 francs l'unité, les chambres que compte l'établissement méritent à elles
seules de retrouver rapidement une clientèle de fidèles, à l'image de l'acteur
Jean-Louis Trintignant qui avait fait des lieux une de ses étapes obligée dans le sud de
la France. "Et c'est tous les jours que je reçois des appels pour des
réservations en provenance d'Espagne ou de France. Malheureusement, dans la situation
actuelle je suis contraint d'expliquer que nous sommes fermés", précise Robert
Pairot, visiblement ému.
Pâques comme objectif
Actuellement en phase active de recherche d'un repreneur pour le fonds, celui-ci devant
idéalement allier expérience en cuisine et capacités de gestionnaire, Robert Pairot ne
manque pas d'insister sur les potentialités des Feuillants (un hommage à Lafayette et à
son célèbre "Carré"). Vaste cuisine entièrement équipée, cave richement
pourvue d'une valeur de plus d'un million de francs, notoriété régionale, nationale et
internationale toujours vivace, cadre unique, les atouts qui plaident en faveur de
l'établissement sont nombreux. "Mais nous payons encore, bien malgré nous, un
héritage que d'aucuns ont tendance à juger trop lourd pour s'investir durablement",
affirme une nouvelle fois le propriétaire. Redresser et retrouver le lustre d'antan,
l'établissement céretan n'est pas le premier à devoir affronter le syndrome lié à la
perte d'une distinction. "C'est pour cette raison que le profil du futur repreneur
devra faire apparaître une forte propension naturelle à la création, à l'innovation,
sans pour autant que ce dernier doive marcher obligatoirement sur les traces de ses
prédécesseurs, aussi illustres soient-ils. Nous voulons quelqu'un d'ambitieux qui ne se
sente en aucune façon bridé." Une occasion pour Robert Pairot d'accorder toute
latitude à un candidat désireux de relever un tel défi et de repositionner Les
Feuillants sur l'échiquier des meilleures tables méridionales, en attendant mieux. De
fait, l'affirmation d'une identité culinaire maîtrisée et d'inspiration
méditerranéenne, grâce à l'utilisation de produits locaux voire régionaux, apparaît
comme primordiale aux yeux du propriétaire et de son épouse. "Nous ne lui
demanderons pas de retrouver un niveau deux étoiles, sans pour autant négliger les
critères essentiels de tenue et de qualité. Notre souhait, s'il n'y en avait qu'un, ce
serait une réouverture avant la fin du printemps, ce qui permettrait de démarrer la
saison en toute sérénité", ajoute Robert Pairot. Aucune pression démesurée
ne devrait donc constituer un handicap pour celui qui reprendra le flambeau et relancera
l'activité. Un challenge qui pourrait bien constituer un formidable tremplin pour un chef
talentueux, à l'heure où de plus en plus de jeunes font le pari plus ou moins risqué
d'une installation. Dans l'immédiat aucune proposition de reprise ne semble devoir
aboutir, même si l'optimisme reste de mise pour Robert Pairot qui ne peut envisager
raisonnablement un nouveau statu quo.
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L'HÔTELLERIE n° 2656 Hebdo 9 Mars 2000