Chaînes intégrées en Europe
Etude Coach Omnium/La Revue
Les chaînes hôtelières intégrées sont devenues de grands conquérants n'hésitant plus à sortir de leurs frontières. Si les Etats-Unis ont été pendant longtemps leur berceau, d'autres continents deviennent leur nouveau terrain d'exploration. L'Amérique du Nord semble désormais apparaître aux grands groupes américains comme une chaussure trop petite, qui n'offre plus les belles perspectives d'antan : outre-Atlantique, la saturation pointe. Aujourd'hui, sur les 35 premiers groupes mondiaux d'hôtellerie recensés dans l'étude annuelle mondiale de Coach Omnium, 21 sont américains mais majoritairement implantés en Amérique du Nord. L'Europe apparaît aujourd'hui comme le seul continent sur lequel tous les opérateurs sont d'accord pour investir ou réinvestir. Pour un opérateur hôtelier comme Accor, 3e groupe international en nombre d'hôtels établi dans 140 pays, le Vieux Continent correspond à 53 % de ses chambres disponibles. Il est vrai qu'Accor est parti de France.
Un parc hôtelier hétérogène
Quelle que soit leur nationalité, la règle universelle pour toutes les chaînes est à
présent "grandis ou disparais". Ce qui explique la hargne qui sévit à
présent dans le milieu où les groupes hôteliers, généralement appuyés par les fonds
de pensions et de placements, deviennent des prédateurs bien décidés à croquer leur
prochain. On ne compte plus les fusions-absorptions entre grandes chaînes qui animent le
marché mondial de l'hôtellerie. Cela ne va d'ailleurs pas s'arrêter en si bon chemin,
car la pression financière encourage, voire impose, cette tendance. Citer toutes les
opérations de reprise qui se sont déroulées en 1998 et en 1999 nécessiterait de
rédiger une longue liste probablement ennuyeuse. Si l'Europe redevient d'intérêt
public, ce n'est pas de façon égalitaire. Il s'agit surtout de l'Europe occidentale et
du Sud, incluant la Suisse, au-delà de la seule zone Euro. Ce secteur
économico-géographique a d'ailleurs motivé le choix des pays étudiés par Coach
Omnium. Face à lui, la Scandinavie est encore en émergence hôtelière et l'Europe
orientale est en friche, en attendant que l'on investisse quelques rares pays comme la
Pologne, qui ne possède pas plus de 900 hôtels actuellement, souvent de piètre
qualité. C'est une des destinations disposant d'une réserve intéressante dans le
tourisme d'affaires, qui excite la convoitise de groupes français comme Accor ou
Envergure. Ces deux-là comptent bien tenir les premiers rôles dans la création du
marché hôtelier de ce pays, qui attend près de 170 hôtels de plus sous 5 ans, dont au
moins un tiers réalisé par ces deux acteurs. Pourtant, l'Europe n'est pas faite. Il
existe un parc hôtelier très diversifié, mais aussi très hétérogène
quantitativement et qualitativement. Par ailleurs, certaines destinations disposent de
beaucoup de formes d'hébergement touristique privilégiées par rapport à l'hôtellerie
: pensions, bed & breakfast, chambres d'hôtes, etc. Du coup, leur hôtellerie est peu
dense : c'est le cas de l'Irlande et du Portugal. Ou encore, elle se compose
d'établissements plutôt nichés dans le moyen/haut de gamme, comme en Suisse. Plusieurs
pays européens travaillent surtout avec un tourisme étranger, comme l'Autriche par
exemple, tandis que d'autres équilibrent leur activité entre la clientèle nationale et
extra nationale. La France demeure le pays qui offre la plus forte ouverture de gammes en
hôtellerie, où il existe une forte proportion d'hôtels économiques par rapport aux
onze autres pays étudiés. Le constat est qu'il n'existe pas vraiment de marché commun
touristique et hôtelier européen. Chaque pays fonctionne avec des clientèles
hôtelières différentes ainsi que des motifs de séjours différents, selon leur
localisation et leur économie régionale et nationale.
Difficultés réglementaires
Au-delà de la diversité de l'offre hôtelière de chaque pays d'Europe, il n'y a
également aucune uniformisation dans la représentation des chaînes hôtelières. Leur
taux de pénétration dans le parc hôtelier européen en nombre d'hôtels est très
inégal : il n'est sur l'ensemble du continent que de 6 % contre 19 % en nombre de
chambres, alors qu'il y a 111 200 hôtels au total pour 3,765 millions de chambres
disponibles (chaînes + indépendants). La taille moyenne des hôtels de chaînes est plus
de 3 fois supérieure à celle de l'ensemble de l'hôtellerie. Elle se situe à 116
chambres par établissement contre 34 pour la totalité de l'offre. Pour les chaînes
cherchant à croître hors de leurs frontières, l'implantation dans d'autres pays est à
chaque fois un challenge inédit. Chaque destination implique des difficultés propres qui
ne ressemblent pas aux contraintes rencontrées ailleurs. Ceci paraît très surprenant
alors que l'Europe occidentale est si réduite en superficie. La Grande-Bretagne ou
l'Italie ont longtemps gardé leurs portes fermées aux groupes hôteliers étrangers,
notamment français. C'est encore plus ou moins vrai. En Allemagne, nos hôtels
préfabriqués de chaînes superéconomiques n'ont pas vraiment pu se développer parce
que leur concept ne convenait pas aux autorités administratives. En Europe, les
conditions d'exploitation, la fiscalité, la législation hôtelière, les critères de
classification, les taux de prélèvement obligatoire, le coût de la main-d'uvre et
de l'énergie, la TVA, ne sont en rien identiques entre chaque pays. Le ticket d'entrée
pour s'exporter, quand on est une chaîne hôtelière, coûte également de plus en plus
cher. Enfin, les comptes d'exploitation révèlent qu'un hôtel a globalement une plus
faible rentabilité en France ou en Belgique que dans la plupart des autres pays d'Europe.
Développement irrégulier des chaînes
C'est en France que les chaînes se concentrent le plus avec 13 % des établissements
(classés), soit 2 606 hôtels. Elle est suivie par les Pays-Bas avec 10 % du parc. En
Europe occidentale, l'Autriche et l'Italie sont au contraire les pays où les chaînes
sont les moins présentes. En tout, Coach Omnium a recensé en Europe 83 chaînes
hôtelières intégrées réunissant plus de 10 hôtels et un minimum de 500 chambres. En
prenant en compte les réseaux plus petits, le nombre aurait doublé. Elles représentent
6 185 hôtels et 716 596 chambres. En 1999, leur offre a augmenté de 9,9 %, soit un total
additionnel de 555 hôtels. C'est une évolution supérieure à celle observée sur les 50
premiers groupes hôteliers dans le monde (Etude Coach Omnium), qui n'était que de 6,4 %
en 1999 et de 7,6 % en 1998. L'Europe correspond bien au premier continent-cible pour les
chaînes hôtelières. Mais ici encore, la progression n'est pas uniforme. Si des pays
comme l'Italie, l'Irlande, la Suisse, la Belgique ou l'Allemagne ont vu une forte
accélération des nouvelles prises d'enseignes par les chaînes, la France, le Portugal
et l'Espagne sont les lanternes rouges dans le développement. Pour autant, l'offre des
chaînes en France est en hausse de 6 % en nombre d'adresses, soit beaucoup plus qu'en
1998 qui enregistrait 2,6 % de mieux. Cette moindre croissance du parc hôtelier des
chaînes en France, comparée à la plupart de celles des autres pays européens,
s'explique par la structure déjà richement pourvue en hôtels. De plus, les
conséquences de la loi Raffarin de juillet 1996 ont freiné les créations, même si la
quasi-totalité des projets finissent par être acceptés.
Beaucoup de microchaînes
L'analyse des réseaux montre qu'il existe finalement peu de chaînes qui disposent de
plus de 100 hôtels sur le Vieux Continent. Sur 83 enseignes dénombrées, 16 seulement
peuvent présenter ce portefeuille d'hôtels. Il y a encore quelques années, on
considérait qu'une chaîne intégrée devait aligner en moyenne 50 hôtels pour atteindre
son seuil critique lui permettant d'exister. C'est aujourd'hui un minimum de 150 hôtels
qu'il faut pouvoir proposer au public pour espérer un peu de notoriété, de moyens et de
rentabilisation dans un grand pays ou sur un petit continent. Par ailleurs, promouvoir et
gérer une enseigne coûte de 3 à 6 fois plus cher qu'il y a une dizaine d'années, selon
la gamme d'hôtellerie dans laquelle on se trouve. L'acquisition du savoir-faire, les
investissements humains, technologiques (centrales de réservations, Internet avec
réservations on line, Intranet), dans la promotion et dans la communication, ont fait
grimper les coûts de fonctionnement de façon étourdissante. Sur l'Europe, les chaînes
leader sont Ibis avec 438 hôtels, suivie de Mercure, de Campanile et de Formule 1. Quant
aux groupes hôteliers, Accor est en tête avec 1 598 hôtels européens, suivi de la
Société du Louvre-Envergure avec 937 établissements, REZsolutions, Granada et Choice
pour les suivants. En tout, 9 groupes hôteliers se partagent 71,6 % de l'offre des
chaînes en Europe. Quant à Accor et Envergure, ils forment à eux deux 40,9 % des
hôtels de chaînes en Europe.
Des leaders
La plus forte progression en nombre d'hôtels revient en 1999 à la Société du
Louvre/Envergure qui a ouvert de nouveaux hôtels, mais qui a surtout repris le groupe
Hôtels & Compagnie, héritant ainsi de plus de 300 hôtels Climat de France,
Balladins et Nuit d'Hôtel. Le groupe travaille au lancement de Kyriad, fusion de Clarine
et Climat de France (voir page 4). Avec 11 % d'établissements de plus en Europe, Accor
continue par ailleurs à faire son marché sur l'échiquier mondial (reprise de Red Roof
Inns, de Good Morning Hotels en Scandinavie, etc.). Dès février 1999 en Europe, il s'est
offert Frantour puis Libertel et Demeure Hotel en mai (opération validée en décembre),
puis récemment 27 hôtels allemands issus du groupe Baumhögger. Beaucoup de ces reprises
européennes vont aller droit dans l'escarcelle de Mercure, qui a la vocation de fédérer
des hôtels différents les uns des autres. C'est d'ailleurs cette chaîne qui annonce la
plus forte progression en nombre de prises d'enseignes avec 97 établissements de plus en
1999, soit 32 % d'enrichissement de son stock d'hôtels en Europe. Accor met les bouchées
doubles sur Mercure. Il annonce, au 1er janvier 2000, 562 hôtels Mercure implantés dans
le monde. Mais, il lui reste encore du chemin à parcourir si l'enseigne veut atteindre
les 1000 hôtels en l'an 2000, pari annoncé par ses dirigeants en 1996.
M. Watkins
Nbre d'hôtels Chaînes | Hôtels : Taux de pénétration | Nbre de Chbres Chaînes | Chbres : Taux de pénétration | |||
Allemagne | 794 | 4 % | 128799 | 31 % | ||
---|---|---|---|---|---|---|
Autriche | 110 | 1 % | 19434 | 3 % | ||
Belgique | 105 | 6 % | 14507 | 39 % | ||
Espagne | 668 | 9 % | 111308 | 23 % | ||
France | 2606 | 13 % | 212096 | 35 % | ||
Grande-Bretagne | 1257 | 8 % | 143553 | 33 % | ||
Irlande | 32 | 4 % | 3163 | 10 % | ||
Italie | 241 | 1 % | 35194 | 4 % | ||
Luxembourg | 11 | 6 % | 1574 | 37 % | ||
Pays-Bas | 229 | 10 % | 27486 | 38 % | ||
Portugal | 63 | 4 % | 8881 | 19 % | ||
Suisse | 69 | 3 % | 10601 | 10 % | ||
Total Europe | 6185 | 6 % | 716596 | 19 % | ||
Source Coach Omnium/La Revue |
Nbre d'enseignes | 83 |
---|---|
Nbre d'hôtels au 1er janvier 1999 | 5630 |
Nbre d'hôtels au 1er janvier 2000 | 6185 |
Evolution en nombre d'hôtels 00/99 | 9,9 % |
Nbre de chambres au 1er janvier 1999 | 651662 |
Nbre de chambres au 1er janvier 2000 | 716596 |
Evolution en nbre de chambres 00/99 | 10 % |
Source Coach Omnium/La Revue |
Hôtels de chaînes | Evolution 1999/1998 | Variation % | ||||
Allemagne | 794 | + 105 | + 15 % | |||
---|---|---|---|---|---|---|
Autriche | 110 | + 11 | + 11 % | |||
Belgique | 105 | + 16 | + 18 % | |||
Luxembourg | 11 | - | - | |||
Pays-Bas | 229 | + 17 | + 8 % | |||
Espagne | 668 | + 35 | + 6 % | |||
France | 2606 | + 144 | + 6 % | |||
Grande-Bretagne | 1257 | + 147 | + 13 % | |||
Italie | 241 | + 50 | + 26 % | |||
Irlande | 32 | + 14 | + 78 % | |||
Portugal | 63 | + 3 | + 5 % | |||
Suisse | 69 | + 13 | + 23 % | |||
Total Europe | 6185 | 555 | 9,9 % | |||
Source Coach Omnium/La Revue |
Rang 1999 | Rang 2000 | Groupe | Origine | Hôtels 1er janv 2000 | Evolution 2000/1999 | Evol. % | Nbre de pays | ||||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
1er | 1er | IBIS | Accor | F | 438 | 25 | 6 % | 11 | |||||||||
3 | 2 | MERCURE INTAL HOTELS | Accor | F | 403 | 97 | 32 % | 9 | |||||||||
2 | 3 | CAMPANILE | Envergure | F | 358 | 3 | 1 % | 7 | |||||||||
4 | 4 | FORMULE 1 | Accor | F | 311 | 7 | 2 % | 7 | |||||||||
5 | 5 | GOLDEN TULIP | REZsolutions | USA | 267 | 39 | 17 % | 11 | |||||||||
7 | 6 | TRAVEL INN | Whitbread | GB | 231 | 30 | 15 % | 1 | |||||||||
6 | 7 | NOVOTEL WORLDWIDE | Accor | F | 205 | 2 | 1 % | 11 | |||||||||
9 | 8 | COMFORT HOTELS & INN | Choice | USA | 195 | 27 | 16 % | 8 | |||||||||
10 | 9 | TRAVELODGE | Granada | GB | 188 | 25 | 15 % | 1 | |||||||||
11 | 10 | ETAP HOTEL | Accor | F | 181 | 20 | 12 % | 3 | |||||||||
12 | 11 | PREMIERE CLASSE | Envergure | F | 162 | 9 | 6 % | 2 | |||||||||
15 | 12 | HOLIDAY INN | Bass | GB | 161 | 25 | 18 % | 10 | |||||||||
14 | 13 | SOL MELIA | Sol Melia | SP | 155 | 14 | 10 % | 6 | |||||||||
8 | 14 | CLIMAT DE FRANCE | Envergure | F | 150 | - 22 | - 13 % | 1 | |||||||||
13 | 15 | HUSA HOTELS | Husa Hotels | SP | 147 | - 1 | - 1 % | 3 | |||||||||
Source Coach Omnium/La Revue |
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L'HÔTELLERIE n° 2656 L'Hôtellerie Économie 9 Mars 2000