Hôtellerie des stations thermales
Le thermalisme n'est plus ce qu'il était. Aujourd'hui, le problème de la survie des stations thermales est réel. Depuis le début du siècle dernier, la fréquentation ne cesse de s'éroder. Alors que les stations thermales accueillaient encore près de 648 000 curistes en 1987, le trafic est tombé à 555 600 en 1997, soit une chute de 14,3 % en 10 ans selon le Syndicat national des établissements thermaux. A Vichy, les curistes au nombre de 100 000 au début du siècle dernier, ne sont plus que 12 000 en 1997. Par voie de conséquence, le chiffre d'affaires est également en perte de vitesse puisque de 6 milliards de francs en 1995, il a glissé à 5 milliards en 1998. Sur les 105 stations thermales existant aujourd'hui, 60 ont connu une baisse de leur trafic entre 1996 et 1997 et 6 sont actuellement fermées : Aix-en-Provence, Castera-Verduzan (Gers), La Lechère (Savoie), Pechelbronn (Bas-Rhin), Pitrapola (Haute-Corse) et Santenay (Côte d'Or).
Un monde en crise
Intimement liée à l'activité des stations, l'hôtellerie présente sur place subit les
mêmes symptômes. Depuis une centaine d'années, le parc ne cesse de s'élimer. A Vichy,
on ne compte plus que 90 établissements sur les 350 qui existaient avant la Seconde
Guerre mondiale. La plupart des villes thermales ont subi cette crise, même les plus
réputées. Et si la tendance semble aujourd'hui fléchir, de nombreuses stations
assistent encore à la fermeture d'hôtels. "Depuis 10 ans, à Divonne-les-bains,
3 hôtels ont mis la clé sous la porte et n'ont toujours pas trouvé de repreneur. En
plus, les banques sont frileuses, ce qui ne facilite pas les choses", rapporte
Sophie Paya, responsable commercial au Château de Divonne. Mais pourquoi une telle
désaffection ? Le déclin du thermalisme est le résultat de plusieurs facteurs combinés
: les progrès en pharmacologie, la concurrence croissante de la thalassothérapie et
surtout une image de thermalisme social qui ne plaît plus. Car depuis 1950, la Sécurité
sociale rembourse les cures. Le thermalisme n'a cessé alors de se démocratiser et
d'attirer une clientèle plus populaire. Résultat des courses, la clientèle thermale
haut de gamme a fui vers d'autres destinations. Par ailleurs, la cure imposée de 21 jours
n'est pas adaptée au monde actuel. Quel cadre ou chef d'entreprise dans le privé peut
réellement se libérer pour un séjour aussi long ?
Ainsi, l'époque du luxe et des fastes du début du siècle est complètement révolue. On
ne va plus aux eaux comme dans les années 30 pour parader, mais pour se soigner. Le
principal vivier de clientèle des stations est constitué de retraités qui viennent
traiter leurs rhumatismes, leur ostéoporose, leur ménopause ou suivre une rééducation
fonctionnelle. La clientèle est très féminisée (70 % des curistes) et plutôt âgée.
Aux yeux des touristes, la clientèle des établissements thermaux est avant tout
composée de malades, de personnes âgées et solitaires bien loin de la clientèle
touristique haut de gamme qui affluait à la Belle Epoque.
L'hôtellerie se transforme
Bon nombre d'hôtels de luxe disparaissent petit à petit faute d'une clientèle
suffisante. Alors qu'au XIXe siècle, la ville de Vichy resplendissait de tous ses feux
grâce à ses palaces ou ses casinos, aujourd'hui, le visage de l'hôtellerie n'est plus
le même. Des 9 hôtels 4 étoiles présents en 1947, il n'en reste plus actuellement que
2 qui ne sont d'ailleurs plus orientés vers la clientèle de cure. Depuis 1992, l'Alleti
Palace Hôtel a changé son fusil d'épaule. "Nous nous adressons majoritairement
à une clientèle d'affaires (75 % du trafic total). La clientèle touristique correspond
à un tiers du trafic tandis que la clientèle de cure est pratiquement inexistante (moins
de 2 %)", précise Daniel Contoux, directeur administratif. En fait, dans la
plupart des stations thermales, l'hôtellerie haut de gamme travaille sur un autre
créneau que le thermalisme. Le Domaine et le Château de Divonne, deux établissements
haut de gamme, ne fonctionnent pratiquement pas avec les curistes. "Nos chambres
sont trop chères pour un curiste qui cherche un hébergement pour une durée de trois
semaines, précise Sophie Paya. Ils préfèrent des hôtels 2 ou 3 étoiles ou des
résidences hôtelières mieux adaptées aux longs séjours." La résidence est
d'ailleurs l'hébergement élu par 70 % des curistes adeptes des stations de notre
groupe, révèle Sébastien Laurençon, directeur de la communication à la Chaîne
Thermale du Soleil. C'est une clientèle exigeante qui, parce qu'elle séjourne
longtemps au même endroit (18 à 21 jours), a besoin d'un maximum de confort à un prix
abordable." C'est pourquoi un bon nombre d'hôtels moyenne gamme ont entamé des
travaux de rénovation et de transformation. A noter que si l'environnement et la
configuration des lieux le permettent, on essaie de plus en plus de prévoir des hôtels
intégrés aux établissements thermaux.
Une hôtellerie situéesur le bon marché
L'hôtellerie est ainsi repensée en fonction des moyens du curiste et de la durée de sa
cure. "Nous travaillons énormément sur le confort : les hôtels anciens sont
rénovés, les volumes sont aménagés afin d'obtenir plus d'espaces, les équipements
(salles de bains, literies et rangements) sont modernisés et adaptés aux longs séjours,
explique Sébastien Laurençon. Les anomalies que l'on supporte durant une nuit
d'hôtel ne sont pas envisageables durant 21 jours." A Dax, pour capter la
clientèle de cure, les hôteliers ont choisi de mener une politique de prix bas. Selon
Philippe Souperon, directeur hôtelier du groupe Thermes Adour (société familiale
créée en 1965 qui possède des établissements thermaux, des hôtels et des
résidences), "si l'hôtellerie fonctionne bien à Dax, c'est que la pension est
bon marché". Devant l'évolution du profil de ses clients, le groupe a
récemment ouvert un établissement économique car "il en faut pour toutes les
bourses". D'autres établissements ont choisi carrément de transformer leur
hôtel en résidence hôtelière. L'Hôtel du Parc, situé à La Roche-Posay près de
Châtellerault, a tenté une reconversion afin de mieux répondre à sa clientèle
composée à la fois de curistes en séjours de longue durée et d'hommes d'affaires de
quelques jours à la recherche d'installations confortables et de chambres mieux
équipées.
Vers un nouveau thermalisme
La décision de la Sécurité sociale de réduire et de surveiller au plus près les
dépenses des assurés est tombée comme un couperet. Et même si la menace de
déremboursement n'a pas été exécutée, elle agit aujourd'hui comme une épée de
Damoclès sur la tête des stations. Celles qui marchent actuellement sont celles qui
jouent la carte de la séduction en proposant des activités ludiques, sportives,
culturelles ou gastronomiques. De nombreuses stations ont trouvé la parade et étoffent
leur offre à travers le développement des cures de remise en forme en courts séjours.
Les grandes sociétés de gestion des stations (Chaîne Thermale du Soleil, Villegiatherm,
Eurothermes) commercialisent ce type de prestations dans pratiquement tous leurs
établissements. Selon, Sébastien Laurençon, 90 % de la clientèle remise en forme est
hébergée à l'hôtel. Elle travaille ainsi directement avec les établissements thermaux
en proposant par exemple des forfaits combinant hébergement et prestation remise en
forme. "Ce nouveau produit permet en plus de capter une clientèle en basse
saison", ajoute Isabelle Rollin, responsable marketing et commercial chez
Villegiatherm. Mais l'innovation ne s'arrête pas là. En 1996, le groupe Thermes Adour a
décidé la construction de Calicia à Dax, un complexe de remise en forme qui comprend
notamment un hébergement hôtelier de 50 chambres et de 100 appartements. Le centre
ressemble à une véritable petite cité puisqu'il intègre une supérette, des bars, des
restaurants, une galerie marchande et des salles de réunions. La ferme thermale de Michel
Guérard à Eugénie-les-Bains et le centre Caldéa en Andorre font partie de ces nouveaux
complexes bâtis autour de l'eau et à la pointe de la modernité. Avec 25 à 30 % de
développement par an, la remise en forme devrait représenter une véritable bouffée
d'oxygène pour le thermalisme, quoique la concurrence de la thalassothérapie constitue
un obstacle de taille.
A. Vallée
Les trois premiers groupes gestionnaires des établissements thermauxLa Chaîne Thermale du Soleil Eurothermes Villégiatherm/Compagnie Européenne des Bains |
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L'HÔTELLERIE n° 2656 L'Hôtellerie Économie 9 Mars 2000