Attachés commerciaux en hôtellerie
Certains hôteliers ne sont pas encore persuadés du bien-fondé d'un attaché commercial. Bien souvent encore, dans de petites structures, ce rôle est assuré par le directeur lui-même, qui ne connaît pas forcément les astuces de la vente et les pièges à éviter. Mais souvent, il croit tellement en son produit qu'il vend à merveille. Cependant, tous ne sont pas forcément prêts à quitter leurs fourneaux ou leur bureau. Certains indépendants reconnaissent qu'ils adhèrent à une chaîne volontaire pour déléguer une mission qu'ils maîtrisent mal. La crise traversée par le secteur hôtelier a fait prendre conscience du rôle que les commerciaux peuvent jouer sur certains marchés. Depuis bien longtemps maintenant, les chaînes intégrées ont mis en place des structures organisées. Pour elles, le client est un bien trop précieux qui ne doit être confié qu'à un vrai professionnel. Et puis dans une chaîne, il y a en quelque sorte le client de la chaîne, attiré et rassuré par l'enseigne, et celui des hôtels, attiré et rassuré par la prestation. Voilà deux fichiers différents et complémentaires qui se traitent de manière distincte.
Les temps changent
"Vendre un hôtel n'est pas un exercice facile. Une chambre n'est pas un bien
palpable. Vous ne vendez que du rêve et de l'atmosphère, explique Alain Bompard,
ancien directeur régional d'une chaîne. La difficulté vient du fait que l'on ne peut
montrer que des textes, des prix et des photos. Le client est obligé de venir essayer au
moins une fois pour se rendre compte par lui-même. Le faire se déplacer est compliqué.
C'est pourquoi il apparaît souvent plus facile de vendre à distance un produit
standardisé, facile à décoder comme celui d'une chaîne, qu'un hôtel indépendant. De
plus, les commerciaux sont désormais divisés en deux clans un peu trop distincts : les
internes et les externes qui doivent travailler de concert." Les tâches sont
réparties et le commercial terrain, qui prospecte hors de l'hôtel, ne s'occupe que de la
prévente. Certains commerciaux ont d'ailleurs du mal à s'en remettre. "Notre
rôle est d'être rabatteur d'affaires. Ce qui se passe dans l'hôtel ne nous regarde
plus. Nous n'avons plus la satisfaction d'accueillir le client lorsqu'il passe la porte du
hall ni de le voir content quand s'achève son séjour à l'hôtel. C'est dommage",
se lamente Matthieu Robert, commercial sur la Côte Basque. La suppression de la valeur
relationnelle, dogme de cette profession axée autour du service, est le premier grand
chamboulement du métier de commercial. Cette "déshumanisation" de l'approche a
d'ailleurs fait le bonheur des sociétés de commercialisation. "L'efficacité
étant devenue le maître-mot, nous pouvons intervenir sans problème pour des opérations
coup de poing, ou pour défricher un marché en étant parachutés, explique Eric
Fiat, directeur d'Activ'Gestion. Les commerciaux sont de plus en plus en relation avec
un intermédiaire qui ne sera pas le client final. A partir du moment où vous savez
répondre à ses besoins, l'interlocuteur n'a que faire de savoir si vous êtes un
salarié de l'hôtel ou pas." En fait, l'un des nouveaux rôles du commercial est
de résoudre un paradoxe. Les entreprises ont cherché à négocier des accords globaux,
ce qui les a orientées indiscutablement vers les chaînes. Mais elles souhaitent
désormais une personnalisation des prestations. Satisfaire cette double exigence de prix
et de service est le pari à gagner pour le commercial qui devra rassurer le client sur la
fiabilité et la qualité de ce qu'il propose.
Sécuriser le client
La grande force d'un attaché commercial est désormais sa faculté d'écoute et
d'adaptation. Cet exercice n'a rien de spécifique à l'hôtellerie. Il s'agirait même
plutôt du b.a.ba du bon commercial. Mais il prend toute sa dimension quand un commercial
vend plusieurs hôtels différents, situés parfois dans des gammes variées et dans
plusieurs régions. Dans quelques grands groupes hôteliers, les commerciaux proposent
plusieurs chaînes, du 2 au 4 étoiles, en fonction de leurs prospects. Le fait d'être
multimarque leur permet de couvrir un plus grand nombre des besoins du client. "Quand
vous n'avez à proposer qu'un hôtel 4 étoiles, le choix est limité. Cela correspond ou
pas. Aucune alternative n'est possible", argumente Camille Locarte, passée
multimarque récemment. La difficulté réside dans le fait que les interlocuteurs sont
devenus de véritables professionnels qui ne se laissent pas berner ; il faut répondre
juste même si on vend 200 destinations. "Je connais toutes les marques du groupe
Accor et je sais quels types d'efforts ils peuvent faire s'ils veulent que j'héberge mes
collaborateurs chez eux", soutient le directeur commercial d'un grand laboratoire
de La Défense à Paris. "Nos commerciaux sont avant tout des
technico-commerciaux. Ils connaissent le métier et peuvent en parler", explique
Jean-Christophe Vittet, directeur commercial de Choice. Certaines directions commerciales
ont d'ailleurs dû revoir leurs copies. Elles avaient cru bien faire en embauchant des
caïds de la vente, issus d'autres secteurs d'activité. "Quand Accor a mis en
place sa nouvelle structure commerciale, nous étions sceptiques, explique Vanessa,
commerciale en Loire-Atlantique. Le groupe avait décidé de faire de nous une
référence en matière de commercialisation. Nous devions devenir les Rank Xerox de
l'hôtellerie. Mais vendre un hôtel n'a rien à voir avec la vente dans d'autres
secteurs." Une mauvaise connaissance du marché a fait passer certains chefs de
vente néophytes pour des bricoleurs sans talent.
Quand les chiffres font la loi
Si l'attaché commercial est déchargé d'une mission d'accueil, depuis ces dernières
années son rôle s'est complexifié. La notion de prix moyen chambre et de yield
management a fait ses débuts dans le jargon commercial. Il y a encore quelques années,
on demandait avant tout au commercial de remplir les unités. Désormais, il s'agit
d'obtenir des résultats probants en termes de rentabilité. Les départements commerciaux
sont également de plus en plus structurés. Le matériel informatique a fait son entrée
par la grande porte, alors qu'il y a peu de temps encore, les attachés commerciaux
travaillaient avec des fiches bristol. La remontée d'informations est désormais
essentielle, toujours dans l'optique de faire des propositions les plus adaptées. Les
contraintes aussi se sont développées. Le commercial ne prospecte plus au gré du vent.
Il bénéficie d'une moins grande liberté. Il est archi-surveillé. Reporting journalier,
nombre et qualité des contacts, nombre de contrats en attente, évaluation de la
profitabilité de chaque contrat potentiel... le commercial hôtelier s'est
professionnalisé en même temps que son métier est devenu de plus en plus technique. Les
vendeurs aguerris sont assez nombreux pour dire que "la meilleure école de vente,
c'est certainement celle de l'hôtellerie". Le métier est dur et c'est
d'ailleurs pour cette raison qu'il ne faut pas le négliger. Une chose à ne pas oublier :
le commercial n'est qu'une pièce du puzzle qui constitue la prestation hôtelière. Il
aura beau tout donner, si les autres services ne suivent pas, les clients ne reviendront
pas non plus.
M.-L. Estienne
Les commerciaux sont de plus en plus en relation avec un intermédiaire qui ne
sera pas le client final.
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L'HÔTELLERIE n° 2656 L'Hôtellerie Économie 9 Mars 2000