Salles de cinéma
Désormais on peut trouver à se rassasier dans tous les espaces susceptibles d'accueillir du monde. La rue, les magasins et les centres commerciaux, les aires d'autoroutes... Cinémas et restaurants font aussi partie de ces couples bien assortis. A Paris, quelques salles ont leur espace de restauration associé. A la manière des musées et des théâtres, ces cinémas proposent des petits plats dans un cadre souvent chaleureux et personnalisé. C'est le cas du Lucernaire dans le 6e arrondissement de Paris ou de L'Entrepôt dans le 14e. Or, depuis moins d'une dizaine d'années, à côté de ces endroits intimistes et atypiques, on peut aussi voir fleurir des enseignes multiples et variées, souvent des chaînes de restaurants, dans l'enceinte ou à proximité des nouveaux géants de l'image.
Cinéma et restauration ont toujours fait bon ménage
Si le cinéphage n'est pas forcément gastronome, il peut apprécier de trouver à manger
sur place. "Le cinéma représente pour notre établissement une manne de
clientèle, sans laquelle nous ne pourrions pas vivre", assure un restaurateur
marseillais situé à deux pas d'un cinéma. Pour le patron de la sandwicherie voisine,
c'est une bulle d'air qui permet d'arrondir les fins de mois. Selon le directeur d'un
cinéma dans le centre-ville de Lyon, le fast-food et le cinéma sont particulièrement
bien assortis. "Environ 15 % de notre clientèle du week-end est friande de
formules de restauration rapide." A noter que bien avant l'arrivée des multiplex
sur le marché, certaines enseignes comme Hippopotamus ou Quick proposaient des formules
incluant, par exemple, un menu et un film à prix unique. Mais la recette ne marche pas à
tous les coups et reste le plus souvent l'apanage des chaînes, les indépendants ayant
plus de difficultés à promouvoir la formule. En tout cas, cinémas et restaurants se
sont toujours côtoyés étant donné leur localisation au cur de la ville. Leur
mitoyenneté crée un effet stimulant pour l'un comme pour l'autre. L'arrivée des
multiplex en périphérie de ville va sans conteste modifier la donne. Mais cinéma et
restauration vont plus que jamais poursuivre leur chemin ensemble.
Avec l'apparition des multiplex au début des années 90, Pathé puis Gaumont, UGC et CGR
(Circuit Georges Raymond) s'exportent en périphérie de ville et deviennent gigantesques.
Le "Café ciné"
Ils peuvent réunir jusqu'à 22 salles (c'est le cas du projet UGC CinéCité à
Strasbourg) et proposent des services annexes adaptés aux nouvelles habitudes urbaines :
le "café ciné" est intégré aux nouvelles activités des cinémas et une
grande majorité d'UGC, de Gaumont ou de Pathé en possède désormais un. "Aujourd'hui,
on ne peut plus fonctionner en vase clos. Il faut être ouvert aux autres tendances du
marché", analyse un exploitant. Ces formules qui proposent boissons et sucreries
s'assimilent avant tout à du grignotage et sont bien loin des services de restauration
dits traditionnels ou rapides. Certains exploitants ont également tenté une expérience
en matière de restauration pure. La formule semble être une réussite pour le MK2 Quai
de Seine qui ne se considère d'ailleurs pas comme un multiplex quoiqu'il possède déjà
6 salles. Il est vrai que cet ensemble, installé dans les anciens bâtiments de
l'Exposition universelle de 1872, avec deux restaurants, le K et le Rendez-Vous des Quais,
sort complètement des sentiers battus. Les deux établissements, lancés en même temps
que les salles, sont uniques. Le cinéma, qui programme bon nombre de films d'art et
essai, s'adresse plus à des cinéphiles avertis qu'au grand public. L'UGC de Marseille
s'est également improvisé restaurateur, mais l'expérience s'est avérée décevante.
"Nous avons implanté notre propre formule, située sur un créneau traditionnel
moyenne gamme, dans le hall du cinéma. Mais le résultat n'a pas été concluant,
rapporte Antoine Mesnier, directeur adjoint du développement chez UGC. La restauration
est un métier qui ne s'improvise pas. En matière de gestion et de service, ça n'a rien
à voir avec notre propre savoir-faire." L'idéal est de travailler avec les
professionnels. UGC l'a compris et s'est ainsi associé à la chaîne de restauration
rapide Toastissimo sur 4 sites à travers des contrats de franchise et a développé une
entente avec Lina's Sandwich sur le site des Halles à Paris. Chacune de ces enseignes est
implantée dans les locaux de l'exploitant. D'autres accords de ce genre ont été
développés entre des sociétés propriétaires de cinémas et des chaînes de
restaurants (Pizza Del Arte et Hippopotamus au centre-ville de Troyes, par exemple).
Une indispensable complémentarité
Toutefois dans la grande majorité des cas, il n'existe aucun accord particulier entre les
deux parties. "En fait, nous avons rarement la maîtrise des restaurants qui
avoisinent notre site", regrette-t-on chez UGC. Les enseignes de chaînes sont de
ferventes partisanes de leur indépendance et préfèrent souvent fonctionner de manière
autonome dans leur propre bâtiment, en bordure du parking du cinéma. En attendant, si
multiplex et restaurants ne se côtoient qu'à travers des rapports de bon voisinage, leur
combinaison n'en demeure pas moins indispensable. "Quand il n'y a pas de quoi se
restaurer dans nos locaux, il faut au moins des enseignes autour, assure Antoine
Mesnier. S'il y a un élément à associer au cinéma, c'est bien la restauration."
Ainsi, à Ludres au sud de Nancy, l'UGC CinéCité est totalement isolé sans aucune
enseigne environnante. Or, bien que l'emplacement soit bien choisi, il manque une offre en
matière de restauration qui créerait un effet stimulant et drainerait une clientèle
supplémentaire non négligeable. Chez Gaumont, on a aussi conscience de l'importance de
l'environnement : "Le ciné café ne peut se substituer aux bars et aux
restaurants. Au contraire, sur plusieurs de nos sites, on encourage l'installation à
proximité de formules de restauration." Mais selon Jean-Yves Rabet, responsable
du développement chez Gaumont, "si la restauration recherche souvent la
proximité d'un cinéma, la réciproque n'est pas évidente".
Une implantation à étudier au préalable
Il est vrai que la plupart des enseignes voient dans la proximité de ces gros navires une
opportunité inouïe. En 1999, la clientèle générée par ces nouveaux temples du
cinéma est estimée à plus de 43 millions d'entrées de salles, soit 28 % du nombre
total d'entrées dans les cinémas en France. Par ailleurs, le nombre de multiplex est en
évolution constante avec, en 1999, 65 sites contre 45 en 1998, soit une embellie de près
de 45 % en un an. Cependant, les chaînes quelles qu'elles soient ne se ruent pas
aveuglément sur ces sites nouvelle tendance. Selon André Motte, directeur général chez
Courtepaille, "la seule proximité d'un multiplex ne suffit pas. Il faut que le
site engendre la venue de plusieurs segments de clientèles". Le multiplex
génère 15 à 20 % de clientèle supplémentaire. En aucun cas il ne peut se suffire à
lui-même. Pierre Cassagne, directeur général chez Hippopotamus, va plus loin : "La
présence d'un cinéma n'est pas la panacée. Une étude de marché s'impose avant toute
implantation éventuelle." Enfin, la présence de plusieurs formules de
restauration sur un site est souvent bien accueillie. "Nous serons plus attirés
par un lieu qui propose une très grande diversité en matière d'offre qu'un lieu qui
nous assure le monopole." Plus les formules sont variées et plus l'attractivité
du site sera renforcée. L'idéal pour l'enseigne Courtepaille est qu'un terrain réunisse
à la fois une brasserie, un restaurant de poissons, un grill et un restaurant rapide. En
attendant, l'arrivée d'un multiplex et de ses formules de restauration au pôle marine de
Dunkerque ne fait pas l'unanimité, surtout parmi les restaurateurs déjà installés, qui
envisagent cette nouvelle concurrence avec inquiétude.
A. Vallée
Source : Ecran Total
Source : Ecran Total
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L'HÔTELLERIE n° 2656 L'Hôtellerie Économie 9 Mars 2000