Professeur d'école hôtelière
Régulièrement controversé par la profession, le corps enseignant forme chaque année toujours plus de jeunes diplômés pour assurer la relève. Mais compte tenu des difficultés de recrutement des CHR, les formations hôtelières initiales font souvent les frais de cette situation.
Gaëlle Marquet
Le président d'un groupement de restaurateurs explique : "Trouver des apprentis en restauration, c'est difficile car nous sommes dans une période de loisirs et que notre métier c'est tout le contraire. En fait, les entreprises attirent les apprentis qu'elles méritent. Bien souvent, les apprentis jouent le rôle d'un salarié, mais leur employeur ne joue pas bien son rôle de tuteur." Ce témoignage est révélateur du malaise que connaît actuellement le milieu des CHR. Quel restaurateur ne se plaint pas de la difficulté de trouver du personnel satisfaisant ? Il est vrai que le métier souffre d'une mauvaise image : contraintes horaires pesantes, rémunération... Les premières victimes de cette démotivation semblent être les jeunes, qui ont choisi un métier sans en connaître les réalités. "Le problème, c'est de trouver la motivation à la base, chez les apprentis et les commis de cuisine. Dès qu'ils ont passé le cap, ils savent ce qu'ils veulent faire et ont un but", constate cet autre restaurateur. L'école et les professeurs sont bien souvent placés sur le banc des accusés, comme s'ils étaient les seules causes de la pénurie de personnel motivé. La polémique fait rage, due le plus souvent à une méconnaissance du système d'enseignement par les professionnels.
Place des professionnels
Aujourd'hui la problématique des formations hôtelières initiales est de savoir s'il
faut faire appel à des professionnels pour enseigner ou à de jeunes diplômés de l'IUFM
(Institut universitaire de formation des maîtres). Dans la réalité, la réponse n'est
pas si simple car chacun pense que l'on trouve de bons enseignants dans les deux camps.
Tout d'abord, il faut savoir que "le contenu des programmes qui sont enseignés
dans les écoles hôtelières est négocié au plan national en commission paritaire où
siègent 50 % de membres de la profession. Il existe bel et bien un échange ; les
professionnels ne sont pas exclus du système scolaire", explique Agnès Vaffier,
proviseur du lycée François Rabelais près de Lyon et vice-présidente de l'Association
des lycées hôteliers. Sur l'élaboration de ces programmes, ils s'accordent d'ailleurs
tous pour dire que dans l'hôtellerie-restauration il y a des bases comme le découpage
des viandes ou le flambage qu'il ne faut surtout pas supprimer de l'enseignement. Ces
techniques ont pratiquement disparu mais elles font partie de la tradition française.
Parallèlement, les programmes sont régulièrement rénovés. Cela passe, entre autres,
par plus de semaines en entreprise, des méthodes d'évaluation nouvelles... Par ailleurs,
les élèves ont évolué. On dit qu'aujourd'hui les jeunes sont moins motivés qu'il y a
10 ou 20 ans. Ceux qui choisissent ce métier par vocation apparaissent comme étant de
plus en plus rares. "J'ai vu certains de mes élèves choisir
l'hôtellerie-restauration faute de mieux ; parce que la mécanique ou la plomberie ne
leur plaisait pas !", s'exclame ce proviseur. Ils sont également moins dociles
qu'avant. De ce fait, le phénomène de groupe est davantage perceptible, en cours
notamment. Bien que les problèmes de discipline ne soient pas plus nombreux qu'autrefois,
il est clair qu'aujourd'hui les élèves sont moins réceptifs à la discipline et à la
rigueur. Autrement dit, l'enseignement très strict des écoles hôtelières d'antan ne
porte plus vraiment ses fruits aujourd'hui.
Nouvelle génération de professeurs
Le corps enseignant a également changé. Si autrefois justifier d'une certaine
expérience professionnelle suffisait pour devenir professeur technique d'école
hôtelière, il n'en est plus de même depuis 1991. Non seulement le niveau du concours
s'est élevé sur le plan de l'enseignement général (gestion, économie, langues
étrangères), mais les conditions d'inscription sont draconiennes. Il y a trois
possibilités pour devenir candidat à l'enseignement :
w être titulaire d'un BTS hôtellerie-restauration et
justifier d'une expérience professionnelle d'au moins 5 ans,
w être titulaire d'une licence ou d'une maîtrise en
hôtellerie-restauration,
w avoir été cadre dans l'hôtellerie pendant 5 ans
minimum.
Depuis la réforme d'accès aux carrières d'enseignant technique, on trouve donc deux
générations d'enseignants dans les matières hôtelières : les anciens et les jeunes
diplômés. Les premiers sont d'anciens professionnels reconvertis dans l'enseignement par
goût et qui ont appris à enseigner sur le tas. Ce sont généralement des professeurs
exigeants qui se comportent avec leurs élèves comme des patrons. "Certains
anciens professeurs ont parfois du mal à comprendre que les jeunes ont changé et qu'ils
acceptent moins bien qu'eux au même âge la discipline et la rigueur", constate
un proviseur de lycée hôtelier. Face à eux, on trouve de jeunes profs. Tous frais
sortis de l'IUFM, ils ont généralement une expérience professionnelle très courte.
Certains n'ont même approché la profession qu'au travers d'extras ou de brefs stages au
cours de leurs études. Une partie d'entre eux avoue être venue au professorat pour avoir
une meilleure qualité de vie. En tout cas, ces nouveaux enseignants ont appris de
nouvelles méthodes pédagogiques, ce qui leur permet d'enseigner avec un peu plus de
mansuétude. "Dans l'ensemble, la cohabitation de ces deux générations de
professeurs se passe bien. Ces deux méthodes d'enseignement se complètent",
analyse Colette Bierry, proviseur de l'école hôtelière de Strasbourg.
Il est sûr que l'enseignement gagnerait à mieux expliquer son fonctionnement pour être
un peu moins la cible de détracteurs, tant chez les professionnels que les parents et les
élèves eux-mêmes.
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L'HÔTELLERIE n° 2657 Spécial Formation 16 Mars 2000