En 1968, Jean-Marie Grouard entrait à l'hôtel Hilton à Paris, avenue de Suffren, à peine 2 ans après son ouverture. C'était son premier poste. Trente années ont passé et aujourd'hui, il dirige le Drake hotel à Chicago. Un parcours riche d'enseignements.
"Le plus difficile, c'est d'appréhender la dimension humaine et sociale quand on arrive d'un autre pays".
Ceux qui ont connu Jean-Marie Grouard quand il a débuté chez Hilton, se souviennent du jeune homme attentif, précis, incisif, serein et souriant. Un il sur tout, une analyse pointue, juste. Un parcours d'analyste puisqu'il occupera les postes de food and beverage controler, d'analyst, de food and beverage supervisor avant de décider de prendre son envol et de quitter Hilton, tout Hiltonnien qu'il était, pour rejoindre un certain Jacques Borel qui se lançait alors dans l'hôtellerie et avait besoin de constituer des équipes de choc. C'est ainsi que Jean-Marie Grouard a participé à l'ouverture du Sofitel Roissy en 1973 au poste de directeur de la restauration.
Arabie Saoudite, Tunisie, Québec
Deux ans plus tard, il rejoint Inter-Continental mais un contretemps modifie le plan de
carrière que lui avait proposé la chaîne : alors qu'il devait prendre la sous-direction
de l'hôtel parisien, il part en Arabie Saoudite. Il y dirigera trois ans durant "un
hôtel de folie", se plaît-il à expliquer. Et de s'adapter à cette nouvelle
vie... Un monde bien différent de celui dans lequel il avait évolué à Paris, c'est sa
première expérience d'expatrié, il apprendra beaucoup. Il attendra dix années avant de
revenir chez Hilton où, Pierre-René Jaquillard, le président, choisit alors de
l'envoyer diriger le Hilton de Tunis. Suivront d'autres postes de direction très
différents, un retour en Arabie Saoudite, puis au Québec Hilton, au New York Vista,
Windows on the World, Boston, Minneapolis pour arriver, toujours fidèle à la chaîne
Hilton International, à la direction générale du Drake hotel à Chicago, le plus
mythique hôtel de la capitale du Midwest.
C'est un établissement de 540 chambres que Jean-Marie Grouard dirige depuis septembre
dernier, 630 salariés, une restauration très lourde puisqu'il réalise par an un chiffre
d'affaires de 23 M$. Il vient d'être nommé vice-président Hilton International pour
l'Amérique du Nord et garde la direction générale du Drake. Très beau parcours.
Dimension sociale
Déménagements, réadaptation, sont autant d'étapes que Jean-Marie Grouard a vécues au
fil du temps avec une certaine sérénité. "Le plus difficile en tant que
directeur quand on change de pays, c'est d'appréhender la dimension des relations
sociales au sein de l'établissement que l'on va diriger comme au sein du pays dans lequel
on arrive". "Le reste est simple, on possède les mécanismes, le
positionnement d'un hôtel est toujours clair à déterminer sur son marché, quel que
soit le pays mais les lois sociales, c'est ce qui est le plus compliqué à dominer parce
que c'est ce qui diffère le plus d'un pays à un autre. Or c'est le dossier qui
conditionne la bonne marche des équipes, donc les performances de l'entreprise."
Et Jean-Marie Grouard d'expliquer la grande différence entre la France et les Etats-Unis
: "En France, le syndicat, c'est l'Etat puisque c'est lui qui détermine, qui
impose, qui contrôle les règles en matière d'organisation du travail.
On n'a aucun moyen de négocier avec lui, tant collectivement que par entreprise, il a
tous les pouvoirs, il fait voter les lois par des députés pas forcément concernés par
la réalité des entreprises ou il impose par décret.
Ici, aux Etats-Unis, c'est par hôtel que nous avons des syndicats, les responsables sont
là en face de nous. C'est beaucoup plus clair à appréhender même si ça n'est pas
forcément plus évident de négocier. Mais, quand un accord est conclu, c'est le syndicat
qui le fait respecter. Tout est clair. C'est un autre type de rapport de force dans lequel
l'Etat n'a pas sa place."
Pénurie de main-d'uvre
L'hôtellerie américaine, florissante, rencontre aujourd'hui davantage de difficultés à
recruter son personnel qu'à trouver des clients ! Dans certaines villes, la situation est
absolument dramatique. "A Minneapolis, on ne trouve plus personne et pourtant les
rémunérations ne cessent de grimper", explique Jean-Marie Grouard. C'est le
recrutement des cadres qui pose le plus gros problème. La raison d'une telle situation ? "Nous
avons ces dernières années considérablement augmenté le parc hôtelier dans les grands
centres américains et canadiens, le personnel n'a pas suivi, il n'y en a pas pour tout le
monde !" Conséquence de cette pénurie : "Nous commençons à faire
venir du personnel qualifié d'autres pays et en outre ces dernières années, les niveaux
de rémunération ont connu une inflation sans précédent, ce qui, à terme, ne sera pas
sans avoir de réelles conséquences sur les comptes de résultats des hôtels !"
Et la France ?
Une situation que l'hôtellerie n'est pas seule à connaître, de très nombreux secteurs
économiques affichant la même inquiétude. Jean-Marie Grouard garde confiance, il est
serein, c'est un problème pour lequel il trouvera les solutions au fur et à mesure, le
business est bon alors le reste...
Vingt années passées hors de France, vingt années au cours desquelles il a fait sa vie,
autrement, ses enfants sont installés aux Etats-Unis, lui s'y trouve chez lu, alors
revenir en France n'a pour lui rien d'une perspective séduisante, même s'il reconnaît y
aller très souvent : il aime s'y retrouver, au milieu de sa famille, de ses amis, dans sa
maison du Luberon.
"La vie y est très agréable, mais pour travailler c'est une autre chose",
et puis se réadapter à un environnement social aussi différent que celui dans lequel il
évolue depuis plus de dix ans maintenant n'est pas une perspective qui l'enchante.
P. Alexandre Le Naour
The Drake
140 East Walton Place
Chicago IL.60611
Fax: 00 1 312 787 22 00
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L'HÔTELLERIE n° 2657 Spécial Formation 16 Mars 2000