Maître d'hôtel
Qu'est-ce que la meilleure des cuisines si elle est mal servie ? Des mets somptueux auraient-ils le même succès sans un service de qualité ? C'est de la responsabilité du maître d'hôtel que de veiller à cette réussite. Sa plus grande force, ce sont les liens tissés avec la clientèle. Elle revient aussi pour lui.
Nadine Lemoine
Jean-Marie Ancher, en poste chez Taillevent à
Paris, se rappelle avec une émotion contenue : "Je me souviendrais toujours du
jour où M. Vrinat m'a proposé de devenir maître d'hôtel." Endosser
enfin la veste noire, pour celui qui était entré dans cette grande maison comme commis
à 16 ans, cela relevait du rêve inaccessible. Aujourd'hui, après 25 ans de fidélité,
il est désormais premier maître d'hôtel et règne sur cette salle, ce domaine qu'il
connaît sur le bout des doigts. "C'est un passionné. Il est fou de son métier,
dit Michel del Burgo. Je reconnais que j'ai beaucoup de chance de travailler avec
quelqu'un comme lui." Hommage d'un jeune chef qui sait que cette fructueuse
collaboration est un sérieux plus pour sa cuisine et que le travail en salle est une mise
en valeur dont un établissement ne peut se passer.
C'est un métier qui demande une connaissance parfaite du travail en salle, du dynamisme,
de l'autorité et de la psychologie. Sans oublier une bonne condition physique. "On
voit beaucoup de monde, on côtoie des gens de tous les milieux, du milliardaire au client
qui a économisé pour venir se faire plaisir chez nous, dit Jean-Marie Ancher. C'est
très enrichissant au niveau personnel." Petit tour d'horizon du métier.
Ses responsabilités
Véritable chef d'équipe, le maître d'hôtel organise, coordonne et supervise le travail
des chefs de rang et des commis pour le secteur dont il est responsable. Veiller au bon
déroulement du service et à la satisfaction des clients, c'est sa mission. Son service
commence par la vérification de la mise en place et il s'assure que tout le personnel est
fin prêt pour l'arrivée de la clientèle. Le maître d'hôtel s'occupe de l'accueil des
clients et les conduit à leur table. Il prend la commande et prodigue des conseils en
matière de choix des plats et des vins. "C'est lui qui fait la recette de
l'établissement, explique Christian Ferret, ex-maître d'hôtel et aujourd'hui
enseignant au lycée professionnel hôtelier Auguste Escoffier d'Eragny/Oise *. Il doit
maîtriser la psychologie de la clientèle pour être un bon vendeur : c'est celui qui
vend utilement, qui vend le produit que le client a envie de consommer tout en le
surprenant. Il ne faut pas aller non plus au-delà du budget que le client s'est
fixé." Un client heureux est un client qui revient...
Au cours du service, il veille à ce que tout se passe bien et répond rapidement aux
demandes des clients. Le maître d'hôtel véhicule l'image d'un établissement. Il est en
quelque sorte responsable des relations publiques et un service impeccable, c'est aussi
s'assurer que les clients non seulement apprécient le contenu de leur assiette mais aussi
l'ambiance qui règne dans l'établissement. Véritable animateur de salle, il peut aussi
effectuer des préparations : filetages, découpages et flambages. C'est un vrai spectacle
et il semblerait que l'on ressente ces derniers temps un renouveau de ces pratiques en
salle qui avaient tendance à disparaître. Un plus qui plaît à la clientèle. Puis, le
service fini, le maître d'hôtel vérifie la préparation de la salle pour le service
suivant.
Le premier maître d'hôtel règne sur la salle et supervise lui-même le travail des
maîtres d'hôtel. Responsable du personnel, le recrutement, la formation comme les
promotions lui incombent. Il gère aussi bien les plannings du personnel que les
réservations ou la réalisation du plan de table. "Je prends des notes manuelles
concernant chaque client que je reporte ensuite sur ordinateur : sa table favorite, ses
habitudes, etc. Lorsque je retrouve le nom sur les réservations, je consulte mon
ordinateur pour l'accueillir au mieux", explique Jean-Marie Ancher.
Ses qualités
Aimer faire plaisir, c'est peut-être la qualité première d'un bon maître d'hôtel. Une
qualité que l'on possède dès le départ. "En 25 ans de carrière, j'ai pris
beaucoup de plaisir et j'en ai donné beaucoup aussi. On fidélise une clientèle par
l'honnêteté. Les clients voient quand c'est sincère. Alors la relation maître
d'hôtel-client change. On se rapproche des gens", raconte Jean-Marie Ancher dans
un sourire qui en dit long sur son attachement à ce métier.
Pour faire plaisir à ses clients, il faut également posséder une bonne qualité
d'écoute. Ce talent, souvent fruit de l'expérience, permet de déceler les attentes de
la clientèle. "Il faut toujours être à l'écoute", ajoute Jean-Mari
Ancher. Il faut non seulement prendre en compte ce qu'il dit ou laisse entendre mais aussi
ce que dénote son attitude. Cette observation attentive du client (la façon dont il
s'exprime, ses gestes, son âge, ses origines, est-ce un repas d'affaires ?) permet de
recueillir des informations pleines d'enseignements sur la conduite à tenir et les
propositions adéquates qu'il convient d'envisager.
Le maître d'hôtel se doit d'être un fin psychologue pour répondre vite et bien aux
attentes des convives. Etre psychologue et diplomate lorsqu'il s'agit d'établir des plans
de table : deux patrons rivaux en pleine OPA ne tiennent sûrement pas à se côtoyer.
Aussi, se tenir au courant de l'actualité et des liens ou relations que ses clients
entretiennent sauve bien souvent le maître d'hôtel de situations fort embarrassantes.
On ne peut pas non plus faire l'impasse sur les qualités relationnelles. Le sens du
contact est essentiel afin de mettre à l'aise les clients et les mettre en confiance.
Cela permet au maître d'hôtel de remplir dans les meilleures conditions sa mission de
conseiller et de vendeur.
"Il faut avoir une présentation impeccable, rappelle Jean-Marie Ancher. La
politesse, la rigueur, la ponctualité, la patience et l'humilité sont des qualités
importantes dans ce métier. Il faut aussi être maniaque et consciencieux..."
Quant au savoir-faire technique, entre les défenseurs de la tradition qui déplorent la
"mise au placard", voire l'oubli des techniques de découpage ou de flambage, et
ceux qui considèrent que l'enseignement aux jeunes de ces techniques est du temps perdu,
deux écoles s'affrontent. Au fond, chacun exprime ses besoins et les élèves qui
souhaitent à terme devenir maître d'hôtel doivent déterminer dans quel type
d'établissement ils envisagent de faire carrière. D'une maison à l'autre, les fonctions
qui recouvrent le titre de maître d'hôtel varient fortement : les responsabilités
confiées, gestion ou non du personnel, travail technique devant la clientèle ou
exclusivement service à l'assiette... Les différences sont telles qu'il est vivement
conseillé d'examiner attentivement ce que l'on attend de vous.
Une qualité que l'on exigera sans nul doute, c'est la maîtrise des langues étrangères.
Deux langues au moins. Et la tendance devrait monter la barre un peu plus au fil du
temps...
Rémunération, turnover et évolution
Les maîtres d'hôtel sont rémunérés soit au fixe, soit au service, c'est-à-dire par
répartition d'une partie du chiffre d'affaires (on parle communément des 15 % de
service) selon l'ancienneté et le grade. Selon le type d'établissement, les
rémunérations varient du simple au double. A titre indicatif, un maître d'hôtel gagne
entre 10 000 et 16 000 F bruts. Sans compter les pourboires. Dans les restaurants
étoilés, la rémunération peut atteindre les 25 000 F. Chez Taillevent, par exemple,
les maîtres d'hôtel, rémunérés au service, perçoivent chaque mois entre 17 000 et 23
000 F bruts. "Ces salaires confortables font accepter les horaires, confie
Jean-Marie Ancher. Je pense que ceux qui sont mensualisés gagnent moins."
"Dans les années 60/70, on faisait peu de maisons. Puis vers la fin de ces
années-là, on a commencé à bouger pour se faire une carte de visite, se souvient
Christian Ferret. Aujourd'hui, rester deux ans dans une maison, c'est beaucoup."
Acquérir de l'expérience dans différents types d'établissements, afficher sur son CV
un parcours mobile et varié pour justifier d'un professionnalisme sans faille et ainsi
gravir petit à petit les échelons, c'est la motivation d'un grand nombre de maîtres
d'hôtel. La période de mobilité intense n'a qu'un temps. A l'approche de la
quarantaine, il semble que les choses se calment. Non seulement les maîtres d'hôtel ont
souvent trouvé la maison qui leur convient, mais ils aspirent à plus de stabilité.
Famille oblige. Le turnover est alors plus faible.
Le maître d'hôtel, qui aura éventuellement accédé au poste de premier maître
d'hôtel, peut espérer décrocher un poste de direction dans la restauration
traditionnelle, comme de chaîne. Directeur de la restauration, directeur des banquets,
voire directeur d'établissement, sont des postes accessibles. Certains optent pour la
gérance d'un café-brasserie, d'autres créent leur propre entreprise.
* Christian Ferret a publié deux ouvrages de référence :
Connaissances et techniques de restaurant et Savoirs et techniques de
restaurant aux Editions BPI.
* 9 h 30-10 h ........... | gestion du personnel | |
---|---|---|
* 10 h-11 h 30 ......... vérification des réservations, préparation des menus | ||
pour les réceptions, gestion des salaires, etc. | ||
* 11 h 30-11 h 45 .... | repas | |
* 11 h 45-12 h ......... | vérification de la mise en place et du plan de table | |
* 12 h-16 h .............. | service en salle sans interruption | |
* 16 h-16 h 30 ......... signature du courrier | ||
* 16 h 30-18 h 30 .... | coupure | |
* 18 h 30-19 h 15 .... | vérification des réservations, de la mise en place et du plan de table | |
* 19 h 15-1 h ........... | service |
(1) Ouvert 5 jours sur 7. Le restaurant Taillevent, 3 * Michelin, est fermé le week-end.
Diplômes
Un bac pro restauration ou un bac technologique hôtellerie sont un bon départ pour
accéder à terme au poste de maître d'hôtel. "Avec un BTS
hôtellerie-restauration, on peut passer maître d'hôtel plus rapidement, en cinq ans, dit
Christian Ferret. Si on quitte l'école en BEP ou en CAP, tout est encore possible.
Rien n'est fermé à personne." Mais il ne faut pas se leurrer. Il faudra alors
plus de temps pour grimper les échelons et beaucoup de pugnacité pour continuer à se
former. La clé, c'est la formation continue.
Formation continue
Cours de langues étrangères, cours d'oenologie, de gestion ou d'informatique... sont
les domaines étudiés en priorité par les maîtres d'hôtel et ceux qui aspirent
à le devenir très rapidement. Si vous souhaitez à votre tour trouver des stages ou des
formations pour vous former ou vous perfectionner, voici quelques adresses utiles :
n AFPA
Association nationale pour la formation professionnelle des adultes. L'AFPA dispose de 190
sites d'information et de 262 lieux de formation sur tout le territoire. Sous la tutelle
du ministère de l'Emploi et de la Solidarité, cet organisme propose des stages de
formation qui peuvent bénéficier d'une prise en charge. Une douzaine de formations en
hôtellerie-restauration sont proposées, dont un stage de responsable en restauration.
Pour plus de renseignements : minitel : 3614 AFPA et site Internet : www.afpa.fr
n Asforest
Augmenter les ventes, manager et motiver son équipe, à savoir gérer les réclamations
clients ou mieux connaître le vin, l'Asforest propose des stages très intéressants non
seulement pour les maîtres d'hôtel mais aussi pour tous les professionnels. Ce sont des
stages de courte durée.
n Asforest :
4, rue de Gramont - Tél. : 01 42 96 09 27.
Les offres de formation sont aussi disponibles sur le site Internet : www.snrlh.fr
n Centre INFFO
Centre pour le développement de l'information sur la formation permanente, il vous
propose un service téléphonique, un serveur minitel et une documentation (sur place)
présentant les offres de formation et de stage au niveau national.
n Centre INFFO : Tour Europe, 92049
Paris La Défense
Tél. : 01 41 25 22 22 (9 h-12 h 13 h 40-17 h)
Minitel : 3615 INFFO
n Fafih
Stages en nologie, en langues étrangères et en informatique sont très
appréciés des maîtres d'hôtel.
Le Fafih, Fonds national d'assurance-formation de l'industrie hôtelière, peut prendre en
charge tout ou une partie du financement des formations destinées aussi bien aux
employés qu'aux employeurs. Nous vous conseillons de contacter la délégation du Fafih
de votre région qui vous informera de la marche à suivre et des formations les plus
intéressantes pour vous. De plus, sur simple demande, le Fafih vous fournit le
répertoire des centres de formation 2000. Pour obtenir les coordonnées de la
délégation de votre région et la brochure, contactez le siège du Fafih :
n Service communication, 3, rue de la
Ville L'Evêque,
75008 Paris. Tél. : 01 40 17 20 20. Pour les branchés du web, sur le site www.fafih.com,
vous trouverez les e-mails de chaque délégation pour une demande en direct.
n Gretas
Dans toute la France, l'Education nationale propose des stages et formations aux salariés
et employeurs dans le cadre de la formation continue. Les cours sont organisés par les
Gretas, doux nom qui désigne un regroupement de lycées et CFA mettant en commun leur
savoir-faire, leurs enseignants et leurs locaux. Les stages et formations dans le secteur
de l'hôtellerie-restauration sont particulièrement nombreux. Vous pouvez relancer vos
études en passant des diplômes ou vous perfectionner par le biais de stages. Quant au
financement, ce n'est pas gratuit, n'hésitez pas à soulever la question avec vos
interlocuteurs du Greta qui vous conseilleront pour une éventuelle prise en charge.
Pour vous aider dans votre projet et vous orienter vers le Greta qui dispense la formation
que vous recherchez, adressez-vous aux Dafco (délégations académiques à la formation
continue) qui sont au nombre d'une trentaine en France.
l Dafco
Paris : permanence téléphonique de 9 h 30 à 12 h au 01 40 46 23 71. Versailles : 01 30
83 48 70
l Lyon : 04
72 19 80 80
l
Aix-Marseille : 04 42 93 88 60
l
Bordeaux : 05 56 84 41 00
l Dijon
: 03 80 52 03 52
l Rennes :
02 99 25 11 60
l
Strasbourg : 03 88 23 36 00
l Lille
: 03 20 12 14 14
Coordonnées intégrales sur minitel : 3615 Edutel et sur Internet : www.education.gouv.fr
Jean-Marie Ancher «On voit beaucoup de monde. On
côtoie des gens de tous les milieux. C'est un métier très enrichissant au niveau
personnel.»
1 Le maître d'hôtel vérifie les réservations. |
2 Gestion, plans de table : l'usage de l'ordinateur s'impose de plus en plus. |
3 Vérifier la mise en place avant chaque service afin que tout soit parfait. Le maître d'hôtel doit avoir l'il sur tout. |
4 La carte n'a aucun secret pour lui. Il conseille les clients et joue son rôle de commercial.
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L'HÔTELLERIE n° 2657 Spécial Formation 16 Mars 2000