Ils étaient des milliers à
attendre jeudi soir, devant leur poste de télévision, persuadés qu'ils allaient enfin
apprendre que le Premier ministre les avait entendus, eux, les restaurateurs, qui depuis
plusieurs années maintenant cherchent à faire comprendre leur désarroi, à faire
prendre en compte leurs revendications.
De baisse de la TVA sur la restauration pourtant, les politiques osaient parler depuis
plusieurs mois, l'opposition à l'Assemblée nationale oubliait que c'était elle qui
avait décidé de remonter le taux de deux points en 1995, que c'était toujours elle qui,
sous prétexte de réglementation européenne, s'était toujours interdit d'envisager un
régime spécifique à la restauration. Laurent Fabius, du haut du perchoir comme des
appartements feutrés de l'Hôtel de Lassay, ne ratait pas une occasion de rappeler
l'urgence d'un abaissement du taux de la TVA sur la restauration. Pourtant fort accaparée
par le si lourd dossier de la loi sur les 35 heures, Martine Aubry se disait elle aussi
favorable - alors que personne ne lui demandait son avis sur la question - à
l'application du taux réduit pour la restauration et, voici quelques jours, la
secrétaire d'Etat au Tourisme, Michelle Demessine, profitait de la tribune qui lui était
offerte au congrès de la Confédération à Evreux pour rassurer les restaurateurs sur le
dossier, certifiant qu'au-delà du Parlement, leur revendication était aujourd'hui
entendue d'une oreille attentive jusqu'au niveau le plus élevé du gouvernement. Les
restaurateurs reprenaient enfin espoir et se plaisaient à imaginer un avenir plus serein
pour leurs entreprises. Ils allaient enfin pouvoir satisfaire les attentes de leur
personnel en matière de réduction du temps de travail comme les attentes de leur
clientèle en matière de service. N'avaient-ils pas reçu un courrier d'André Daguin
dans lequel le président de l'UMIH affirmait avoir "de bonnes raisons de penser
que la demande d'un taux de TVA réduit en restauration servie à table soit reçue
favorablement par nos gouvernants", et de demander aux professionnels de
s'engager sur une contrepartie : embauche, baisse des tarifs, investissement ou
reconstitution des marges. Autant dire que d'un coup, l'avenir sous un ciel azuré leur
semblait assuré. C'était sans compter sur l'ambiguïté du discours politique dont le
moteur est davantage la satisfaction d'ambitions personnelles que la satisfaction de
besoins collectifs. De baisse de TVA il fut certes question avec un abaissement d'un point
pour le taux normal, mais de spécificité de la restauration, personne n'en entendit
parler. Ce point ne changera rien aux problèmes que rencontre le secteur, encore moins
aux problèmes que rencontrent les petites entreprises. Le Premier ministre a refusé
d'entendre les professions de main-d'uvre et de définir enfin pour elles une
politique qui favoriserait le travail au lieu de le pénaliser. Les restaurateurs sont en
colère, on s'est moqué, on ne les a pas reconnus, ils ne demandaient pas l'aumône. Le
Premier ministre n'a retenu que les revendications des enseignants et de l'administration
des finances. Doit-on comprendre qu'il ne sait entendre que les voix de ceux qui
descendent dans la rue ? Une qualité d'écoute qui ne laisse pas vraiment augurer d'un
mode de gouvernement bien clairvoyant. Gouverner au rythme des clameurs de la rue n'a
jamais conduit aucune démocratie à un avenir heureux.
PAF
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L'HÔTELLERIE n° 2658 Hebdo 23 mars 2000