Blois
Ouvert par une association baptisée Paradoxe, ce restaurant d'insertion revendique le titre de restaurant à part entière.
Vue de l'extérieur, La Tablette, installé dans un café réhabilité proche de l'ancienne chocolaterie Poulain de Blois, est un restaurant comme les autres avec son plat du jour à 55 francs, ses menus à 75 et 95 francs. Et pourtant, ce restaurant a été ouvert par une association, Paradoxe, qui a choisi la voie du commerce pour réinsérer des personnes en grandes difficultés. "Il nous a semblé, explique Joël Lair, vice-président de Paradoxe, que la restauration permettait d'insérer des individus en étant le plus proche possible de la réalité : nous proposons du vrai travail, pas des emplois fictifs, à des personnes qui ont connu des parcours difficiles." Au total 700 000 francs ont été investis grâce à l'aide du fonds national d'aménagement du territoire et au soutien de la ville de Blois, du conseil général mais aussi de la DDASS, de la protection judiciaire de la jeunesse et des fondations Auchan et Vivendi. De son côté, la direction du Travail intervient en finançant trois postes à temps complet, ce qui a permis d'embaucher cinq personnes à temps partiel en contrat de deux ans et payées au Smic hôtelier. Pour lancer le restaurant, Paradoxe a voulu s'appuyer sur des professionnels aguerris. Pierre Bertron, qui est passé chez Veyrat, Bardet ou Chevrier, et dernièrement au Bistrot du Cuisinier à Blois, officie en cuisine avec le renfort d'un de ses anciens apprentis, Jérôme Le Flohic. De son côté, Cyrille Bergeault, riche d'une expérience en châteaux-hôtels du Val-de-Loire dirige la salle. Ils ont un double pari à gagner qui est de "faire tourner le restaurant et former des gens souvent en rupture avec le monde de l'entreprise".
Pas de concurrence déloyale
S'inspirant en partie de l'expérience du Coq Héron à Paris, Pierre Bertron et Cyrille
Bergeault vont devoir inventer leur propre modèle. Le recrutement social a été confié
à l'ANPE qui a sélectionné 30 candidats avant d'en retenir cinq en fonction de leur
motivation et de leur volonté de trouver un emploi fixe. L'objectif est en effet de les
former le mieux possible en deux ans pour qu'ils s'orientent ensuite vers une formation ou
un emploi définitif à l'extérieur. Pour arriver à l'équilibre, l'association avait
chiffré sa feuille de route à 150 couverts par semaine. "Fin janvier, nous
étions déjà à 190 couverts, se réjouissent Pierre Bertron et Cyrille Bergeault. La
clientèle a bien répondu, mais l'avenir c'est bien sûr d'offrir un service de
qualité." La Tablette veut donc voler de ses propres ailes et devenir un "restaurant
comme les autres". Malgré son "originalité" sociale, ce restaurant
veut vivre selon les règles du marché. Pour éviter toute polémique avec les
professionnels locaux, les responsables de l'association ont pris quelques précautions : "Nous
avons rencontré Jacques Fréalle, président de la chambre hôtelière du département,
pour éviter tout quiproquo. De plus, nous nous sommes installés dans un quartier où il
n'y avait pas de restaurant." La Tablette doit donc faire ses preuves et montrer
que restauration doit rimer avec insertion.
J.-J. Talpin
Cyrille Bergeault, Pierre Bertron et Jérôme Le Flohic ont un double pari : "Faire
tourner le restaurant et former des gens souvent en rupture avec le monde de
l'entreprise".
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L'HÔTELLERIE n° 2664 Hebdo 4 Mai 2000