Suite aux différents
articles parus dans le journal L'Hôtellerie en mars 2000, nous avons donc appris
que l'enseignement hôtelier n'était plus adapté, que les élèves étaient mal formés,
peu motivés et qu'ils quittaient rapidement le métier. De là à dire que les formateurs
sont incapables, il n'y a plus qu'un pas qu'il n'est pas souhaitable de franchir.
Il serait déjà judicieux de demander l'avis des intéressés, c'est-à-dire les élèves
et anciens élèves et de savoir pourquoi ils quittent le métier.
Il est clair que nous avons les mêmes préoccupations que la profession et que le
désintérêt des jeunes pour nos secteurs d'activité nous concerne et nous inquiète
aussi. Il est évident que nous formons les jeunes pour la profession et pas pour qu'ils
la fuient.
Eduquer l'enseignement à vocation
L'enseignement hôtelier a pour vocation d'éduquer au sens large du terme et de former à
une certaine adaptabilité dans un métier en profonde mutation. Son rôle est de
préparer à l'insertion professionnelle.
A l'heure où la crise tend à supprimer le secteur le plus valorisant pour l'être,
c'est-à-dire l'aspect humain, il faut reconnaître que certaines formules recherchent
très peu de personnel ayant une véritable culture professionnelle.
Le secteur haut de gamme manifeste, quant à lui, des exigences élevées et voudrait
parfois des "moutons à cinq pattes" associant culture générale et
professionnelle, maîtrise technique, aisance, humour, physique avenant. Ces élèves
existent, mais ils seront chers. L'enseignement hôtelier ne s'adresse pas non plus à une
élite. Il existe aussi une évasion logique vers des secteurs en relation avec la
profession : caviste, conseiller en ingénierie, commercial, représentant en vins dans
les CHR.
Malgré tous ces constats, dans une société pas facile, nous pensons encore former de
futurs professionnels se passionnant pour leur métier avec une instruction et une
originalité.
Les programmes sont essentiels
Les programmes sont le point de départ essentiel et ils ne nous semblent pas désuets
dans la mesure où ils laissent une certaine liberté d'action. Il est important de les
respecter. Les stages font aussi partie de la formation.
Chacun peut bien sûr se désoler du manque d'heures et du fait que l'enseignement
technique soit aussi réduit, mais la semaine d'un élève est d'environ 34 heures de
cours. C'est une évidence. Pour être un bon professionnel, il faut que l'élève en
formation puisse avoir un enseignement général correct, le plus souvent en adéquation
avec le secteur hôtelier, il est nécessaire de répartir toutes les matières.
Nous ne prétendons pas que tout est merveilleux, il y a sans doute des ajustements à
faire, des techniques obsolètes à écarter, des équipes à souder, des progressions à
harmoniser et des relations plus actives à entretenir avec les professionnels. La
formation intégrée est peut-être une piste.
Motiver et valoriser
Motiver et valoriser les élèves et la formation, c'est notre souci quotidien. Valoriser
et gérer le personnel devrait être le premier souci d'un futur chef d'entreprise. Nous
apprenons aussi à nos élèves le droit, la façon de respecter l'autre, l'écoute, la
remise en cause. Nous les guidons aussi pour savoir quel salaire pour quelle compétence,
quelle personne pour quelle tâche, quel plan de carrière, quel profil de poste, quelle
politique de formation continue.
Nous les laissons s'exprimer. N'est-ce pas cela la gestion des ressources humaines ?
Motivation et savoir-être sont souhaités. Pensez-vous sérieusement motiver un élève
sortant d'une école en l'affectant à un poste de plonge ? Loin de nous la pensée qu'il
doit être directeur, il faut faire ses preuves et gravir les échelons comme de tout
temps, plus ou moins vite selon les capacités et les efforts de chacun.
L'alternance bien encadrée
L'alternance est très bonne, mais nuisible si l'encadrement est insuffisant. Quant à la
formation intégrée que cite monsieur Allègre, nous l'avons dit ici, c'est certainement
une bonne idée, mais il serait souhaitable que les intéressés se sentent concernés et
que tous les problèmes de logistique soient réglés avant.
Faire un suivi plus long en entreprise, avec le respect des apprentissages et des
objectifs, avec un tuteur, nous sommes d'accord, mais les périodes choisies et les plus
favorables à la concertation devront être en grande partie hors vacances d'été, à
l'inverse des propositions de Monsieur Izard (nous comprenons très bien pourquoi certains
préfèrent la grande période estivale, mais pourquoi ne pas engager les élèves qui
sortent sur le marché du travail ? Les clients y trouveraient sûrement un meilleur
compte).
Nous avons aussi des idées et des propositions comme par exemple : instaurer le tuteur ou
parrain d'un groupe au lycée, effectuer des interventions auprès du personnel dans
l'entreprise selon les besoins, généraliser les baptêmes de promotion avec un parrain,
renforcer les associations d'anciens élèves pour aider à l'emploi. En un mot faire une
équipe.
Des stages plus longs ?
Faut-il aller plus loin dans les stages déjà longs de 8 à 16 semaines ? Nous n'en
sommes pas convaincus tant la qualité des apprentissages et les exigences du terrain
restent confuses et diverses.
D'après le retour que nous avons des élèves et d'après quelques articles que nous
avons lus, il apparaît que former n'est pas le premier souci de certains secteurs
professionnels et qu'il y a des dérives que nous déplorons depuis plusieurs années. Il
est important de souligner que d'autres entreprises font des efforts considérables et ont
pris les choses très sérieusement et nous ne pouvons que nous en réjouir. Elles
respectent les conventions, elles forment en adéquation avec les annexes pédagogiques
présentées par les formateurs, elles proposent un gîte et un couvert correct. En un
mot, elles respectent les textes et la loi. Un livre blanc du stagiaire comme le
préconise Monsieur Izard a d'ailleurs été élaboré par les proviseurs d'établissement
en concertation avec la FNIH (l'Umih aujourd'hui), et nous y retrouvons les droits et
devoirs de chacun.
La grande question est comment trouver du personnel ?
Ce manque est le grand souci des entreprises et c'est aussi le nôtre. Nous avions
pressenti cette évolution depuis quelques années. N'est-il pas préférable de se
concerter, d'échanger plutôt que de dire que c'est de la faute à la formation initiale.
Il ne faut pas se tromper de terrain.
Pour terminer, nous ne voulons pas donner de conseils à quiconque, mais à notre avis, le
problème est que ce métier ne fait plus rêver les jeunes parce que les modes de vie ont
changé et que nous sommes en l'an 2000. Parce que la génération qui est là n'accepte
plus les contraintes liées aux emplois et qu'il faut actualiser, changer l'organisation
et revoir ses conceptions du travail si on veut voir revenir des jeunes dans ce secteur.
Nous avons conscience des difficultés qui se posent lorsqu'il s'agit de changer les
habitudes. Beaucoup d'entreprises ont déjà anticipé et sont en route pour réussir.
Jean-Pierre Déquesnes
Président de l'APTHR
MOF 93 Maître du service de la table
APTHR (Association des professeurs de techniques d'hôtellerie-restauration) 19, avenue de Merlimont 62170 Saint-Josse-sur-Mer Fax : 03 21 94 77 70 Association déclarée loi 1901- n° 1882 Boulogne-sur-mer |
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L'HÔTELLERIE n° 2665 Hebdo 11 Mai 2000