Rubrique animée par Pascale Carbillet.
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Formation professionnelle
Un article de Claude Izard dans notre numéro spécial formation n° 2657 du 16 mars 2000 met le feu aux poudres. De nombreux élèves et enseignants ont réagi par le biais de notre journal. Ces réactions ont elles-mêmes suscité des commentaires de la part de professionnels ainsi qu'une mise au point de Claude Izard. Un débat fort passionné. Extraits.
Nous vivons une époque de
profonde mutation. La société évolue très rapidement, peut être même trop
rapidement. Le creuset de cette remise en question, c'est précisément l'éducation, et
le débat autour de la réforme en cours est là pour en attester.
Dans ce contexte qui n'a rien à voir avec le confort des situations installées, il me
semble essentiel d'examiner la nature de notre travail et la finalité de notre mission.
C'est quand on éprouve réellement le désir de posséder que l'on se donne
généralement les moyens d'acquérir ! Provoquer l'étincelle, allumer la mèche,
susciter le désir et voir s'allumer les regards des élèves, c'est bien là l'objectif
principal. Donner envie, l'envie de s'investir, voilà la question qui est au centre de la
transmission du savoir.
Seulement voilà, le public n'est pas toujours facilement accessible (contexte social ou
familial), et le contexte général n'est pas toujours favorable, "contraintes
budgétaires oblige !". Contre les blocages, les a priori et l'ignorance, il faut
bien le reconnaître, la partie n'est pas gagnée d'avance !
En toutes circonstances, il nous faudrait pouvoir répondre à la simple question :
qu'est-ce qui peut bien donner envie aux élèves pour qu'ils puissent s'investir dans ce
que nous leur enseignons ?
Mais, peut-être devons-nous aussitôt nous en poser une autre : qu'est-ce qui mérite que
nous nous investissions au quotidien ? Naturellement, la réponse dépend du prof et de sa
motivation pour s'investir lui-même dans ce qu'il fait ! Quel plaisir peut-il avoir à
travailler avec des élèves, si les élèves ont des motivations complètement
étrangères aux siennes ?
La véritable question est de savoir si le désir est contagieux, un peu comme si le
désir des élèves s'amorçait au désir du prof.
Le désir naît souvent avec la curiosité qui n'est pas du tout un vilain défaut. La
question est d'importance : comment susciter la curiosité ? Peut-être en faisant
partager sa passion. Le tout est dans la maîtrise de sa passion. Le désir immodéré de
consommer peut entraîner le consommateur à sa perte. Sans doute, faut-il apprendre à
dominer sa passion et se contenter simplement de susciter le désir chez celui qui vous
écoute, ou qui vous observe.
La recette ne peut être que personnelle, avec l'intime et peut-être utopique conviction
qu'à la fin le désir est contagieux, et que les efforts pour faire naître le désir
finissent toujours par payer un jour.
Le message ministériel est clair : l'élève doit être au centre du système éducatif !
Comment imaginer par conséquent qu'il ne soit pas au centre de l'activité pédagogique !
Peu importe l'acteur ou la recette ! Que ce soit dans la réalisation d'une recette en
cuisine, dans la découverte de la complexité des vins, ou encore dans les nouvelles
perspectives de l'outil Internet, l'adhésion du public est tout bénéfice pour les deux
parties.
Bien sûr, les motivations sont aussi diverses que le sont les individus. Pour ma part,
j'ai souvent remarqué que dans une séance de technologie appliquée, par exemple, c'est
le plaisir de la dégustation et les joies de l'analyse sensorielle qui accrochent
davantage les élèves plus que toutes les autres activités.
Nous devons le reconnaître, l'évolution de la profession est telle, qu'aujourd'hui,
certaines perspectives professionnelles soulèvent peu d'enthousiasme auprès de nos
élèves ! Dans ces conditions, pour enseigner les techniques adaptées à ce métier
centré vers le client, vers son plaisir et les traditions de l'hospitalité, il nous faut
tout miser sur les hommes, imaginer d'autres perspectives, d'autres espaces, et surtout ne
pas nous lasser de souffler sur les braises de la passion. Sinon, il nous faut vite en
changer !
M. Girard
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L'HÔTELLERIE n° 2665 Hebdo 11 Mai 2000