Professionnel
depuis 30 ans, ancien professeur technique, largement impliqué dans la formation
professionnelle, je comprends tout à fait les avis très divers qui ressortent des
courriers de vos lecteurs.
Certes Claude Izard a raison quand il traduit la lassitude des employeurs devant
l'incompétence dont certains élèves issus d'écoles hôtelières font preuve. J'en
reçois beaucoup et je suis consterné par leur inculture tant professionnelle que
générale et je suis sidéré d'entendre leurs propos lorsqu'ils envisagent comme but ce
sacré bac pro. Les pauvres enfants, ils en ont plein la bouche...
Ils rêvent, alors qu'ils devraient être un tantinet conscients de leur incapacité à
dépasser le niveau du BEP... Mais là, je dois dénoncer avec force la politique du
nombre de directeurs de lycées hôteliers, dans le privé comme dans le public, qui n'ont
d'autres buts que de remplir leur établissement. Quitte à tromper ces recrues et à leur
promettre monts et merveilles, alors que leur niveau, leur volonté est sans commune
mesure avec la tâche qui les attend...
Lors d'une discussion récente, un proviseur m'a répondu que, je répète ses propos
"l'Education national n'avait pas en charge le devenir de ces jeunes !".
Je sais que cette réponse est extrême et qu'elle ne traduit pas la réalité et
l'ensemble du travail fait par les professeurs, car, parmi ceux-ci, j'ai encore de
nombreux amis et je connais leur dévouement et leur profond respect de l'élève... Mais
un professeur ne dirige pas un lycée, ni la politique d'un établissement.
Quant à la préférence, apprentissage-école ou apprentissage-entreprise, il y a des
réussites et des échecs dans les deux cas. Aucune des méthodes ne l'emporte sur
l'autre, seule compte la matière humaine dans laquelle investit le formateur. Cette
matière est le résultat d'une éducation commencée 15 ans plus tôt : curiosité,
respect. Ceci ne s'apprend pas, ceci se cultive de longue date.
Je voudrais aussi répondre à ce jeune qui écrivait dans votre journal que le métier ne
lui permet pas de rejoindre sa petite amie avant 23 heures, alors qu'elle dort déjà. Et
oui ! Je crois pouvoir lui affirmer que je n'ai pas rencontré de réussite et de gens
heureux dans ma carrière, lorsque cet a priori était posé. Il ne lui reste qu'à
convaincre sa petite amie ou à se suffire de peu. Les vraies passions se vivent à deux
surtout dans cette forme d'investissement personnel. Pour ma part, cela fait 30 ans que je
travaille. J'ai élevé 3 enfants et j'ai beaucoup entrepris malgré des coups très durs,
mais toujours avec celle que j'ai rencontrée dans le métier.
Quant au problème des salaires, je répète que la solution est entre les mains des
pouvoirs publics. Il est urgent que le gouvernement comprenne que la restauration
classique, qui emploie énormément de main-d'uvre, mérite une attention
particulière. Baisser la TVA, c'est assurer une qualité de vie, des horaires et des
salaires décents et non point remplir la poche des employeurs. Car parmi ceux-ci, il en
est de nombreux qui préfèrent s'entourer d'une équipe motivée bien avant de s'offrir
de grosses limousines ou des vacances à Saint-Barth.
Bruno Billamboz,
Responsable restaurant à la chambre départementale de l'industrie hôtelière de la
Loire
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L'HÔTELLERIE n° 2665 Hebdo 11 Mai 2000