Groupes de restauration cotés
Le millésime 1999 du secteur de la restauration fut un grand cru, traduisant une belle dynamique des enseignes commerciales (hors restauration d'entreprise et cantines). Ces dernières ont enregistré une croissance de 7,8 %, la plus forte progression de ces cinq dernières années, soit un marché de 28,53 milliards d'euros (estimation du cabinet d'étude Gira Sic), répartis à 22,81 milliards d'euros pour les indépendants et 5,72 milliards d'euros pour les chaînes (20 %). Ce sont elles qui ont connu d'ailleurs la plus forte croissance, avec une progression de leur activité de 11,6 % (contre + 7,1 % pour les indépendants). Sur une période de cinq années, leur avance se creuse avec respectivement une hausse de 37,8 % et 10 % pour chacune des deux composantes.
Cette tendance à la hausse tend à valider le
modèle de croissance des chaînes. Toutefois, force est de constater qu'au regard des
résultats annuels des différents groupes cotés en Bourse, la moisson 1999 est loin
d'être unanime, la force d'un concept (thème, carte, ticket moyen...) et la qualité des
implantations restant les facteurs clés de pérennité et de croissance d'une entreprise.
La publication des résultats annuels des 4 sociétés "restauratrices" cotées
au second marché de la Bourse de Paris - Bernard Loiseau, Buffalo Grill, Groupe Flo et
Léon de Bruxelles - est symptomatique des divergences constatées dans le secteur. Pour
les chaînes respectives de ces quatre groupes - dans une moindre mesure pour Bernard
Loiseau, son concept de bistrot parisien ne comptant pour l'heure que trois
établissements - la croissance passe par une politique d'ouvertures soutenues pour
acquérir une taille critique suffisante et susceptible de générer, à terme,
d'importantes économies d'échelle. En effet, le modèle économique vertueux du
développement d'une chaîne est une hausse des recettes et une meilleure absorption des
coûts fixes, donc une amélioration de la rentabilité. Si cette dynamique est rompue,
l'équilibre même de la chaîne, sa force conceptuelle et sa pérennité peuvent être
remis en question. Les exemples français ne manquent pas avec, rappelons-le, la reprise
par le Groupe Flo de la chaîne L'Amanguier, réaménagée en Petit Bofinger, ainsi que le
rachat de Bistro Romain, et enfin, celui, par Buffalo Grill, de plusieurs Batifol, chaîne
qui a également tiré sa révérence en 1998.
Des résultats contrastés
Si Buffalo Grill a publié des résultats dans la lignée de son business plan, le Groupe
Flo a enregistré une baisse de ses marges après intégration d'éléments non
récurrents, de même que Bernard Loiseau, dont la rentabilité est en deçà des
prévisionnels présentés lors de son introduction en Bourse. Quant à Léon de
Bruxelles, l'exercice 1999 remet en question l'avenir de la société.
Au chapitre des déceptions, Léon de Bruxelles, qui a réalisé un chiffre d'affaires
annuel consolidé de 51,41 millions d'euros en progression de 17,3 %, a publié un
résultat net en repli 28 %, à 2,39 Me (contre 3,32 Me en 1998), alors que la société
prévoyait, sur la période, un bénéfice étale. Les difficultés rencontrées par
l'enseigne (dont le management avait fait état lors de la présentation de ses résultats
semestriels), se sont traduites dans les faits par une baisse de la fréquentation des
restaurants, une hausse des frais de communication, de recrutement et de formation pour
"retrouver l'excellence de son service" et elles ont pesé sur l'exploitation.
La marge d'EBE s'est dégradée de 1,6 point, passant de 23,7 % à 22,1 %. De son
côté, la marge nette s'est repliée de 3 points, de 7,6 % en 1998 à 4,6 % en
1999. A l'obsolescence des restaurants solos de province, surdimensionnés selon le
groupe, aux difficultés d'exportation du concept hors de Paris, ajoutons la baisse de
fréquentation de certains restaurants parisiens. Au-delà de difficultés ponctuelles que
peuvent rencontrer certaines implantations, c'est le concept même de Léon de Bruxelles
qui semble battre de l'aile. Trop monogamiste, trop cher en province, de qualité de
prestation (service et mets) inégale, Léon de Bruxelles semble aujourd'hui tirer la
leçon d'une croissance trop rapide et pas assez maîtrisée, tant dans son concept que
dans sa stratégie d'implantation. La chaîne a donc pris la décision de stopper toute
nouvelle ouverture, et de se concentrer cette année sur son parc existant, ce qui devrait
encore peser sur ses marges. Si les résultats 1999 ont été affectés par des charges
supplémentaires, les frais d'ouverture des nouveaux restaurants et une baisse de
l'activité, l'année 2000 devrait se traduire par une baisse d'activité liée à un
périmètre constant en repli au regard de la tendance annoncée par la société (soit un
repli de 10 % du CA) sur les trois premiers mois de l'année, en l'absence de nouvelles
ouvertures et de frais de remise à niveau de la chaîne. Quant à l'équilibre financier
du groupe, il est précaire avec un endettement net de 534,1 % en 1999 (dettes intégrant
les obligations convertibles). La société qui a déjà fait les frais de plusieurs profits
warnings a déjà annoncé la couleur du millésime 2000, en spécifiant que ses
résultats seraient affectés à hauteur de 0,54 Me pour impact négatif des ouvertures
qui n'auront pas lieu (0,38 Me) et pour le passage de provisions au titre de la prime
de remboursement des obligations convertibles (0,16 Me), sans oublier la dégradation
à attendre du résultat d'exploitation. Sur les trois premiers mois de l'année, le
chiffre d'affaires consolidé a progressé de 8,5 % à 12,8 Me. A parc constant de
restaurants, le repli de l'activité serait d'environ 10 % selon les dires de la
société, à l'occasion de la présentation de ses résultats annuels.
De son côté, le Groupe Flo, dont le parc intègre plusieurs branches, grandes brasseries
parisiennes, traiteurs et chaînes (Hippopotamus, Café Flo et Petit Bofinger), a
enregistré des résultats en demi-teinte avec une baisse de ses marges. Cette moins bonne
performance est imputable à plusieurs éléments non récurrents : le déficit de la
chaîne londonienne Café Flo dont la cession des restaurants déficitaires est en cours,
la concentration sur le second semestre 1999 des principales ouvertures, la baisse de
l'activité du traiteur pour événementiels Raynier & Marchetti qui a impliqué en
cours d'année le renforcement de sa structure commerciale et l'accélération des
investissements (hausse des amortissements et des frais financiers). In fine, le résultat
net ressort à 7,9 Me (contre 7,7 Me attendus), intégrant 1,4 Me de résultat
exceptionnel positif lié notamment à des plus-values sur cessions immobilières. Outre
ces éléments exceptionnels, le bénéfice ressort à 6,5 Me soit une marge nette de 2,4
% (contre 2,7 % en 1998). Quant au partenariat que le groupe vient de signer avec Compass,
il semble prometteur et lui permettra de développer son réseau d'enseignes
(Hippopotamus, Petit Bofinger et Café Flo) par voie de concession, et de ne pas avoir à
supporter les investissements inhérents à ses nouvelles implantations, tout en
dégageant une marge confortable (rémunération comprise entre 3,5 et 4 % du CA de chaque
établissement). Pour l'exercice 2000, le Groupe Flo prévoit 25 nouveaux restaurants et
une croissance de son CA de 15 %. La tendance au premier trimestre conforte les
prévisions de la société, qui annonce une croissance de son CA de 25 %, soit plus de 3
% de hausse, à parc constant. En termes de résultat, l'intégration sur 7 mois de Bistro
Romain n'aura pas d'impact cette année (le résultat net compensera les charges
d'intérêt supplémentaires), mais sera relutive en 2001.
Avec une hausse de ses ventes de 25,2 % (+ 9,3 % à parc constant), à 245 Me, Buffalo
Grill enregistre une forte croissance de son activité. En termes de résultats, le groupe
aujourd'hui doté de trois chaînes dont deux en voie de développement (Bistro d'Augustin
et Victoria Pub) a dégagé un résultat net de 8,2 Me (contre 8,5 Me attendus), soit une
marge nette de 3,4 %, qui intègre une meilleure performance de l'enseigne Buffalo Grill
mais à l'inverse, des pertes supérieures pour Victoria Pub et Bistro d'Augustin.
Concernant ce dernier concept, le groupe a annoncé la cession de la partie immobilière
de la chaîne, opération qui devrait permettre de générer chaque année 1,2 Me
d'économies. Pour l'exercice 2000, le groupe prévoit un chiffre d'affaires de 288 Me et
un résultat net de 12,35 Me marquant une amélioration de sa rentabilité. L'alliance
signée avec Elior, le numéro un de la concession restauratrice en France, semble
porteuse, comme pour le Groupe Flo et Compass. Quant à la stratégie de développement du
groupe en centre-ville et à Paris, en propre et en franchise, elle est cohérente avec le
développement de la chaîne. Si le Groupe Flo a mis le cap sur la province et la
périphérie, notamment pour le développement d'Hippopotamus, Buffalo Grill dont le
maillage national est très avancé souhaite se développer en centre-ville et à Paris,
où il compte d'ores et déjà 11 restaurants.
Bernard Loiseau, qui présente également une structure diversifiée (La Côte d'Or, à
Saulieu, Tante Louise et Tante Marguerite, à Paris et le contrat qui lie le chef
français au spécialiste des plats cuisinés Agis), a publié des résultats moins bons
qu'escomptés avec une marge opérationnelle de 16,5 % (contre 16,9 % en 1998 et 22
% escomptés). Quant au résultat net, il ressort à 0,76 Me (contre 0,93 Me attendus), ce
qui correspond à une marge nette de 9,6 % proche toutefois de l'objectif de rentabilité
que la société s'est fixée, soit 10 %.
Avec la récente ouverture d'un troisième restaurant parisien, Tante Jeanne, le groupe
prévoit cette année une croissance de son CA de 27,6 % à 10,06 Me. Le groupe
spécifiait dans son dernier avis financier que La Côte d'Or bénéficiera de l'extension
de sa capacité hôtelière, de la mise en place de cours de cuisine et d'nologie,
d'une politique commerciale plus dynamique en France (et aux Etats-Unis), pour une
meilleure occupation en période creuse et en semaine.
Parcours boursier et valorisation boursière
Bernard Loiseau - groupe spécifique de la restauration - et Léon de Bruxelles, dont les
difficultés récentes obèrent la visibilité sur la société, mis à part le Groupe Flo
et Buffalo Grill, offrent respectivement des ratios de valorisation de 17,2 et 15,2 fois
leur résultat net 2000, à comparer à un PE du secteur américain de la
restauration de 20 pour l'année en cours. Cet élément de comparaison laisse augurer un
potentiel de hausse des deux valeurs, sachant que les deux sociétés présentent des
modèles d'exploitation (niveau de marge...) et des structures financières (dette
bancaire, crédit bail...) différents.
En Bourse, Léon de Bruxelles a été très chahuté, voyant sa capitalisation boursière
divisée par deux, au rythme des rumeurs de rachat et des publications financières du
groupe. Bernard Loiseau a connu un parcours boursier honorable passant d'un plus bas en
février à 5,9 e à 6,5 e récemment, dans des volumes certes limités. Le Groupe Flo a
bénéficié d'un regain d'intérêt des investisseurs après la publication de ses
résultats et l'annonce du rachat de Bistro Romain - acquisition qui vient redynamiser le
secteur de la restauration - à 41,2 e dernièrement (contre un plus bas à 32,5 e). Quant
à Buffalo Grill, la valeur se maintient dans une fourchette comprise entre 18 e et 21,5
e.
D. Henriet
(Données en Me) | Buffalo Grill | Groupe Flo | Léon de | Bernard Loiseau | ||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Bruxelles | ||||||||||||
Cours | 19,8 | 41,2 | 14,3 | 6,4 | ||||||||
Nombre de titres | 10 000 000 | 3 725 000 | 2 540 000 | 1 432 100 | ||||||||
Capitalisation boursière | 198 | 153,5 | 36,3 | 9,2 | ||||||||
Chiffre d'affaires 1999 | 245 | 278,7 | 51,4 | 8 | ||||||||
EBE | 43,4 | 20,4 | 11,3 | 1,8 | ||||||||
Marge d'EBE | 17,7 % | 7,3 % | 22,1 % | 22,6 % | ||||||||
Résultat d'Exploitation | 29,9 | 12,4 | 5,9 | 1,3 | ||||||||
Marge d'Exploitation | 12,2 % | 4,4 % | 11,5 % | 16,3 % | ||||||||
Résultat Net | 8,6 | 6,5 | 2,4 | 0,76 | ||||||||
Marge Nette | 3,5 % | 2,3 % | 4,7 % | 9,5 % | ||||||||
Bénéfice par action 1999 | 0,9 | 1,7 | 0,9 | 0,5 | ||||||||
PE (Price Earning Ratio) 1999 | 23 | 23,6 | 15,2 | 12 | ||||||||
PE (Price Earning Ratio) 2000 | 15,2 | 17,2 | NC | NC |
Lexique techniqueMarge nette : |
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L'HÔTELLERIE n° 2667 Hebdo 25 Mai 2000