Invité d'honneur du
forum, Pierre Bellon, p.-d.g. de Sodexho Alliance, sait de quoi il parle. En un peu plus
de 30 ans, sa société s'est hissée au premier rang de la restauration collective
mondiale et s'est implantée dans 70 pays.
"Sodexho s'est internationalisé pour trois raisons. Né à Marseille, j'ai toujours
adoré les voyages ; un créateur s'identifie toujours à son entreprise, et j'ai toujours
rêvé que la mienne devienne internationale. Il faut rêver pour voir ses rêves se
concrétiser. Aussi, le jour où mon entreprise a eu la taille suffisante sur la France,
j'ai tout fait pour réaliser mon rêve, et je suis parti voir en dehors de nos
frontières. Le rêve s'est alors transformé en réalité. En voyageant, on voit combien,
au fil du temps et des mentalités, les distances se raccourcissent : le monde est devenu
un village à la portée de tous ceux qui veulent le conquérir. Mais choisir
l'internationalisation, c'est aussi répondre aux besoins de tous ceux qui sont au
cur d'une entreprise. Elle est la réunion d'hommes et de femmes, qui veulent voir
leur salaire progresser, leur carrière évoluer, mais elle représente aussi des
actionnaires et des clients qui, chacun dans son domaine, en veut toujours plus ! Le seul
moyen de satisfaire l'ensemble de la sphère de l'entreprise, c'est justement le
développement. Enfin, si l'on considère que seuls 3 % de la population mondiale est en
France, on comprend vite que l'avenir est ailleurs. Dès 1971, nous avons développé nos
activités à l'étranger. Maintenant, nous sommes en mesure de servir nos clients qui eux
aussi s'internationalisent. Nous avons 20 contrats à l'étranger avec des fabricants
alimentaires et lessiviels. Jamais en France, la restauration n'a été aussi dynamique.
Je n'ai aucune inquiétude sur son avenir. La multiplicité des restaurants répondra aux
différents désirs des clients. Dans les pays développés, les consommateurs manifestent
une grande attente en matière d'hygiène, d'autant plus qu'ils sont confortés par la
réglementation. L'argument santé est aussi très fort quand on dénombre 40 % d'obèses
aux Etats-Unis. Enfin, on arrive à une époque où l'hédonisme prend de plus en plus de
place dans le quotidien des consommateurs. Autant dire que quand j'entends José Bové
dire que ce qu'il appelle la 'malbouffe' va tuer la restauration, je trouve ça d'un
ridicule sans nom ! Jamais en France, la restauration n'a été aussi dynamique que depuis
l'arrivée de Mc Do ! Il a réussi, mais n'a rien remplacé ! Toutes les nouvelles
cultures culinaires nous enrichissent ! Regardez quand en 1962 les rapatriés sont
arrivés en France, ils nous ont apporté quantité de produits et d'habitudes
alimentaires qui aujourd'hui ont enrichi notre palette ! La mondialisation ne fait pas
perdre nos racines, au contraire, elle les renforce parce que nous avons besoin, beaucoup
plus qu'avant, de retrouver alors nos traditions culinaires et culturelles. Je suis
persuadé que demain, c'est le concept 'tradition et région' qui se développera. Je n'ai
aucune inquiétude quant à l'avenir de la restauration. La multiplicité des restaurants
répondra aux différents désirs des clients. Restaurateurs, continuez à avancer sans
inquiétude, vous vous développez, vous créez des emplois, vous enrichissez votre pays
en payant des impôts et vous apportez satisfaction à vos clients ! Gardez-vous de ceux
qui vous menacent de disparition ! José Bové est certes un honnête homme, mais il s'est
fait un nom et un fonds de commerce avec sa 'malbouffe' ! Il parle au nom d'associations,
son discours est son seul moyen de passer à la TV, il fait du marketing. Parce que la
sécurité alimentaire sera dans les pays développés une priorité dans les années qui
viennent, nous allons certainement être appelés à nous réorganiser en matière de
production. Les préparations seront faites à l'extérieur des restaurants, pour coûter
moins cher mais ça ne changera en rien la qualité de vos prestations si vous savez vous
organiser. Non, la mondialisation n'est pas cause de tous les maux. Et si aujourd'hui, de
plus en plus de groupes rachètent, à l'image du groupe Flo qui vient de reprendre Bistro
Romain, des entreprises individuelles, c'est simplement parce que l'on entre dans une
époque où des créateurs d'entreprises arrivent à l'âge où ils veulent se retirer et,
s'ils n'ont pas de successeur au sein de leur famille, se trouvent contraints de vendre
leur entreprise pour profiter un peu de ce qu'ils ont créé, voilà tout. C'est vrai que
c'est plus facile quand on est grand et gros, bien placé sur les marchés, de trouver des
fonds auprès des banques ou de financiers que lorsque l'on est petit et inconnu... c'est
comme ça... Pour nous, chefs d'entreprises françaises, l'Europe est notre chance, nous
lui devons tout."
Aujourd'hui à la tête d'une entreprise internationale, Pierre Bellon a créé sa
première entreprise de restauration collective avec 100 000 francs en 1966, à Marseille.
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L'HÔTELLERIE n° 2669 Hebdo 8 Juin 2000