Les petits groupes propriétaires d'hôtels
Alors qu'ils se font plutôt discrets, les petits groupes propriétaires d'hôtels, bien que souvent partenaires de grandes chaînes, revendiquent leur indépendance. Leurs vux : faire des affaires dans la sérénité et dans un métier choisi le plus souvent par passion.
La chaîne B&B explose littéralement aujourd'hui en termes de développement.
Outre ses franchises, le groupe Jacquier a mis en place son propre concept avec Villages Hôtel.
L'année dernière, le rachat de la Société des Hôtels de Bourgogne (SHB) par Accor a surpris, à tort, bien des observateurs du secteur hôtelier. Ce groupe d'une vingtaine d'hôtels, créé et géré par Christian Lameloise, cultivait tant l'indépendance, de manière presque atypique, qu'il semblait à l'abri de ce genre de situation. Mais ce transfert de capitaux est une situation plus que naturelle dans le monde actuel des affaires. D'autant plus que la SHB avait des relations régulières avec Accor : Christian Lameloise était l'un de ses premiers franchisés. Il avait là un partenaire tout trouvé pour reprendre ses actifs. En fait, cela illustre la situation des petits groupes propriétaires d'hôtels qui sont une cinquantaine en France à détenir plusieurs établissements, et qui surveillent leurs exploitations. Mais ce parc n'est pas homogène, même si beaucoup de ses acteurs ont décidé de se franchiser à un ou plusieurs mastodontes de l'hôtellerie. "Pour un grand groupe hôtelier, ces petits opérateurs sont des gâteaux tout à fait appétissants. Le jour où ils veulent vendre, la reprise s'avère facile entre gens qui se connaissent bien. D'autant plus que ces microgroupes gèrent leurs affaires avec le savoir-faire des grands, chez qui ils ont appris", explique un analyste financier.
Des partenaires intéressants
Accor, Envergure, Choice et d'autres franchiseurs surveillent de près ces opérateurs
extrêmement dynamiques, car ils tiennent une place à part dans leurs rangs. Si l'un
d'entre eux décide de quitter le groupe, le parc hôtelier peut subir une coupe claire
gênante. Car ce n'est pas un établissement qui s'en va, mais parfois une douzaine. Mais
il faut relativiser, car ces petits groupes cherchent avant tout à travailler dans la
sérénité. Alors que certains, plutôt rares, volent de leurs propres ailes après avoir
créé leur propre réseau, tels B&B ou encore Villages Hôtel, d'autres se cantonnent
à suivre les grands de l'hôtellerie. Mais, dans la culture de leur intérêt. La plupart
des fondateurs de ces microgroupes hôteliers sont tombés dans le métier quand ils
étaient petits. Bien souvent anciens élèves d'écoles hôtelières, ou hôteliers de
père en fils depuis plusieurs générations, c'est par amour du métier qu'ils se sont
lancés dans l'aventure. Ils font oublier les années 80 où bon nombre de promoteurs et
de sociétés financières avaient tenté en pure perte de se lancer dans l'hôtellerie.
Ces entrepreneurs restent assez humbles sur leur parcours et admettent que leur
développement a été une succession d'opportunités. "Je construisais des
hôtels dans les années 70-80, en plein boom hôtelier. Petit à petit, nous avons pris
l'initiative de mener à bien un dossier en réalisant le travail en amont et les montages
financiers. Afin d'accroître notre crédibilité auprès des investisseurs nous avons
pris des participations. C'est de là qu'est né le groupe H de C, fort de 16
établissements actuellement", explique Jean-Claude Luzy, président du groupe.
Un développement maîtrisé
Il est de plus en plus courant que le même propriétaire ait des franchises avec
plusieurs chaînes différentes. Certains n'aiment pas mettre tous leurs ufs dans le
même panier. Mais peut-être par souci de loyauté, ils ne s'adossent en général qu'à
un seul groupe. Plus le franchiseur propose une gamme étendue de chaînes positionnées
sur des créneaux différents, mieux c'est. Riches de plusieurs établissements, nos
petits groupes propriétaires peuvent ainsi choisir de diversifier leur offre, tout en
restant fidèles à un seul opérateur. Mais on rencontre aussi des partenaires qui
fonctionnent avec des franchiseurs différents, collectant ainsi une variété de
savoir-faire. On a pu constater plus ou moins deux stratégies de développement. Certains
privilégieront une gamme d'hôtels, quelle que soit la localisation, tandis que d'autres
s'attacheront à un secteur géographique. "Nous souhaitons rester artisans et
n'envisageons pas un développement sur tout le territoire. Nous nous limitons à l'ouest
de la France, à savoir, la Bretagne, la Normandie et Paris. Et c'est parce que nous
maîtrisons notre zone qu'on nous a confié des établissements en mandat de gestion",
argumente Olivier Dardé, responsable des exploitations de la Société Immobilière
Hôtelière (SIH) qui gère 14 établissements. Alors que chacun a sa stratégie en termes
d'implantation, il en est de même en termes de commercialisation. Plusieurs petites
structures disposent de leur propre service commercial, d'autres non. "C'est pour
ça que je me plais dans la franchise", explique Jacques Gad, p.-d.g. de la
Société Immobilière de l'Ouest (13 établissements). "Cela nous permet de faire
appel à ce qui nous intéresse parmi les prestations du franchiseur, car de plus en plus
de contrats de franchise sont à tiroirs." Outre cet aspect de la franchise, ils
apprécient également de pouvoir bénéficier d'une dynamique de groupe tout en gardant
une relation étroite et une gestion parfois familiale de leurs établissements.
Rares sont les créations de chaînes
Créer leur propre chaîne, ce qui pourrait être un aboutissement à leur développement,
n'effleure pas plus que ça l'esprit de ces entrepreneurs. "Une chaîne n'est
crédible qu'à partir de 80 établissements. Pour cela, il nous faudrait une puissance
financière que nous n'avons pas. De plus, nous souhaitons garder cette dimension humaine
qui fait qu'il se passe toujours quelque chose chez nous. Nous faisons en sorte que les
mutations de personnel se passent en interne et souhaitons créer une certaine émulation,
positive et non pas destructrice, autour de tout ça", explique Olivier Dardé.
Ils parlent également d'état d'esprit pour mener à bien une telle aventure. Pourtant,
d'autres comme François Branellec, ayant initialement quelques franchises au sein
d'Accor, a relevé le défi en créant la chaîne B&B qui explose littéralement
aujourd'hui en termes de développement. C'est également le cas du groupe Jacquier qui,
outre ses franchises Mercure, Sofitel ou encore Ibis, anime également sa propre chaîne
Villages Hôtel. "Lorsque le concept des chaînes superéconomiques est arrivé en
France, il nous a semblé très judicieux. Simplement, le principe que proposait Accor
avec des chambres Formule 1 dépourvues de sanitaires ne nous plaisait pas. Nous avions
l'impression de revenir en arrière car mon père s'était battu pour moderniser toutes
les chambres de notre premier établissement, justement en y attribuant une salle de bains
à chacune. Nous avons donc mis en place notre propre concept avec Villages Hôtel",
argumente Patrick Jacquier, directeur général du groupe. "Nous distinguons très
bien nos deux activités et sommes en très bons termes avec Accor. Nous souhaitons
conserver nos 6 hôtels plus traditionnels, car il s'agit de notre métier de base. Cela
nous permet de nous épanouir dans la restauration, ce qui est difficilement le cas en
gamme économique." Les choses sont claires. La création d'une chaîne implique
des sacrifices soit financiers, soit une remise en cause de leur métier que les petits
groupes ne sont pas prêts encore à assumer. Dès lors qu'ils ont plus d'une
demi-douzaine d'établissements, ces petits groupes hôteliers restent prudents. Ils ont
plusieurs hôtels ce qui leur permet de générer des bénéfices respectables. "Il
ne faut pas nous prendre pour des anges tout de même. On fait ça par amour du métier
certes mais aussi pour gagner notre vie. C'est tellement agréable de nos jours d'exercer
une profession qu'on aime", conclut l'un d'entre eux.
M.-L. E.
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L'HÔTELLERIEn° 2669 Supplément Economie 08 Juin 2000