En hôtellerie
Lancée timidement dans les années 70, la carte de fidélité hôtelière parvient difficilement à faire sa place en France. Ailleurs, cela se passe mieux. Mais les hôteliers ne sont pas en reste et travaillent sans cesse à l'amélioration de la formule, comprenant (enfin ?) qu'il s'agit d'un produit marketing à part entière.
Les hôteliers ont toujours été sensibles à fidéliser leurs clients et pour les chaînes hôtelières, c'est encore plus vrai. Depuis plus de 30 ans, leur engouement pour les cartes n'a pas cessé de se renforcer. Il faut dire que fidéliser coûte entre 3 et 5 fois moins cher que recruter un nouveau chaland. Ainsi, en 1994, Coach Omnium recensait 47 cartes de fidélité développées par 34 chaînes hôtelières intégrées et volontaires présentes en France. Six ans plus tard, dans sa nouvelle étude publique 2000, ce sont 56 supports, correspondant à 40 chaînes d'hôtels, qui sont répertoriés par Coach Omnium. Mais les hôteliers ont-ils bien compris les attentes de leurs clients ? Il semblerait bien que non. Car la carte de fidélité est loin de faire fureur chez les consommateurs de nuitées hôtelières ; c'est encore le ventre mou du marketing hôtelier. En France, tout du moins. Ils ne sont que 16 % de voyageurs à en posséder une alors que plus de 40 % d'entre eux séjournent à l'hôtel plus d'une fois par mois, voire plusieurs fois par semaine. Le phénomène des programmes de fidélisation fait généralement plus fureur dans d'autres secteurs, comme chez les pétroliers, dans les commerces, dans les compagnies aériennes et chez les loueurs de voitures, que dans celui de l'hôtellerie.
Des cartes loin d'être infaillibles
Les causes de ce désintérêt sont multiples. Crainte d'être enfermé dans une marque,
complexité des programmes, avantages inaccessibles, etc., sont autant de mécanismes qui
discréditent la carte de fidélité hôtelière. Pas facile déjà de séduire un
consommateur qui aujourd'hui veut avoir le choix. L'objectif d'une carte est de retenir le
client et de l'empêcher d'aller à la concurrence. Or, ce que veut le consommateur, c'est
justement être libre d'aller et venir dans telle chaîne ou dans telle autre. "Je
n'ai pas encore trouvé l'enseigne qui comble tous mes désirs de client d'hôtel. En
fait, je choisis la marque ou l'établissement en fonction de mes préoccupations du
moment", explique un voyageur. Récemment encore, bon nombre de programmes de
fidélisation, émanant des chaînes hôtelières, relevaient du domaine de l'usine à
gaz. Ils manquaient de simplicité, alors que le client fuit la complexité et recherche
une récompense concrète et accessible. Il arrive également que certaines enseignes
fassent des propositions utopiques. Leur programme peut s'avérer peu convaincant, tant
les conditions pour l'obtention d'une gratuité ou d'un cadeau sont difficiles à réunir.
"Je suis un client fidèle d'une marque d'hôtel. Et pourtant, je n'ai jamais
réussi à obtenir leur fameuse gratuité parce que je fréquente toujours la même
poignée d'établissements, alors qu'ils m'imposent d'aller dans au moins 8 hôtels
différents durant une année", rapporte un client agacé.
La fin des "offres-carotte"
Autre élément de discorde : le consommateur ne veut plus d'une carte qui a pour vocation
de l'inciter à consommer. Il ne veut plus des "offres-carotte". Il est devenu
trop indépendant pour cela et il sait acheter sans qu'on lui dise ce qu'il doit faire.
Toutes les études réalisées par Coach Omnium depuis des années auprès de la
clientèle hôtelière le confirment : le consommateur-voyageur veut au contraire qu'on le
remercie de passer des nuits à l'hôtel, qu'on le gratifie parce qu'il consomme tout
simplement. Une part importante des voyageurs ne comprend pas non plus le principe de la
carte payante. Payer pour prouver sa fidélité lui semble totalement inique. Même si
recevoir une carte gratuitement n'est pas forcément un moyen de valoriser ce support.
Beaucoup considèrent que ce qui est gratuit ne vaut généralement rien. Aujourd'hui, la
majorité des cartes des chaînes hôtelières ne sont pas payantes. Quand c'est le cas,
l'abonnement annuel peut varier de 50 francs pour la formule Touriscard d'Arcantis à 1
510 francs pour la carte Novotel Worldwide. On observe enfin que les consommateurs sont
las de se déplacer avec une multitude de cartes dans leur portefeuille. Face à ces
acheteurs avertis et toujours plus difficiles, les opérateurs n'ont pas la tâche facile.
Mais loin de s'apitoyer sur leur sort, ils n'ont de cesse de relancer la machine.
Des cartes nouvelles formules
Une des innovations remarquables de ces dernières années concerne l'introduction de
l'informatique dans la gestion du programme de fidélité. Petit à petit, cartes
magnétiques et cartes à puce prennent du poil de la bête. Il y a 6 ans, sur moins de 50
cartes de fidélité, Coach Omnium recensait une petite dizaine de formules dotées d'une
piste magnétique ou d'une mémoire silicone. Désormais, c'est plus d'un tiers des
supports qui est concerné par ces nouveaux systèmes. Ils sont d'un intérêt
extraordinaire dès lors qu'ils permettent de constituer des bases de données offrant la
possibilité de tout savoir ou presque sur le client. Au moins 50 % des supports
magnétiques ou à puce sont utilisés dans ce sens. Accor, Marriott, Concorde ou Sol
Melia, par exemple, assurent une remontée d'information en temps réel ou en différé.
Ce procédé reste finalement encore exceptionnel. Pour répondre au comportement volatile
et à l'amour de liberté du client, bon nombre d'opérateurs ont trouvé la parade en
alliant l'intérêt de plusieurs partenaires, par le principe du cobranding. Ainsi, ces
dernières années, des programmes d'une extrême sophistication voient le jour. C'est le
cas, par exemple, des cartes Compliment (Accor & American Express) et Corporate jouant
le double jeu de la carte de fidélité et de la carte de paiement, auquel s'ajoute la
fidélisation à Air France et Accor. Aujourd'hui, plus de 2 cartes sur 3 proposent des
avantages chez des prestataires intervenant généralement dans l'univers du voyage ou des
loisirs. A noter que les compagnies aériennes et les loueurs de voitures sont les
vedettes de ces nouveaux rapprochements. Certains programmes proposent même des avantages
chez plus de 20 partenaires différents. C'est le cas de Marriott Rewards qui réunit des
compagnies aériennes, des loueurs de voitures, des compagnies ferroviaires, des
compagnies de croisières, des parcs d'attractions, une société de téléphonie, des
organismes financiers et même une chaîne d'hôtels japonaise (New Otani).
Vers une fidélisation sélective
Jusqu'ici on donnait une carte de fidélité à toute personne qui en faisait la demande
et qui acceptait le cas échéant de la payer. On découvre à présent que certains
groupes hôteliers attribuent des programmes de fidélisation spécifiques après une
sélection fine des clients en fonction de leur degré de consommation. Dans ce sens, la
carte devient pour l'hôtelier un moyen de distinguer ses clients et pour ces derniers un
moyen d'être reconnus et accueillis à leur juste valeur. Car la vraie faute
professionnelle, qui est encore très courante, consiste à passer à côté d'un gros
utilisateur - un gros "U" comme on dit dans le jargon - et de ne pas lui
réserver les meilleurs égards, parce qu'on ne l'a pas détecté. Pour ne pas commettre
ce genre d'erreur, Hilton, Bass, Inter-Continental et Starwood ont ainsi développé des
programmes de fidélisation à plusieurs niveaux. Chaque niveau dépend du nombre de
nuitées consommées. La carte Platinum Preferred Guest de Starwood (accessible dès 25
séjours effectués dans l'année), par exemple, propose un panel de services plus
développé que la Gold Preferred Guest (accessible dès 10 séjours effectués dans
l'année). D'année en année, la reconnaissance (offres de service) est d'ailleurs une
valeur de plus en plus développée dans le cadre des programmes de fidélisation (64,3 %
des cartes), même si le système de cumul de points ou de nuitées demeure l'avantage
proposé par le plus grand nombre d'opérateurs hôteliers (78,6 % des cartes). Reste que
l'offre de service comme l'accueil VIP, les procédures accélérées d'arrivée et de
départ, par exemple, est presque exclusivement proposée par des réseaux haut de gamme,
les chaînes plus économiques proposant surtout des cartes de cumul de points ou de
réduction.
Les programmes vedettes
Tandis qu'en France, les cartes de fidélité hôtelières tirent difficilement leur
épingle du jeu, dans l'univers des groupes anglo-saxons, au contraire, elles tiennent la
dragée haute. D'une manière générale, leur clientèle est adepte de ce genre de
formule. Mais aussi, parce que ces groupes hôteliers ont cru très tôt aux vertus du
marketing direct et de la promotion. Pour eux, un programme de fidélisation est un
produit marketing comme un autre et non un simple système de correspondance mis en place
pour les bons clients. Conscients de l'enjeu, les groupes français commencent à leur
tour à s'y mettre plus ou moins sérieusement. D'ailleurs, aujourd'hui, la communication
bat son plein. Alors qu'en 1994, seulement 12 chaînes hôtelières communiquaient avec
leurs clients fidèles, en 2000, ce sont près de 4/5e qui font profiter à leurs
adhérents d'un courrier exclusif. En termes de promotion de la carte, le guide reste le
moyen naturel privilégié. Il réserve ainsi une place à la promotion pour 9 cartes sur
10.
La nouvelle donne sur Internet
On ne s'étonnera pas qu'Internet devienne rapidement un support de choix. Plus de 7
cartes sur 10 font déjà l'objet d'une communication sur le Web. Dans la majeure partie
des cas, l'information est présente sur le site de l'opérateur. Mais quelques gros
réseaux ont choisi de développer un site exclusivement réservé à leur programme de
fidélité. Ce sont presque tous les groupes hôteliers anglais ou américains moyen ou
haut de gamme qui ont choisi cette option très percutante. Marriott, avec
marriottrewards.com Hilton avec hhonors.com etc. En France, l'idée fait son chemin
puisque Compliment et Corporate d'Accor devraient aussi bénéficier de leur propre site
dans les mois à venir. Selon Denys Rousseau, p.-d.g. de Seditel, société spécialisée
dans la gestion des cartes de fidélité, on s'achemine vers l'utilisation systématique
d'Internet comme support de promotion et de communication de la carte. "L'année
prochaine, on ne pourra envisager un programme de fidélité sans parler d'Internet. Les
adhérents d'un système de cumul de points pourront, par exemple, consulter leur
portefeuille de points en ligne." Autre élément intéressant : Internet devrait
à terme permettre de gérer le programme grâce à la connexion de chaque hôtelier
appartenant au réseau.
A. V.
La reconnaissance ou les services proposés par les cartes | ||
---|---|---|
de fidélité des chaînes hôtelières volontaires et intégrées présentes en France | ||
Plusieurs possibilités | sur répondants | |
* Possibilité de départ tardif | 44,6 % | |
* Procédure accélérée d'enregistrement | 33,9 % | |
* Journal offert | 30,4 % | |
* Procédure accélérée de départ | 26,8 % | |
* Facilité de retrait d'argent | 26,8 % | |
* Surclassement de la chambre | 21,4 % | |
* Accueil VIP | 19,6 % | |
* Garantie de réservation | 17,9 % | |
* Chambre garantie (pour une arrivée tardive) | 16,1 % | |
* Réservation prioritaire | 14,3 % | |
* Chambre double au prix de la simple | 8,9 % |
Le prix des cartes de fidélité des chaînes hôtelières
volontaires et intégrées en France
Les différents supports des cartes de fidélité des chaînes
hôtelières présentes en france
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L'HÔTELLERIE n° 2669 Supplément Economie 08 Juin 2000