Réduction du temps de travail
Le Domaine du Royal Club Evian, avec plus de 600 salariés sur 9 sites, a anticipé la réduction du temps de travail. Jean-Sébastien Blanc, directeur des ressources humaines, nous explique cette mutation réussie.
L'Hôtellerie : Comment avez-vous abordé cette nouvelle donne ?
Jean-Sébastien Blanc : Je crois qu'il faut resituer
le Domaine du Royal Club Evian dans sa complexité. Nous sommes confrontés à une grande
diversité de métiers, à deux conventions collectives, à une multiplicité de sites
d'exploitation. Il fallait donc être prudent et nous avons, dès le mois d'avril 1999,
commencé à réfléchir à l'application. Il faut rappeler que le dialogue social et le
compromis font partie de notre culture d'entreprise. Nous nous sommes donc réunis avec
les représentants des syndicats, afin de trouver un moyen terme qui satisfasse les 3
intervenants : la société, le personnel et bien sûr, et surtout, le client. Il fallait
vivre une contrainte légale, alors nous nous sommes appuyés sur nos salariés. Trop
souvent, le chef d'entreprise résout seul les problèmes, et présente la solution. Là,
nous avons choisi de leur demander s'ils avaient une réponse à nous proposer car ce sont
eux qui connaissent le mieux le fonctionnement de leur métier.
L'H : Les salariés ont-ils joué le jeu ?
J.-S. B. : Je pense qu'ils ont été surpris qu'on les
implique autant. Il a fallu réaliser un état des lieux détaillé car nous comptons au
moins 800 employés en saison et plus de 20 métiers. Nous ne pouvions traiter le
problème dans sa globalité. Chaque service, chaque secteur, a remis à plat
l'organisation de son travail afin de trouver, d'imaginer des moyens qui nous permettent
d'appliquer la réduction du temps de travail. La consigne était simple : si vous devez
réduire votre temps de travail à faible coût, il faut identifier ce qui fait votre
vraie valeur ajoutée. A l'Ermitage par exemple, les équipes qui s'occupaient des
séminaires se sont rendues compte quelles ne préparaient pas de la même manière les
pots de beurre sur la table. Cela paraît simple, mais le gain de temps est là : 1 heure.
L'H : Cette remise en question a-t-elle été
suffisante ?
J.-S. B. : Bien sûr que non. Par contre, beaucoup de
pistes de progrès ont été découvertes dans l'entreprise, chacun perçoit mieux le
fonctionnement de l'autre. Cette analyse a été bénéfique. Nous avons grignoté des
heures par-ci, par-là, mais nous étions encore loin du compte. Nous avons développé
également la sous-traitance sur tout ce qui pouvait l'être. La viande, par exemple,
n'est plus livrée en quartier, mais prédécoupée. Nous épargnions ainsi beaucoup de
temps. Cependant, nous ne sous-traitons pas n'importe comment. Nous avons mis en place un
cahier des charges rigoureux pour chaque produit, et un comité de référencement
sélectionne le fournisseur. Celui-ci, au moindre écart dans la qualité, est écarté
impitoyablement.
L'H : La réduction du temps de travail
s'est-elle traduite par des créations d'emplois ?
J.-S. B. : Oui, nous avons engagé 9 salariés. 6 sont
permanents, 3 saisonniers. Je rappelle qu'en basse saison nous avons 600 salariés et
jusqu'à 1 000 en saison. Le coût estimé est de l'ordre de 2 %. Nous modulons
l'application selon les services. Ainsi, les femmes de chambre travaillent 25 heures mais
sont payées 28, alors qu'aux cuisines de l'Hôtel Royal, nous rattrapons actuellement les
pointes d'activité du mois d'avril en prenant 3 jours de congés hebdomadaires. La
réduction du temps de travail est effective depuis février et nous sommes plutôt
satisfaits, avec un bémol cependant. Comme toute la profession, nous avons du mal à
trouver du personnel, et surtout... du bon personnel. Au Domaine du Royal Club Evian, nous
avons la chance d'être une entreprise à la pointe du social. Chaque individu est
intéressé au résultat brut d'exploitation, ce qui constitue presque un quatorzième
mois. Nous avons créé à l'interne une école de formation, nous travaillons avec les
écoles, aussi nous arrivons à recruter. Mais le problème est préoccupant pour
l'ensemble de la profession.
Si la réduction du temps de travail rend le travail plus attractif, nous aurons
peut-être plus de facilité à trouver des gens motivés qui veulent travailler dans ce
secteur.
F. Tari
Le Domaine du Royal Club Evian- Appartenance au Groupe Danone Répartition par sites Accords collectifs |
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L'HÔTELLERIE n° 2670 Hebdo 15 Juin 2000