Ecole Tsuji
Le 14 juin, Yoshiki Tsuji a fêté ses 20 ans de présence en France, à Liergues dans le Beaujolais, de l'école qui porte son nom et que son père, Shizuo, a créé à Osaka en 1961. Un événement célébré à l'Abbaye de Collonges en présence des chefs les plus prestigieux du monde. A la tête d'un empire depuis mars 1993 et après le décès brutal de son père à l'âge de 60 ans, Yoshiki Tsuji raconte...
Propos recueillis par Jean-François Mesplède
L'Hôtellerie : Vous dirigez l'école Tsuji depuis huit ans.
Etait-il programmé que vous succédiez un jour à votre père ?
Yoshiki Tsuji : Rien n'était véritablement prévu.
Je n'étais pas impliqué dans l'école et j'avais suivi une formation d'art et
d'économie. Dès l'enfance, au contact de mon père passionné par la cuisine
occidentale, j'avais eu la chance d'apprendre ce qui était bon et ne l'était pas, mais
il n'y avait pas vraiment de discussions objectives sur ce sujet avec mes parents. A
l'âge de douze ans, je me suis trouvé séparé d'eux à cause de mes études et lorsque
je les voyais, nous parlions souvent de gastronomie. Je crois qu'à terme j'aurai
intégré l'école, mais en travaillant dans les différents départements avant
d'accéder à la présidence. Le décès brutal de mon père a précipité les choses et
sans doute n'ai-je appris auprès de lui que 30 % de ce qu'il pouvait m'apporter.
L'H. : En 40 ans, les choses ont beaucoup évolué.
Comment vous êtes-vous adapté à ces changements ?
Y. T. : Je crois que le rôle de notre école n'est
pas d'influencer la cuisine française au Japon. C'est plutôt de donner aux élèves les
bases nécessaires pour qu'ils puissent faire leur choix en toute connaissance de cause et
s'épanouir dans leur métier, dans le restaurant de leur choix. Bien sûr, les choses ont
changé, mais il nous appartient d'intégrer ces changements dans notre enseignement
puisque notre vocation reste la même : apporter une formation. Beaucoup de nos étudiants
souhaitent devenir des chefs fameux (sic), mais malheureusement tous ne le seront pas.
Quand les élèves arrivent chez nous, ils ont des rêves dans la tête, puis dans les
restaurants, ils découvrent la réalité du métier. Ils mettront plusieurs années pour
réaliser tout ce que nous avons pu leur apporter.
L'H. : En France, vous fréquentez assidûment les
restaurants. Qu'attendez-vous de ces visites ?
Y. T. : Même si certains pensent que je joue ce
rôle, je ne suis pas un critique au sens propre du terme. En France, je visite les
restaurants avec le personnel de l'école pour voir et apprendre. Sans négliger le côté
émotionnel de telles visites, je veux aussi savoir ce que nous pouvons en retirer. Je
suis sensible aux nouveautés et aux évolutions et si je veux travailler avec des chefs
talentueux, il est aussi très important qu'ils soient capables de transmettre ce qu'ils
savent en cuisine sur le décor, le service, l'ambiance d'un restaurant et le choix des
produits.
L'H. : Le Japon connaît des difficultés économiques.
Comment avez-vous ressenti cette crise ?
Y. T. : Si l'économie va
mal, c'est plutôt une bonne chose pour nous car on redécouvre les vertus des métiers
manuels. Jadis, c'est dans ces moments difficiles que nous avons enregistré nos
meilleures fréquentations. Il s'agit simplement de savoir adapter nos programmes à la
situation et de faire en sorte que nos étudiants soient les mieux armés. Les jeunes
doivent davantage penser au futur et à leur avenir, comprendre la situation et savoir
qu'il y aura une compétition. Il est toujours facile de trouver du travail à la sortie
de l'école car dans cette branche, il n'y a pas de chômage et plusieurs opportunités
s'offrent à eux.
L'H. : Vous allez fêter les vingt ans de votre école
en France et, l'année prochaine, les quarante ans de l'école Tsuji. Quels objectifs vous
fixez-vous pour l'avenir ?
Y. T. : Lorsque je suis arrivé, je me suis donné
cinq ans pour bien connaître cette école et son personnel. Ensuite, pendant trois ans,
j'ai pensé à quelques réformes et à une réorganisation. Tout cela s'est fait en
douceur et c'est dans cette voie que je souhaite continuer, avec sans doute une plus
grande ouverture sur l'extérieur et quelques créations supplémentaires. Je crois que
c'est à force d'enseigner que l'on apprend.
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L'HÔTELLERIE n° 2670 Hebdo 15 Juin 2000