Kinette et Michel Gautier
Six ans après la cessation d'activité du Rouzic à Bordeaux, qui fut suivie d'une vente au tribunal, les propriétaires ont retrouvé une certaine sérénité. Kinette et Michel Gautier exercent aujourd'hui leur passion autrement : à l'autre bout de la planète mais aussi dans le Bordelais en tant que consultant culinaire et chef à domicile
Kinette, maître sommelier et
Michel Gautier, maître cuisinier de France, vivent aujourd'hui en toute sérénité dans
une maison en plein cur de la Bastide à Bordeaux.
Le bonheur est palpable dans ce lieu qui fut le cadre, en 1978, de leur premier succès :
Le Rouzic. Aujourd'hui, Kinette et Michel Gautier vivent et travaillent là "avec
le plus grand des plaisirs". Depuis le début de l'année, le rez-de-chaussée
accueille une cuisine laboratoire parfaitement aux normes et qui leur permet d'exercer la
fonction de traiteur, mais aussi de délivrer des cours de cuisine et de dégustation de
vins quand ils ne sont pas appelés en France ou ailleurs.
Un vent de folie
C'est dans cette maison familiale que le couple avait ouvert en 1978 leur premier
restaurant. Un article paru dans le quotidien régional Sud-Ouest et qui annonçait alors
: "La plus grande surprise gastronomique bordelaise depuis la découverte d'Amat,
Ramet, Garcia et Clément", avait déclenché un vent de folie. Le lieu
gastronomique s'était ensuite déplacé en 1980 dans le centre de Bordeaux et avait
collectionné les gratifications : une étoile au Guide Rouge et trois fourchettes,
la Clé d'or au Gault & Millau et 3 toques rouges... Une juste récompense pour
ce couple atypique, fusion de deux personnalités aussi fortes l'une que l'autre, et si
complémentaires. D'un côté, une maîtresse-femme soucieuse de perfection, habitée par
l'amour du vin et qui a été nommée déléguée internationale des relations
extérieures de l'Association des sommeliers de Bordeaux Aquitaine, de l'autre un chef qui
tout au long de son parcours, affirme n'avoir retenu des grands chefs que "ce
qu'il ne fallait pas faire". Car Michel Gautier est un inventif qui n'a de cesse
de créer la surprise dans l'assiette. D'ailleurs son désir de surprendre l'avait amené
à inventer un menu-surprise de 7 plats, taillé à la minute, inspiré du moment. L'idée
depuis a fait florès.
Un quatre mains
La cessation d'activité imposée au Rouzic, suite à des "circonstances
économiques défavorables", comme le dit pudiquement Kinette Gautier, qui ne
souhaite pas revenir aujourd'hui sur cet épisode extrêmement douloureux, aurait pu
anéantir le couple pour qui ce restaurant était comme leur enfant. A peine Le Rouzic
vendu en août 1994 à la barre du tribunal, Michel Gautier s'inscrivait à la chambre de
commerce de Bordeaux et à la chambre des métiers de la Gironde en tant que chef à
domicile. Ainsi, faute de moyens financiers pour rouvrir un autre établissement et parce
qu'il fallait bien continuer de travailler, la partition à quatre mains se jouerait
désormais ailleurs. Une reconversion facile ? "Nous n'étions pas forcément
préparés à rebondir sur ce type d'activité", reconnaissent d'une seule voix
Michel et Kinette Gautier. Mais forts de leur réputation, le virage a été bien
négocié. D'emblée, la clientèle est trouvée, celle du vin. Les châteaux sont très
demandeurs de prestations de qualité. Cela tombe bien, la complémentarité de ce couple
d'une exigence extrême facilite la reconversion... dans la continuité. Résolument
optimiste, Kinette ne veut retenir que sur les bons côtés de ce redémarrage à zéro. "Finalement,
on continue à faire ce que nous avons toujours fait avec autant de passion et peut-être
avec encore plus d'exigences. Nous recevons dans de belles maisons bordelaises ou dans de
somptueuses salles à manger de châteaux." Le service est assuré par le
château lui-même, l'idéal, ou par les élèves de lycées hôteliers. Michel Gautier
s'efforce de travailler seul en cuisine, ne faisant appel à du renfort qu'à de rares
exceptions comme ce repas de 1 000 couverts au Château Cos d'Estournel avec, entre
autres, 1 000 pigeons à désosser ! Il n'avoue que quelques frustrations. "Dans
la plupart des cas, je dois adapter ma cuisine en fonction des grands crus
sélectionnés." Et puis il y a encore ces devis à réaliser. "Ça
m'agace de voir des gens réclamer des buffets de qualité à des prix ridicules. Ils ne
se rendent pas comptent..." Fort heureusement, il y a tous les autres volets de
leurs activités. Ces séjours à l'étranger, où ils sont reçus comme des princes, et
puis ces cours de cuisine et de dégustations de vins. Pour cela, ils travaillent en
direct ou par l'intermédiaire d'agences de voyage réceptifs haut de gamme spécialisées
dans le vin comme Classic Wine Tours à Bordeaux. Si la perte de leur
établissement reste une blessure que rien ne pourra refermer, Kinette Gautier tient à
dire : "Quoi qu'il arrive dans la vie, il ne faut jamais perdre espoir. On sort
grandi des épreuves. Et malgré nos erreurs, on mérite encore et toujours de réussir.
Aujourd'hui, c'est vrai, il n'y a plus personne pour pousser notre porte. C'est parfois
dur. Mais nous avons aussi trouvé d'autres satisfactions, plus de liberté."
Résolument positive, elle regarde l'avenir avec confiance. "Si l'on vient nous
chercher pour une autre très belle affaire, on est prêt à recommencer avec le même
enthousiasme qu'à nos débuts." La jeunesse n'a pas d'âge.
B. Ducasse
Kinette etMichel Gautier : un couple atypique, la fusion de deux personnalités aussi
fortes l'une que l'autre, et si complémentaires...
En dates
1975
Rencontre coup de foudre entre Kinette et Michel Gautier
1978
Ouverture du Rouzic à Bordeaux dans le quartier de la Bastide, dans la maison familiale
de Kinette Gautier
1980
Déména-gement le 13 décembre du Rouzic dans le centre de Bordeaux, près du Grand
Théâtre.
1994
Août :
vente du Rouzic au tribunal de commerce
Octobre : inscription de Kinette et Michel Gautier en tant que chef à domicile à
la chambre des métiers de Bordeaux et à la chambre de commerce de la Gironde.
2000
Janvier : ouverture d'une cuisine laboratoire qui a obtenu le label qualité
décerné par le Comité de sélection de la chambre des métiers de la Gironde.
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L'HÔTELLERIE n° 2671 Hebdo 22 Juin 2000