Celui qui a inventé, avec la
complicité de son compère Christian Millau, l'idée et surtout la formule de la
"nouvelle cuisine" s'est éteint. Une page se tourne, mais il restera beaucoup
de choses de la passion qu'a mis, quarante années durant, Henri Gault à se battre pour
une certaine idée de la cuisine. Quelque peu visionnaire, n'avait-il pas déjà, voici
maintenant 30 ans, insisté sur ce qui lui paraissait essentiel dans la manière de
cuisiner, dans le rapport que devaient avoir les restaurateurs avec les produits ? Quand
en 1973, il lançait les "dix commandements de la nouvelle cuisine", il parlait
déjà de ce qui préoccupe chaque jour un peu plus les consommateurs aujourd'hui : le
produit. Et de recommander l'utilisation de produits frais, de qualité, sur une carte
allégée pour justement mieux pouvoir respecter les règles élémentaires de
diététique mais aussi pour pouvoir garantir aux clients une qualité de prestation, plus
facile à maîtriser sur une carte courte que sur une carte longue et compliquée... Bien
sûr, il y eut des excès, bien sûr, il y eut des humeurs, des terreurs, des folies et de
nombreuses absurdités... Les dérives sont inéluctables mais avec le temps, la raison
reprend toujours le dessus.
De ces excès peut-être sont nées les vocations des chefs les plus créatifs et
originaux de leur génération. De ces folies, ils ont eu besoin vraisemblablement pour se
dépasser un moment, se découvrir et mieux aboutir aujourd'hui à un art parfaitement
maîtrisé. Cette nouvelle génération de cuisiniers s'est autorisée ce grain de folie
qui lui permet chaque jour de savoir créer autrement, sans pour autant nier les bases
classiques de la cuisine française. Ils ne font pas l'unanimité et c'est tant mieux,
c'est la preuve que leur cuisine devient davantage un art qu'elle ne l'était avant ; ils
ne se contentent plus d'être copistes, ils cherchent eux aussi à apporter quelque chose
de nouveau aux clients, les associations sont quelquefois osées, mais quand les produits
sont de qualité et les techniques parfaitement maîtrisées, les résultats sont toujours
passionnants. Un enrichissement dont devraient s'enorgueillir davantage toutes les
générations de professionnels qui, trop souvent encore, se méfient des plus créatifs,
leur reprochent la liberté de leur parcours, leur manque de classicisme, leur absence de
compagnonnage. De par sa créativité, sa personnalité, chacun d'entre eux enrichit la
cuisine française, c'est la desservir que de se livrer à des guerres d'un autre temps.
PAF
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L'HÔTELLERIE n° 2674 Hebdo 13 Juillet 2000