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Métier
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Les jeunes aujourd'hui
Les employeurs sont désorientés, ils ont en face d'eux des jeunes sereins, déterminés, très à l'aise, qui ont des prétentions, des exigences et qui n'acceptent pas un emploi à n'importe quelles conditions. Des jeunes qui ne se présentent plus comme demandeurs d'emploi, mais comme "offreurs de services". Et quand les choses ne leur conviennent plus, ils trouvent une autre entreprise pour les accueillir... Qui sont-ils vraiment ces jeunes, avec qui il faut savoir bâtir l'avenir de l'entreprise de demain ?
Aujourd'hui, les jeunes qui sortent des écoles hôtelières, en ayant effectué plusieurs stages en entreprise, savent parfaitement qu'ils ont de bonnes cartes en main et considèrent qu'ils n'ont plus besoin d'accepter n'importe quoi dans le seul but d'avoir un emploi. Ils ne veulent plus faire que ce qu'ils aiment, veulent choisir l'entreprise pour sa potentialité à leur permettre une évolution de carrière, pour l'ambiance de travail, pour l'accès aux nouvelles technologies. Ils ne se présentent pas toujours aux rendez-vous pris pour un entretien d'embauche, font preuve dans certains cas d'une certaine impolitesse... Petite revanche de la part de ceux qui ont passé les années de crise en faisant du porte-à-porte pour répondre à des annonces auxquelles on ne donnait pas suite sans pour autant prévenir les postulants. Depuis un peu plus d'un an, le rapport de force a changé et les jeunes diplômés l'ont très bien compris. Ils sont prêts à prendre le temps pour trouver l'entreprise où ils vont s'installer quelques mois, voire quelques années, dans le meilleur des cas. Ils ont déjà fait des stages, connaissent des gens, entendent parler à longueur de temps d'entreprises qui cherchent à recruter... Alors ils ont le temps.
Ils veulent tout
Les années de crise les ont habitués à vivre dans l'instant, même dans la précarité,
avec un peu d'argent de côté, ils vont tenir, ils adapteront leur mode de vie à leurs
revenus. En cas de problème, les parents restent souvent très présents et sont rarement
en conflit avec leurs enfants. Dans l'entreprise, ils s'adaptent vite, posent des
questions sur tout, cherchent à avoir accès à tout, sont pressés, ont souvent plein
d'idées, veulent que les choses aillent vite. Ils sont dans l'entreprise comme ils sont
sur le Web : curieux, rapides, ils zappent, s'intéressent à tout et n'hésitent pas à
faire preuve d'un certain esprit revendicatif. Habitués pendant des années à vivre de
petits boulots, de CDD en CDD, ils ont acquis une capacité d'adaptation telle qu'ils sont
infidèles pour certains, instables pour d'autres, à moins qu'ils ne soient simplement
curieux, pressés, insatiables. Aussi, quittent-ils l'entreprise sur un coup de cur
pour une autre entreprise qui a su mieux les séduire à coup d'avantages
supplémentaires, d'horaires continus, de meilleures conditions de travail, de meilleure
rémunération, quand ce n'est pas à coup de stock options... Et les employeurs ont le
sentiment d'avoir en face d'eux une nouvelle race de garçons et de filles... Ils ont
seulement à faire à une nouvelle génération. Celle-ci revendique, au-delà d'une juste
rémunération de son travail, le droit au plaisir, au plaisir de travailler, mais aussi
à celui de concilier vie personnelle avec vie professionnelle. "Ils veulent tout",
explique avec accablement un responsable de recrutement. "Et pourquoi pas ?",
répondent-ils ! Cette "Net génération" a appris ces dernières années qu'il
était possible, à partir d'un écran, de tout découvrir, de communiquer avec le monde
entier. Pour ces jeunes, à leurs yeux, tout est possible. Ils ne compteront pas leur
temps, ne mesureront pas leur énergie si vous leur confiez une mission en laquelle ils
croient et s'ils savent qu'ils en auront une juste rémunération. Ils sont enthousiastes,
courageux... quand ils y prennent du plaisir. Ils sont pressés et veulent pleinement,
simplement vivre le moment présent sans pour autant se projeter d'une manière très
importante dans l'avenir. Ils aiment le risque, ils sont joueurs, leurs remarques sont
souvent pleines de bon sens, simples, logiques, alors comment faire le lien, comment vivre
en harmonie avec eux ?
Les écouter pour les comprendre
Comment vivent-ils leur métier ? Qu'en attendent-ils ? Autant de questions qu'il faut
savoir se poser pour les comprendre et les intégrer dans de bonnes conditions aux
équipes en place auxquelles ils sont à même d'apporter un sang nouveau. Autour d'eux,
la société évolue très vite, la technologie apporte chaque jour des possibilités de
remise en cause de l'organisation et des méthodes de travail et, pourtant, dans les
entreprises du secteur, on laisse faire. Parce que les valeurs sont celles de la
tradition, très souvent au sein des entreprises, on s'attache à ne rien changer, on
oublie de former les gens, considérant qu'ils sont censés savoir... Le personnel en
place, jeune et énergique, finit par s'user, n'est jamais redynamisé, jamais ressourcé
à travers la formation. Intéressés par la restauration pour ce qu'elle a de dynamique,
pour ce qu'elle permet d'ouverture d'esprit à travers les contacts avec la clientèle,
les jeunes salariés déchantent au fil du temps : horaires, rythme de vie, non-respect
des plannings de travail, incompatibilité avec la vie de famille, avec une vie sociale
équilibrée, absence de promotion interne, sont autant d'éléments qui finissent par les
démotiver : "Si vous ne vous occupez pas de moi, je m'en vais",
préviennent-ils. S'occuper d'eux, une tâche qu'ont ignorée pendant très longtemps les
responsables, une autre manière d'aborder le personnel. Alors que ces dernières années
les hôteliers comme les restaurateurs se sont consacrés à faire venir les clients chez
eux, ils découvrent aujourd'hui, hôtels et restaurants remplis, qu'ils ont négligé le
"marketing" du personnel. Ils ont oublié qu'il fallait aussi savoir attirer les
meilleurs collaborateurs, qu'il fallait être à leur écoute pour répondre à leurs
attentes, pour les satisfaire.
Moins dociles et plus exigeants
Parce qu'ils intègrent le marché du travail de plus en plus tard, ils sont moins dociles
et d'autant moins disposés à accepter l'autorité d'un patron, autorité qu'ils ne
connaissent presque plus du côté parental et qui s'est considérablement diluée aussi
du côté de l'institution scolaire. Parce qu'ils ont accès à de très nombreux moyens
de communication, ils sont de plus en plus ouverts sur le monde et pensent, dès lors,
savoir de plus en plus de choses même s'ils les connaissent mal. Aussi, sont-ils plus
impatients, plus rebelles et ne sont pas disposés à accepter n'importe quelles
conditions de travail, de vie. Depuis leur plus petite enfance, on leur apprend à vivre
dans la précarité, ils ne recherchent donc plus du tout la sécurité à n'importe
quelle condition, la précarité ne les angoisse plus, c'est une notion qu'ils ont
intégrée, ils savent se contenter de peu quand il le faut. Ce qu'ils veulent, dans le
cadre de leur vie professionnelle, c'est être reconnus, intégrés. Ils ne supportent pas
d'être ignorés par l'institution, par l'entreprise. Ils veulent servir à quelque chose,
jouer un rôle, être pris au sérieux. Leur rapport avec l'autorité est clair : ils
l'acceptent si elle émane de quelqu'un qu'ils respectent sur le plan humain et
professionnel. Autrement, ils la refusent. Ils ont besoin d'être encadrés par des
règles claires, bien définies, justes et logiques. Ils veulent les moyens de vivre autre
chose aussi en dehors de leur vie professionnelle. Pour eux, la rémunération est un
élément important et, dans la mesure où si elle n'est pas suffisante à leurs yeux, par
rapport à d'autres secteurs, à niveau de formation et à charge de travail équivalents,
elle deviendra vite démotivante. Et ils iront voir ailleurs... et quitteront
définitivement l'hôtellerie-restauration.
Aujourd'hui, les jeunes sont dans l'entreprise comme ils sont sur le Web : curieux,
rapides, ils zappent, s'intéressent à tout et n'hésitent pas à faire preuve d'un
certain esprit revendicatif.
Pour motiver les jeunes, il faut
* Leur offrir un projet de vie professionnelle cohérent au sein de l'entreprise
* Discuter avec eux, les écouter, comprendre leur langage pour mieux les appréhender
* S'intéresser à leur manière de vivre pour comprendre leur mode de fonctionnement,
leurs attentes
* Leur consacrer du temps pour leur expliquer ce que vous attendez d'eux
* Etre exigeant dès le départ, avec eux et avec vous-même, fixer les règles du jeu
et faire en sorte de les faire respecter
* Quand ils sont très jeunes, impliquer leurs parents, même si c'est compliqué, à
leur cursus professionnel, à leur évolution, à leur métier, afin de les avoir comme
soutien pour les pousser à s'investir, à s'intégrer et pour valoriser les efforts du
jeune auprès du milieu familial
* Cesser de faire référence à ce que vous avez vécu au même âge, à la manière
dont vos maîtres vous ont traités
* Les encourager, les convaincre qu'avec des efforts, ils ont la capacité de bien
faire, d'évoluer, d'avoir une vie professionnelle riche
* Respecter les règles que vous imposez en matière de temps de travail, de congé
hebdomadaire, organiser vos équipes de manière à avoir des plannings à l'avance
* Respecter les plages de temps libres de vos salariés et leur vie privée
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L'HÔTELLERIE n° 2683 Supplément Formation 14 Septembre 2000