Depuis plusieurs années maintenant, partout en France, les cuisiniers consacrent
quelques heures de leur temps, pourtant fort précieux, pour aller rencontrer les enfants
dans les écoles et leur parler de ce qu'ils mangent. Parce que l'enfance est la saison
des découvertes et des émerveillements,
ces rencontres sont toujours de grands moments de complicité entre les chefs et les
enfants. Quoi de plus extraordinaire que de les aider à découvrir de nouvelles
sensations, de les étonner avec des odeurs, avec des histoires, avec des goûts. Une
invitation à la gourmandise, au plaisir et à la découverte d'un monde qui fascine
toujours ces enfants curieux de tout. Une opération dont on mesurera certainement
l'intelligence et l'utilité dans quelques dizaines d'années, quand ces enfants devenus
adultes, et donc libres de choisir leur mode d'alimentation, seront alors plus exigeants
envers ce qu'ils trouveront tant dans les restaurants que dans les cantines scolaires ou
dans les rayons des supermarchés. Apprendre dès l'enfance aux gens qu'il est essentiel
de prendre du plaisir à manger parce que les aliments ont du goût, une texture, une
couleur, une odeur, est primordial, c'est restituer l'aliment au cur de la vie,
c'est apprendre à le respecter, à le valoriser. Ce n'est qu'à travers cette culture du
plaisir que la gastronomie pourra survivre et s'enrichir. Ce n'est qu'en initiant les
enfants dès leur plus jeune âge au goût des choses que demain certains d'entre eux
seront tentés d'aller plus loin, et voudront se lancer, eux aussi, dans l'histoire
fantastique et passionnante de la magie des goûts, et s'investiront dans l'apprentissage
de la cuisine. Ces métiers, qui sont des métiers de passion, sont aussi et surtout des
métiers qui font appel à des souvenirs d'enfance, à des odeurs, à des goûts, à des
bruits. On ne peut cuisiner sans ces références, on ne peut donner une âme à sa
cuisine que si l'émotion est réelle. Les cuisiniers qui se contentent d'appliquer à la
lettre une recette ne sont que des techniciens dont la cuisine n'a pas d'âme, et ils ne
peuvent trouver de réel plaisir à ces manipulations quotidiennes, dénuées de tout
hédonisme. Apprendre aux enfants le plus vite possible que ce qu'ils mangent est
important, que les produits ont une histoire, un goût propre à chacun, c'est leur ouvrir
les portes de plaisirs sans cesse renouvelés dont ils seront toute leur vie imprégnés.
PAF
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L'HÔTELLERIE n° 2687 Hebdo 12 Octobre 2000