Chaînes de restauration
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Depuis quelques années, le besoin de rendement de la restauration a obligé bien des chaînes à centraliser la production, le stockage et la préparation de plats afin d'optimiser les coûts et la rentabilité. Pour autant, il ne semble pas qu'on soit déjà dans le scénario de L'aile ou la cuisse.
Une cuisine centrale est un endroit délocalisé par rapport au lieu de consommation où les plats sont stockés, surgelés, régénérés ou préparés. Cette méthode, très pratiquée dans la restauration collective, s'impose depuis quelque temps dans la restauration commerciale, principalement dans les chaînes. Pour autant, peu nombreuses sont les enseignes qui avouent franchement posséder une cuisine centrale. Le syndrome Chez Margot est passé par là où un reportage de l'émission Capital avait provoqué un tollé auprès du public. Du côté des restaurateurs indépendants, le système semble avoir du mal à percer même si, grâce aux industriels, on y arrive tout doucement. Aujourd'hui, on ne parle plus seulement de cuisine centrale, de boucherie centrale ou de laboratoire central, mais également d'unité de production ou encore de plateformes. Ces mots caractérisent à la fois les activités de production et de distribution des plats qui reposent sur une organisation rigoureuse.
Un enjeu stratégique pour les chaînes
Les progrès industriels et les coûts d'exploitation (personnel, matières premières,
énergie...), relativement élevés dans la restauration, ont incité plus d'un
restaurateur à concentrer la production ou le stockage de nourriture. Les cuisiniers des
restaurants sont alors dispensés de réaliser les travaux de préparation et se
concentrent sur l'assemblage, le réchauffage, et l'envoi des plats. Pour Christophe
Carraux, directeur marketing de la chaîne El Rancho, la centralisation de la production
et des achats est indispensable à partir de 5 unités de restauration. La chaîne dispose
de plusieurs plateformes non seulement pour regrouper les produits surgelés mais aussi
pour les produits frais. "La plateforme achète le guacamole et les tortillas en
grande quantité 6 mois à l'avance pour nos 16 unités", commente-t-il. Mais
l'enseigne reste maître de ses achats car c'est elle qui choisit les produits. Il est
vrai que ce système apporte beaucoup d'avantages. "La société El Rancho est
trop petite pour pouvoir assurer les coûts liés au transport et à la logistique",
poursuit Christophe Carraux. Il faut dire que c'est un gain de coût et de temps
considérable pour le restaurateur. L'achat groupé de matières premières auprès de
l'intermédiaire permet d'abaisser les prix de revient et d'améliorer la productivité de
la chaîne qui ne se soucie plus que de la traçabilité du produit. L'hygiène et la
qualité sont alors sous un contrôle optimal. "Le produit doit être calibré de
la même manière pour qu'il n'y ait pas de différence d'un restaurant à l'autre",
affirme un restaurateur converti au système.
Une organisation tripartite
Cette organisation impose un cahier des charges rigoureux entre la chaîne de restaurant,
l'intermédiaire et le producteur. La qualité et la quantité de nourriture produite
doivent correspondre aux attentes de la chaîne et du client final, le consommateur.
Généralement, les producteurs s'adaptent aux besoins exprimés. "Nous fabriquons
des portions individuelles ou des multiportions de terrines pour les chaînes Buffalo
Grill et Léon de Bruxelles", déclare Pierrick Cartier, responsable de
production chez CP Salaison. "Avant, les chaînes avaient des pertes de
nourriture, alors elles ont décidé de faire du sous vide pour aligner la gestion des
stocks sur la demande du consommateur", ajoute-t-il. La société produit près
de 500 kg de terrine par semaine pour Buffalo Grill, et lui propose des tranches de deux
fois 50 grammes par portion. De son côté, Fleury Michon, un des leaders de la
production, sort 2 gammes de produits dans l'année, et réajuste le conditionnement si
cela ne convient pas aux chaînes de restaurants et aux restaurateurs. C'est à cette
phase que le distributeur ou intermédiaire intervient. "Nous achetons les
produits fabriqués au producteur pour les distribuer ensuite vers les chaînes de
restaurants", explique un professionnel. Il existe rarement un lien direct entre
le restaurateur et le producteur. C'est le distributeur qui joue l'intermédiaire de la
prise de commande au stockage. La livraison se fait souvent par les transporteurs des
chaînes de restaurants, car on imagine mal l'effet sur les consommateurs de voir des
camions d'une société productrice se garer devant un restaurant et décharger les
produits surgelés ou sous vide. Si ce n'est pas le producteur qui assure la livraison,
c'est l'intermédiaire dans des camions banalisés. Dans ce cas, il existe deux types de
destinataires : soit le distributeur livre la commande directement aux restaurants des
chaînes -le respect des horaires de livraison est dès lors déterminant pour la bonne
organisation de l'unité et pour sa crédibilité auprès de la clientèle- soit il livre
la marchandise aux cuisines centrales des enseignes. C'est à cet endroit que les plats
seront stockés, puis apprêtés pour les redistribuer ensuite aux différentes unités.
Avec la rationalisation de la restauration, la fourniture de produits finis ou semi-finis
a encore de beaux jours devant elle.
M. Guillot
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Les consommateurs restent méfiants Du côté des principaux intéressés, les consommateurs, le sujet reste encore tabou. Une enquête réalisée pour American Express, il y a quelques années, indiquait déjà que 72 % des personnes interrogées déclaraient ne pas souhaiter prendre leurs repas dans un restaurant dans lequel "la carte serait exclusivement composée de plats surgelés ou conservés sous vide et réchauffés au micro-ondes". Une étude de Coach Omnium, effectuée en 1998 auprès des clients de la restauration, indiquait que 48 % des consommateurs étaient prêts à tolérer l'utilisation du sous vide ou du surgelé en restauration. A la condition que cela se passe dans le cadre d'une cuisine d'assemblage et que le cuisinier apporte une vraie valeur ajoutée aux plats. Cette considération est à prendre en compte surtout pour les repas 'fonction' et habituels qui se déroulent au restaurant, à l'occasion des journées de travail. Bien sûr, plus on monte en gamme de restauration, plus on fréquente un restaurant de fête, plus on paie cher son repas, et plus on exige que les plats soient composés à partir de produits frais. Aujourd'hui, bien que les consommateurs soient habitués à utiliser du sous vide ou des surgelés chez eux, ils veulent justement retrouver autre chose quand ils vont au restaurant. Le dépaysement est la règle. |
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L'HÔTELLERIE n° 2691 L'Hôtellerie Économie 09 Novembre 2000