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Ces autodidactes qui trouvent leur place

Le métier de restaurateur a toujours attiré les foules, et même les novices en la matière se piquent au jeu. Les raisons de leur reconversion sont multiples. En attendant, si certains ont très vite rendu leur tablier, quelques-uns ont réussi à se faire une place au soleil malgré les difficultés du métier.

 
Michel Porcel

 
Olivier Roellinger.

Tous les restaurateurs n'ont pas fait l'école hôtelière. Tous n'ont pas une formation spécifique au métier de cuisinier. Au quotidien, il n'est pas rare de rencontrer des professionnels autodidactes. Ils seraient même chaque jour plus nombreux au dire de Francis Attrazic, président de la Fédération nationale des restaurateurs. En effet, "la profession est ouverte à tous, l'ouverture d'un établissement ne nécessitant aucune qualification particulière", explique notre interlocuteur. Chez les étoilés Michelin, les exemples de parfait self-made-man sont plus rares, mais existent aussi contre toute attente. "Même quand ils se considèrent autodidactes, il est fréquent de découvrir qu'ils ont effectué un passage en cuisine dans une grande maison", assure Jean-Frédéric Duroux, responsable des relations presse du guide Michelin. En attendant, ceux qui ne sont pas du sérail ont une histoire à raconter qui ne ressemble à aucune autre.

Hasard ou vocation rêvée ?
Les motivations du futur restaurateur sont multiples et variées. "Balayons des exemples les saisonniers qui s'installent durant quelques semaines dans les stations de vacances pour amasser le maximum d'argent en un minimum de temps, avec des meubles de plastique et de la tambouille de cantine", insiste un restaurateur. Loin de ceux-là, la passion de la gastronomie a poussé Bernard Jeanson - actuel patron de l'Auberge de Kerbourg à Saint-Lyphard (44) et ancien assureur - à ouvrir un restaurant. La découverte de la cuisine durant ses jobs d'été dans un restaurant familial lui a transmis le virus du métier. Michel Porcel, quant à lui, a découvert le métier par hasard. En aidant un ami restaurateur, l'actuel directeur de la chaîne de restaurants Restoleil s'est découvert une nouvelle vocation. "Je me suis lancé dans ce métier par instinct. J'ai quitté mon poste de cadre dans une entreprise textile pour devenir serveur dans un restaurant d'altitude à Val-Thorens, grisé à l'idée de changer complètement d'activité." Pour d'autres, ce sont les aléas de la vie qui les ont entraînés vers cette nouvelle expérience. Pour l'un, la perte d'un emploi l'a décidé à se lancer dans la cuisine. Pour l'autre, un événement tragique a été déterminant. Victime d'un accident qui a failli lui coûter la vie, Olivier Roellinger, chef de la maison de Bricourt à Cancale et étoilé Michelin, porte depuis ce jour un autre regard sur le monde. "J'ai choisi de laisser derrière moi ma formation scientifique pour passer un CAP de cuisinier et accueillir des hôtes adeptes de bonne cuisine dans la maison familiale."
Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais nos restaurateurs improvisés ont souvent dû suivre un parcours semé d'embûches. "Dès le départ, j'ai rencontré des difficultés : d'abord le doute de quitter un poste stable et confortable. Ensuite, les mises en garde de mon entourage", témoigne un nouveau venu. En attendant, la principale difficulté est de trouver des financements.

Un parcours épineux
Depuis plusieurs années, les banques tendent à sélectionner avec de plus en plus de circonspection les projets qu'elles ont à financer. "Nous regardons avant tout le parcours professionnel de la personne qui demande un prêt. Sans expérience, nous n'envisageons même pas d'examiner le dossier", explique un banquier. Enfin, au quotidien, le métier n'est pas facile car "sans formation, on n'a aucun repère", souligne Olivier Roellinger. Le métier de restaurateur est polyvalent et exige non seulement des talents de cuisinier, mais également des talents de gestionnaire, de manager et d'hôte d'accueil. "D'ailleurs, quand vous n'êtes pas du sérail, on considère souvent que vous faites de la dînette", raconte le patron de la maison de Bricourt. Nombreux sont ceux qui s'insurgent contre l'invasion intempestive des novices dans le métier et militent pour la mise en place de garde-fous, comme la création d'un certificat de qualification professionnel. Face à cela, pour le fameux Guide Rouge, c'est la qualité des produits et la façon dont ils sont travaillés qui comptent. "Même si on ne fait pas table rase du passé, on ne va pas vérifier le CV du chef ou de l'équipe de cuisine", précise Jean-Frédéric Duroux.

Un regard neuf
Reste que certains autodidactes ont parfois mieux réussi que certains professionnels bardés de diplômes. Ils ont souvent des qualités que d'autres n'ont pas. Une des clés de la réussite de Michel Porcel est la gestion des hommes. C'est dans son ancien métier qu'il a appris à diriger une équipe. Son goût du contact est un atout non négligeable dans ses rapports avec la clientèle. "Il faut se nourrir des gens." Beaucoup doivent d'ailleurs leur succès à la juste perception qu'ils ont de leur clientèle. "Le respect du client passe par le respect du produit", défend Bernard Jeanson. Pour Olivier Roellinger, "le client est le vrai juge de paix et personne ne saura mieux que lui si vous jouez juste". Enfin, le patron de la maison de Bricourt donne une vraie leçon d'humilité. Etoilé au Michelin, il ne cesse pourtant de douter : "Un restaurateur doit toujours se remettre en question. C'est un moyen sûr et incontournable pour évoluer. Il ne faut d'ailleurs pas hésiter à rencontrer les grands chefs et demander conseil aux professionnels installés." Avec les contraintes du métier de restaurateur et les difficultés à rentabiliser une affaire, on pourrait croire que ces nouveaux venus sont des allumés. Ils le sont peut-être. Mais ce sont surtout des passionnés, ce qui les rend d'autant plus sympathiques.
A. V.

« J'ai quitté mon poste de cadre, grisé à l'idée de changer d'activité »


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L'HÔTELLERIE n° 2691 L'Hôtellerie Économie 09 Novembre 2000


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