Tourisme
Réunis en forum à Lille le 22 novembre dernier, les représentants des quinze pays de l'Union européenne en charge du tourisme ont uvré afin de renforcer leur coopération. Une démarche délicate, chacun ayant des intérêts différents
à défendre.
Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au Tourisme : "La mondialisation et le phénomène de concentration des opérateurs touristiques ne sont pas sans conséquence, à terme, sur les structures de distribution et de production constituées en majorité de petites et moyennes entreprises."
Avec 392,4 millions de
visiteurs étrangers et quelque 275 milliards d'euros de recettes en 1999, l'Europe est
indiscutablement la première destination touristique. Une domination qui va s'accentuer
dans les années à venir puisqu'un doublement des flux touristiques est d'ores et déjà
prévu selon l'Organisation mondiale du tourisme (OMT) d'ici à 2020. Malgré ces chiffres
impressionnants et des prévisions de même envergure en termes d'emplois (le tourisme
pourrait créer de 2,2 à 3,3 millions d'emplois supplémentaires aux 9 millions
existants), ce secteur d'activité ne relève toujours pas de la compétence
communautaire.
Pourtant, les ministres en charge du tourisme sur le Vieux Continent s'accordent tous à
reconnaître qu'une coopération européenne s'avère nécessaire quant à l'évolution de
ce secteur dans les années à venir. D'autant plus que ce dernier traverse, actuellement,
une période de concentration musclée. Michelle Demessine figure bien sûr parmi les plus
virulents défenseurs de cette politique européenne du tourisme. Raison pour laquelle
elle a d'ailleurs organisé la semaine dernière, à l'occasion de la présidence
française de l'Union européenne, un forum de travail avec ses homologues européens.
"L'explosion des flux touristiques en Europe mérite que nous réfléchissions en
effet à une politique concertée", a ainsi indiqué la ministre nordiste,
candidate sur la liste de Martine Aubry lors des prochaines municipales à Lille. Au cours
de ces travaux, auxquels participait pour la première fois Errki Likkanen, commissaire
européen aux entreprises, plusieurs thèmes ont été abordés. Notamment la conciliation
entre l'idée d'un tourisme durable, le développement, l'emploi et le respect des
territoires.
Consensus, mais pas résolution
Au terme de cette manifestation qui a réuni quelque 300 participants, Michelle Demessine
aurait évidemment souhaité communiquer une résolution commune concernant les grands
axes d'une politique européenne du tourisme. Hélas, il est difficile de mettre tout le
monde d'accord. D'autant que chacun défend des intérêts, parfois opposés. Les
représentants des Quinze en charge du tourisme ont tous souligné l'importance du secteur
comme facteur de développement de l'Europe économique et sociale. Ils ont également
affiché des intentions analogues quant à la mise en place d'une politique de
développement touristique durable au service et pour le bien-être des habitants de
l'Union européenne. Même consensus au sujet de l'élaboration d'indicateurs de qualité
pour favoriser l'amélioration de la qualité de l'offre touristique, et la nécessité de
mener une action coordonnée pour endiguer les problèmes liés à la formation et aux
conditions de travail dans le secteur. Durant les débats, Michelle Demessine a d'ailleurs
précisé que "la pression qui s'exerce aujourd'hui sur le marché du travail,
dans tous les pays de l'Union, la faible attractivité des emplois du tourisme, liée aux
conditions de travail difficiles et aux faibles rémunérations, peuvent entraîner un
blocage du développement touristique en Europe".
Concentration du secteur
En revanche, les discussions ont achoppé au sujet du droit aux vacances pour tous dans
les pays de l'Union. Tout comme l'idée d'un véritable financement d'une politique
européenne. Ou bien encore la mise en place d'une démarche commune concernant les
risques associés à la concentration des acteurs du tourisme. Et pour cause ! Sur ce
dernier point, les pays européens ne peuvent adopter que des attitudes différentes
suivant leurs positions respectives sur le marché européen. D'ailleurs le Nord et le Sud
sont clairement en opposition sur ce problème.
Si la secrétaire d'Etat au Tourisme français s'inquiète du phénomène de globalisation
et de concentration des opérateurs touristiques, son homologue britannique, Janet
Anderson, voit bien entendu les choses sous un autre angle. Alors que la Grande-Bretagne
figure parmi les marchés les plus concentrés au monde, tout comme l'Allemagne, Janet
Anderson estime en effet "qu'il existe encore beaucoup d'opérateurs indépendants
sur son territoire". Par contre, Mauro Fabris, secrétaire d'Etat italien,
affirme que "la concentration des acteurs du tourisme doit être traitée dans le
cadre de la politique européenne".
C. Cosson
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L'HÔTELLERIE n° 2694 Hebdo 30 Novembre 2000