Réduction du temps de travail
La semaine dernière, tous les syndicats patronaux ont été convoqués par le cabinet d'Elisabeth Guigou, ministre de l'Emploi et de la Solidarité afin de connaître leurs positions sur la réduction du temps de travail. Si le gouvernement est prêt à accompagner les professionnels dans cette démarche, il a insisté sur la nécessité de parvenir à un accord de branche dans les semaines qui viennent, faute de quoi il serait conduit à intervenir par un décret qui ne satisferait ni le collège patronal, ni le collège salarial.
Si la profession ne parvient pas
à conclure un accord, le gouvernement tranchera avec un décret.
Pour participer à la
réunion de la commission mixte paritaire du 18 décembre dernier, et poursuivre les
négociations, le Syndicat français de l'hôtellerie (SFH) et le Syndicat national des
restaurateurs, limonadiers et hôteliers (SNRLH) avaient posé comme condition sine qua
non l'obtention de l'engagement ferme du gouvernement d'accompagner la profession dans sa
démarche de réduction du temps de travail, en lui accordant des allégements de charges
spécifiques.
C'est ensemble que ces deux centrales patronales ont été reçues dès le 12 décembre
2000 par un conseiller technique du cabinet d'Elisabeth Guigou. Après avoir rappelé
l'engagement non tenu du gouvernement de réduire les charges patronales sur les avantages
en nature nourriture en 4 étapes de 25 % chacune, les deux syndicats ont obtenu du
cabinet d'Elisabeth Guigou son engagement sur la signature d'un décret dans les plus
brefs délais, afin de permettre l'application de cette réduction promise de 50 % puis de
75 % sur les charges des avantages en nature.
Au cours des deux heures de discussion, les pouvoirs publics ont montré leur volonté de
répondre aux efforts qui seraient faits par la profession pour réduire progressivement
le temps travail de 43 heures à 35 heures.
Il leur a été précisé que, dès la signature de l'accord, les CHR pourraient
bénéficier des allégements de charges prévus par la loi Aubry pour la première étape
de la réduction de 43 heures à 39 heures, ainsi que l'exonération totale des charges
sur les avantages en nature. Qu'en outre, le gouvernement était conscient du coût
financier pour cette branche de réduire de 8 heures la durée du temps de travail, et
qu'à cet effet, différentes mesures d'accompagnement seront envisagées. A la
délégation patronale d'y réfléchir.
Quant à la CPIH, c'est le 15 décembre que la centrale de la rue Barye a été convoquée
au cabinet d'Elisabeth Guigou. Elle se félicite de la position du gouvernement qui
s'engage à accorder sans condition l'exonération des charges patronales sur les
avantages en nature, et ce, avec effet rétroactif. Il a été précisé à la CPIH que la
réduction du temps de travail pourrait s'appliquer dans un premier temps sur une base de
39 heures dans le seul cadre d'un accord de branche qui planifierait la mise en place des
35 heures. Si la profession ne parvenait pas à conclure cet accord de branche, le
gouvernement interviendrait par décret pour réduire le temps de travail dans les CHR,
sans permettre l'octroi allégements de charges.
Quant à la position de la CPIH d'aller vers les 35 heures, son président Rolland Magne a
précisé : "Nous ne sommes pas hostiles aux 35 heures, dès l'instant où les
pouvoirs publics s'engagent à nous accorder une compensation financière suffisante,
adaptée à la profession, afin d'y parvenir sans mettre en péril l'équilibre de nos
établissements. En complément, nous avons insisté sur notre désir de voir mettre en
place un plan emploi spécifique à nos métiers, qui prendrait en compte la valorisation
de métiers par la formation, la motivation du personnel et les appuis conseils."
Et de conclure : "A partir d'aujourd'hui, nous considérons que les prochaines
négociations paritaires se feront avec trois partenaires, les employés et les salariés,
mais aussi l'Etat qui devient l'interlocuteur incontournable pour obtenir des accords."
Lors de la commission mixte paritaire du lundi 18 décembre, le SFH et le SNRLH ont
présenté leur projet de RTT qui prévoit une réduction d'horaires de 43 heures à 35
heures, avec un échéancier qui va jusqu'en 2008 pour les entreprises de moins de 20
salariés. Projet qui instaure dans un premier temps un abaissement de la durée du temps
de travail à 39 heures avec parallèlement les allégements de charges de la loi Aubry.
Puis dans un deuxième temps, une réduction progressive pour aller à 35 heures qui
s'accompagne, à chaque étape, d'allégements de charges en rapport pour rendre la mesure
la plus neutre possible pour les entreprises. De son côté, l'Umih a réaffirmé sa
position sur une négociation, sur la base de 39 heures et non pas 35 heures, suivie de la
mise en place d'un observatoire de l'emploi, afin d'étudier la possibilité de réduire
ultérieurement et éventuellement le temps de travail à 35 heures pour les CHR. On
constate des désaccords importants au sein des centrales patronales.
Si la proposition du SFH et du SNRLH ne satisfait pas entièrement les salariés, ils
reconnaissent qu'elle a le mérite d'exister et leur donne la possibilité de négocier
sur un texte.
Vers une ultime négociation
Ces propositions ont été loin de déclencher l'enthousiasme parmi le collège salarial,
qui déplore les divergences patronales. La CGT se déclare déçue : "La
proposition de l'Umih bloque les négociations en ne voulant pas s'engager sur les 35
heures. Pourtant le ministère a été très clair, en déclarant 'vous devez
négocier très rapidement, sinon on prendra des mesures qui n'avantageront ni les
salariés ni les employeurs'. Comment voulez-vous qu'on accepte la proposition de
l'Umih, quand on voit ce que cela a donné pour la convention collective. On ne leur fait
plus confiance, on ne peut pas leur signer un chèque en blanc."
Quant à la CFTC, elle se déclare perplexe face à cette dernière réunion : "On
se trouve dans une situation ambiguë, on n'a pas l'impression que les négociations
avancent. Le texte présenté par le SFH et le SNRLH est très complexe, et surtout il
demande à être précisé. En effet, prévoir une réduction du temps de travail avec un
échéancier qui va jusqu'en 2008, c'est irréaliste. Même l'Etat ne peut s'engager pour
des aides dans un temps si éloigné. En outre, ce texte est imprécis et demande à être
clarifié. Il semblerait que les employeurs veulent remettre en cause les avantages en
nature, en arguant du fait que, s'ils doivent rentrer dans le droit commun, ce sont toutes
les dispositions du droit commun qu'ils entendent appliquer. D'un autre côté, ils
parlent de salaires différentiels, mais on ne sait pas sur quelle base. Mais il est
étonnant de constater la position de l'Umih et de la Fagiht, quand on sait que chacune
des organisations patronales a été reçue par le ministère et a donc bénéficié de la
même information, à savoir que si on ne parvenait pas à négocier rapidement un accord
de branche, le gouvernement prendrait un décret. Ce qui veut dire que les entreprises du
secteur seront obligées d'appliquer tout de suite 39 heures, et sans bénéficier
d'allégements de charges."
Par conséquent, la CFTC a prévu de réunir un groupe de travail le 3 janvier prochain
afin d'étudier le projet d'accord de ces deux syndicats, mais surtout pour préparer les
contre-propositions qu'ils présenteront lors de la prochaine commission mixte paritaire
du 11 janvier 2001.
Réunion que tous les partenaires ont qualifiée d'ultime ou de la dernière chance.
P. Carbillet
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L'HÔTELLERIE n° 2697 Hebdo 21 Décembre 2000