Viande de buf
Après le retrait par Carrefour d'une tonne de viande soupçonnée de provenir d'un troupeau renfermant un animal contaminé ESB (Encéphalopathie spongiforme bovine) non déclaré, le gouvernement français et l'Union européenne ont pris toute une série de mesures pour lutter plus efficacement contre cette maladie. La France, au nom du principe de précaution, est précurseur et joue la transparence. Le 13 décembre dernier, elle annonçait le dépistage de tous les bovins de plus de 30 mois à partir de janvier 2001.
Dossier réalisé par Bernadette Gutel
Pour éliminer les animaux à risque de la chaîne alimentaire,
les animaux
de plus de 30 mois subiront un test ESB dès janvier 2001
La Grande-Bretagne a mis en évidence les premiers cas d'ESB en novembre 1986. En 1987, elle relevait déjà 30 à 40 nouveaux cas par mois. En juillet 1988, la Grande-Bretagne interdit donc l'utilisation des farines carnées dans l'alimentation de son cheptel bovin. Les cours de ces farines ayant fortement chuté en Grande-Bretagne, beaucoup de pays européens attirés par les prix compétitifs en ont importé de grandes quantités. D'ailleurs, la Grande-Bretagne pouvait, en toute légalité européenne, continuer à exporter ses farines animales qu'elle proscrivait sur son territoire pour son cheptel bovin et propager ainsi la maladie de la vache folle. Aucune interdiction n'avait été décidée par le Parlement européen. Et quand la Grande-Bretagne a interdit la consommation des abats bovins en janvier 1990, ils n'ont pas été détruits mais également exportés en France et ailleurs. Les importations françaises auraient été multipliées par 13 voire par 15 jusqu'en mars 1990, date à laquelle l'exportation des abats bovins en provenance de Grande-Bretagne vers les pays de l'Union européenne a été interdite, mais pas vers les pays tiers. En août 1989, le gouvernement français émettait un avis aux importateurs qui leur interdisait d'importer des farines animales de Grande-Bretagne, sauf s'ils pouvaient garantir que ces farines n'étaient pas destinées à l'alimentation des bovins et ovins (ruminants). En juillet 1990, la France interdisait l'utilisation de farines animales dans l'alimentation des bovins, mais pas pour les volailles et les porcs (cette interdiction a été étendue aux ovins en 1994), et décidait en décembre 1990 de mettre en place un réseau d'épidémio-surveillance de l'ESB. La France a été le premier pays européen avec la Grande-Bretagne à mettre en place un tel système. Ce réseau de surveillance de l'ESB repose au départ sur la vigilance des éleveurs et la compétence des vétérinaires. Tout animal suspecté d'être atteint d'ESB doit être déclaré. Une fois euthanasié, son cerveau est analysé. Si le diagnostic est confirmé, tous les animaux du troupeau sont abattus. Par ailleurs, ils sont examinés avant l'abattage afin de détecter ceux qui sont malades et d'éviter qu'ils soient abattus pour la consommation humaine. Toutes les carcasses sont également inspectées afin de vérifier la salubrité de la viande. Les carcasses reconnues propres à la consommation sont estampillées. Trois mois après sa mise en place, le réseau d'épidémio-surveillance a démontré que le mal était fait : le premier cas d'ESB a en effet été détecté en France en février 1991. Le 21 mars 1996, la France a été le premier pays à décréter l'embargo sur le buf britannique, après l'annonce possible de la transmission de la maladie de la vache folle sous la forme d'une nouvelle variante de maladie de Creutzfeldt-Jakob. Et le 27 mars, cet embargo a été décrété à l'échelon européen.
MRS et tests prionics
Après l'embargo sur la viande de buf britannique, toute une série de mesures
supplémentaires ont été mises en place, basées sur le principe de précaution afin de
limiter les risques, de rassurer le consommateur et de préserver la filière bovine.
* Juillet 1996 : interdiction de commercialisation des MRS
Après avoir interdit en mars 1990 l'importation des abats britanniques potentiellement à
risque, en 1996, la France généralise sur son territoire l'interdiction de certains
organes et tissus de bovins (cervelle, moelle épinière, rate, yeux, amygdales) reconnus
comme pouvant être infectants et donc dangereux. Ces organes et tissus sont appelés Matériels
à Risque Spécifiés ou MRS. Ces MRS sont saisis à l'abattoir et incinérés. Lors
du dernier trimestre 2000, les intestins de buf (1), y compris les graisses
mésentériques (1) (graisses viscérales), le thymus (1) (ris de veau), et la colonne
vertébrale de buf sont ajoutés à la liste des MRS. Ainsi, saucissons, saucisses,
andouilles et andouillettes ne doivent plus contenir d'intestin de buf, et T-Bones
et côtes de buf non détalonnés sont interdits. Depuis octobre 2000, une décision
de la Commission européenne a imposé aux Etats membres le retrait de certains abats à
risque. La liste communautaire des abats interdits est cependant moins restrictive que
celle applicable en France.
(1) Les dispositions sur ces 3 produits seront revues en 2001.
* Août 2000 : mise en place d'un programme pilote de
dépistage de l'ESB
Le gouvernement français décide d'estimer l'importance de la contamination par l'ESB du
cheptel bovin français en utilisant le test prionics. Ce programme prévoit de tester 48
000 bovins de deux ans et plus (bovins morts de mort naturelle, bovins euthanasiés, et
bovins abattus d'urgence pour cause d'accident), d'abord dans les régions les plus
touchées : Bretagne, Basse-Normandie et Pays de la Loire, puis dans les autres régions.
Les premiers tests mettent rapidement en évidence des cas de vaches folles.
L'alimentation étant reconnue comme la principale source de contamination, les experts en
déduisent que ces animaux ont été contaminés par la consommation de farines animales
malgré l'interdiction dans leur alimentation décidée en juillet 1990. Cette
consommation aurait pour origine des contaminations croisées accidentelles ou
frauduleuses chez les fabricants d'aliments pour animaux ou chez les éleveurs. Les
Français s'inquiètent de voir grimper chaque semaine le nombre de cas d'ESB détecté
mais continuent à consommer de la viande bovine. C'est pourtant la preuve que le réseau
d'épidémio-surveillance n'est pas efficace. Quand le 21 octobre 2000, Carrefour retire
une tonne de viande bovine en provenance d'un troupeau où un animal malade a été
trouvé (2), ils paniquent. Ils n'ont plus confiance dans le système
d'épidémio-surveillance. Certains établissements scolaires décident de supprimer la
viande des menus. Les Français baissent leur consommation de viande de l'ordre de 40 %.
(2) Cet animal repéré par un vétérinaire lors du contrôle n'a pas été introduit
dans la chaîne alimentaire.
* 14 novembre 2000 : interdiction d'utiliser des farines dans
l'alimentation de tous les animaux, même des animaux de compagnie
Mais pour que cette mesure soit efficace, il faut qu'elle soit prise par l'ensemble des
pays de l'UE. La France a proposé cette mesure à Bruxelles. Des pays comme l'Allemagne,
l'Espagne, l'Italie..., qui se disent indemnes d'ESB alors qu'ils ont comme la France
importé des farines contaminées de
Grande-Bretagne, s'opposent à cette décision. Ils acceptent cependant d'entreprendre un
programme de dépistage de l'ESB avant janvier 2001 pour les bovins à risque, et juillet
2001 pour les autres. Cependant, une semaine après, l'Espagne et l'Allemagne annoncent
les premiers cas d'ESB dans leur cheptel bovin.
* 4 décembre 2000 : suspension des farines animales pour tous
les animaux dans toute l'Union européenne
Sous la pression des consommateurs, la Commission européenne suspend l'utilisation des
farines animales dans les pays de l'Union européenne pour tous les animaux.
* 12 décembre 2000 : communication des premiers résultats du
programme de dépistage de l'ESB en France
L'analyse des premiers résultats révèle 32 cas d'ESB sur une population d'animaux
particulièrement à risque, soit 2,1 bovins à risque sur 1 000. 90 % de ces animaux
avaient entre cinq et sept ans. C'étaient des vaches de réforme, c'est-à-dire des
vaches laitières qui, après avoir donné du lait, sont engraissées pour être
destinées à la boucherie. Ces vaches ne sont pas exclusivement nourries avec de l'herbe.
Elles reçoivent des compléments très riches en protéines (tourteaux de soja, etc.)
qui, théoriquement à partir de juillet 1990, sont dépourvues de farines animales. Les
10 % restants correspondent pour la plupart à des races mixtes (normandes par exemple)
élevées pour leur production laitière et la qualité de leur viande. Les animaux de
race à viande, abattus entre 24 et 30 mois, se révèlent jusqu'à ce jour très peu
atteints par l'ESB. Jusqu'alors, plus de 70 % de la viande consommée en France provenait
de vaches de réforme. Les résultats font aussi apparaître une prévalence plus élevée
chez les animaux nés en 1993, 1994 et 1995, ce qui correspond vraisemblablement à
l'importation massive des farines anglaises contaminées entre 1988 et 1999.
* 13 décembre 2000 : décision de dépister tous les bovins
de plus de 30 mois dès janvier 2001
Lionel Jospin, en réponse à une étude anglaise (3) qui prétend démontrer que le
cheptel bovin français est plus contaminé que le cheptel bovin anglais, annonce que le
dépistage de tous les bovins de plus de 30 mois abattus en France commencera en janvier
2001, avec un objectif de 20 000 animaux testés par semaine. La France devance les
décisions de Bruxelles. Ainsi, seuls les animaux ESB négatifs pourront entrer dans la
chaîne alimentaire quel que soit leur âge. 13 laboratoires sont d'ores et déjà
agréés et directement opérationnels. Avec toutes ces mesures, la France est le pays le
plus avancé dans la lutte contre l'ESB. Le gouvernement joue la carte de la transparence
et espère ainsi redonner confiance aux consommateurs. Il est évident que si les farines
animales avaient été interdites sur toute l'Europe dès 1988 comme au Royaume-Uni, elles
n'auraient pas propagé le prion pathogène dans les différents pays de l'Union
européenne, transformant ainsi une affaire britannique en problème européen. A
l'époque, on craignait les répercussions économiques. La filière bovine les subit de
plein fouet aujourd'hui. Il est temps que les pays de l'Union européenne comprennent
qu'au sein du marché unique, une politique sanitaire ne peut fonctionner que si elle est
coordonnée entre tous les partenaires.
(3) Depuis 10 ans, on totalise 180 000 cas de vaches folles en Grande-Bretagne et moins
de 200 cas en France.
ESB, ce que l'on sait, ce que l'on ignore encore Les
scientifiques ne sont sûrs de rien. Cependant toutes les analyses et études réalisées
jusqu'alors permettent de penser que : |
Etiquetage et traçabilité, à exiger
Les hamburgers ne doivent plus contenir de MRS.A lire
Viandes
Sur le plan français
En 1998, la France a mis en place un étiquetage obligatoire pour la viande bovine mentionnant l'origine, la catégorie et le type racial. Si vous achetez de la viande française, ne manquez pas de demander ces informations.
Sur le plan européen
D'après le règlement du 17 juillet 2000,
l'étiquetage des viandes ou produits à base de viande bovine commercialisés dans la
communauté européenne doit comporter :
- un numéro de référence garantissant la relation entre la viande et l'animal
(traçabilité),
- le pays d'abattage et le numéro d'agrément de l'abattoir,
- le pays de découpe et le numéro d'agrément de l'atelier de découpe,
- l'origine de la viande devra obligatoirement être indiquée à partir de 2002.
Produits transformés à base de viande
Ils peuvent incorporer tous les produits issus de carcasses propres à la consommation humaine. Sont exclus les MRS et les viandes de ruminants séparés mécaniquement. La liste des ingrédients doit être indiquée sur l'étiquette.
Steaks hachés
Ils sont fabriqués à partir de muscles
hachés (99%) auxquels sont incorporés sels et épices (1% maximum).
L'étiquetage doit comprendre :
- le numéro du lot (ou de traçabilité),
- le pays d'abattage,
- le pays d'élaboration.
Préparations à base de viandes hachées (hamburger, ravioli, bolognaise..)
Elles doivent être fabriquées à partir de
muscles hachés auxquels sont incorporés d'autres ingrédients : épices, légumes,
protéines végétales, abats tels que le foie (à l'exclusion des MRS). Les viandes
séparées mécaniquement sont interdites. La liste des ingrédients doit être marquée
sur l'étiquette.
A Lire
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L'HÔTELLERIE n° 2698 Hebdo 28 Décembre 2000