Un chef qui siège au firmament de
la gastronomie française avec ses trois étoiles Michelin comme reconnaissance suprême
de son talent adopte rarement des positions extrémistes en matière culinaire. Certes,
des toques célèbres et incontestées ont osé, en leur temps, défendre des thèses
jugées parfois excessives, de Paul Bocuse à Michel Guérard, en passant par Alain
Senderens et bien d'autres. Néanmoins, il fallait toute l'audace d'Alain Passard pour
annoncer haut et fort son parti pris pour une cuisine exclusivement végétarienne. Il ne
nous appartient pas, bien évidemment, de juger du bien-fondé de cette annonce dont la
paternité revient entièrement au talentueux maître de l'Arpège.
Goût de la provocation, diront les tenants d'un confortable immobilisme. Imprudence
suicidaire, affirmeront les thuriféraires des 'produits nobles' à base quasi exclusive
de viandes et de poissons. Précisément, c'est bien le combat qu'entend mener Alain
Passard, davantage que de bénéficier de retombées médiatiques dont il n'a pas vraiment
besoin pour remplir son restaurant. Certes, ses déclarations ont suscité l'intérêt des
médias, et passer au JT de 20 heures entre deux apparitions de Claire Chazal ne peut
qu'attirer l'attention du plus grand nombre et accessoirement une admiration teintée
d'envie chez nombre de confrères. Mais la nature humaine est ainsi faite...
Pour en revenir aux projets légumiers d'Alain Passard, ils ne peuvent que recueillir
l'approbation de tous les opposants (et qui ne l'est pas au paradis de l'art culinaire ?)
à cette 'malbouffe' dont on s'aperçoit aujourd'hui qu'elle concerne l'ensemble de la
chaîne alimentaire jusqu'aux niveaux les plus élevés. C'est sans doute la leçon à
retenir pour l'ensemble de la profession de restaurateurs du message que nous envoie le
chef de la rue de Varenne : à toute forme de restauration, il appartient à chacun
d'offrir à sa clientèle une qualité sanitaire et gustative irréprochable si l'on veut
préserver l'avenir de son entreprise. L'affaire de la vache folle a provoqué un
véritable traumatisme dans une opinion publique qui a déjà encaissé le maïs
transgénique, l'abominable saumon aquacole, le poulet en batterie et la baguette
congelée. Trop c'est trop, dit Alain Passard, et il faut l'en remercier.
A quand l'ordre de la noblesse potagère ?
L'H.
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L'HÔTELLERIE n° 2700 Hebdo 11 Janvier 2001